Commentaire d'arrêt, Première Chambre civile, Cour de cassation, 20 février 2008, prix de vente
« Tout a un prix, même les gestes humanitaires », faisait dire Claude Fournier dans son film ''Les tisserands du pouvoir''.
Pour sa validité, la vente implique une contrepartie qui sera en principe monétaire, cela paraît en effet essentiel au sein d'un contrat qui est par définition à titre onéreux. De nombreuses variations sont possibles quant à ce prix versé : il peut être versé comptant, ou payable à terme, ou bien encore consister dans le service régulier d'une rente viagère ; il peut être fixe, ou varier en fonction de la rentabilité du bien ; il peut même être symbolique comme nous le verrons plus bas. L'adéquation du prix soulève de nombreuses difficultés, le prix doit ainsi être sérieux, en effet, même si cette hypothèse rare dans la pratique, il est possible que la vente soit annulée pour vileté du prix.
Ce fut cependant le cas dans l'arrêt étudié, même si le chemin conduisant à cette annulation fut quelque peu long.
À l'origine de cet arrêt se trouve un contrat conclu en la forme notariée entre une personne âgée et l'un de ses neveux. Ce contrat prévoyait que la propriété d'un immeuble appartenant à l'oncle serait transférée à son neveu, le “prix” étant fixé à 60 000 francs.
[...] Ce n'est donc que par commodité que les termes de bailleur et preneur sont utilisés pour désigner les parties du bail à nourriture. Cette appellation de bail apparaît également plus qu'approximative quand on observe que l'opération que ce contrat réalise doit fort peu au mécanisme de la location[2] et semble se rapprocher de la vente, tout particulièrement lorsque l'objet du contrat est un immeuble et que le prix, que ce soit pour partie ou dans son intégralité consiste dans le versement d'une rente viagère. [...]
[...] civ janvier 1995 LPA 20 octobre 2008 n°210p p.6 n Cass.civ 1re octobre 1967 Cass.civ 3e mars 1981 Cass.civ 3e décembre 1986 RDC 2009 p.549 obs. A.Bénabent Cass. [...]
[...] Un pourvoi en cassation est formé par l'acquéreur. La question alors posée à la Cour de cassation était de savoir si, au vu des obligations à la charge de l'acquéreur, un contrat de bail à nourriture était caractérisé. Les juges de la Haute Cour confirment cependant l'arrêt, estimant que l'obligation inhérente de subvenir à la vie et aux besoins du vendeur n'était pas mise à la charge de l'acquéreur requalifiant ainsi le contrat en vente et prononçant pour prix vil. [...]
[...] En requalifiant le contrat de vente, la Cour de cassation admet donc bel et bien la possibilité de fixer un prix autre que monétaire. En effet, voulant écarter une telle possibilité auraient très bien pu ranger le contrat au côté des contrats innommés. Mais ce n'est pas ainsi que la Cour a raisonné et cette solution n'est pas à regretter et paraît tout à fait opportune. En effet, la nature non monétaire du prix ne créera, comme l'observe Alain Bénabent[15], aucun obstacle à la mise en œuvre du régime de la vente. [...]
[...] Ceci indique clairement que les juges de la Haute Cour considèrent que les éléments de la vente sont effectivement réunis (le prix notamment). Cette considération est clairement un signe d'acceptation du prix non monétaire fixé par le contrat, même si le prix consiste en une prestation de service, le contrat constitue néanmoins une vente. Cet arrêt d'ailleurs est le bienvenu dans une jurisprudence hésitante quant à l'acceptation ou non d'un prix constitué d'un bien autre que de l'argent. La jurisprudence est en effet quelque peu clairsemée et errante quant à l'acceptation ou non d'un prix non monétaire. [...]
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