St Thomas D'Aquin disait : « On pèche contre la justice légale en s'arrogeant le droit de se faire justice soi-même. ».
En effet, c'est une idée extrêmement répandue en droit qu'il est interdit de se faire justice soi-même. Il faut laisser une autorité extérieure, impartiale, trancher les litiges entre deux personnes pour garantir la justice. Néanmoins, force est de constater que certaines dispositions de notre droit des contrats tendent à admettre que l'on puisse se faire justice à soi-même, que l'on puisse éclipser le juge et son influence dans la résolution des conflits.
C'est par exemple le cas de la résolution unilatérale du contrat par un contractant, traitée dans un arrêt de la Première Chambre civile de la Cour de cassation, datant du 20 février 2001.
En l'espèce, une société d'expertise automobile engage un expert, dont le rôle était de vérifier l'état des véhicules qui avaient été vendus avec faculté de rachat à un loueur professionnel, et ce avant que ces véhicules ne soient repris par le constructeur. Ce contrat liant la société et l'expert devait durer trois ans, mais l'employeur y mit fin au bout d'un mois seulement.
[...] Somme toute, la nécessite d'une preuve de gravité du manquement tendre à rendre un peu plus difficile la mise en œuvre de la résolution unilatérale du contrat. Mais pour quelle raison la Cour de cassation voudrait-elle cela? Parce que la résolution est une action juridique grave qui porte atteinte de manière unilatérale à quelque chose qui a été fait à deux et qui touche l'irrévocabilité du contrat. Et, comme la résolution unilatérale n'est pas comme la résolution judiciaire, dotée d'un juge, tierce personne impartiale qui décide de sa mise en œuvre, il faut bien ajouter des barrières empêchant l'emploi de cette dernière avec trop de facilité. [...]
[...] L'admission de la résolution unilatérale, efficace économiquement Par cet arrêt de 2001, La première chambre civile de la Cour de cassation reprend sa jurisprudence du 13 octobre 1998, admettant la résolution unilatérale du contrat. La résolution correspond à l'anéantissement rétroactif d'un acte juridique pour cause d'inexécution ou de mauvaise exécution. L'article 1184 alinéa 3 du Code civil règle que la résolution doit, être engagée devant le juge, qui devra prendre les conclusions nécessaires pour la valider. Mais, l'arrêt de 1998, va plus loin et dresse une exception notable, voire un principe concurrent à la résolution judiciaire, à savoir, celui de la résolution unilatérale. [...]
[...] En l'espèce, si l'expert automobile parvenait à prouver que son manquement n'est pas grave, la résolution unilatérale engagée par son employeur serait abusive et le paiement de dommages et intérêt par ce dernier, sans une exécution future du contrat, reviendrait à se défaire de son obligation et à bafouer le principe du respect de la parole donnée. D'ailleurs, le droit prospectif semble prendre ce chemin, puisque les avant- projets de réforme du droit des obligations Terré et Fauvarque prévoient que le juge puisse condamner le contractant coupable à poursuivre l'exécution du contrat qu'il avait unilatéralement, mais abusivement résolu. [...]
[...] La Cour fait ainsi savoir aux contractants que s'ils possèdent une capacité de résolution unilatérale, ils doivent être assez surs d'eux dans son utilisation, auquel cas des sanctions seront mises en œuvre en présence d'abus. Quelles sont donc ces punitions prévues en cas d'abus? Quels sont ces périls auxquels se risquent les contractants? L'arrêt de 2001 ne le détermine pas, mais il est possible de déduire de la jurisprudence antérieure et de la politique juridique actuelle des pistes de réponses. [...]
[...] De plus, force est de constater que cette décision s'aligne sur la position du droit européen qui admettait depuis un temps la résolution unilatérale. L'obligation de la résolution judiciaire était alors de plus en plus isolée en droit comparé : le droit allemand ne l'avait jamais eu et les droits néerlandais et québécois, l'avaient abandonné. Cette admission de la résolution unilatérale par la Cour, avantage économique, se fait au détriment du grand principe de la résolution judiciaire, qui est garante d'une certaine sécurité contractuelle, juridique. [...]
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