Dire que l'on vend une chose signifie en réalité vendre le droit de propriété que l'on a sur cette chose, rappelle A. Benabent dans Les contrats Spéciaux civils et commerciaux. La Cour de cassation eut à déterminer s'il y avait bien eu transfert de propriété, dans la célèbre affaire des douze bœufs, du 1er février 1983 (1re civile).
Dans les faits, une coopérative agricole vend « un lot de douze bœufs » à un acheteur. Avant la pesée des animaux, l'un d'entre eux meurt, et l'acheteur refuse alors de payer le prix de l'animal et donc de supporter les coûts liés à cette perte. Par conséquent, le vendeur l'assigne en paiement et sa demande est acceptée par la Cour d'appel de Bourges le 8 juillet 1981. L'acheteur forme alors un pourvoi en cassation sur le motif suivant : il n'était pas question ici d'une vente en bloc, mais d'une vente au poids selon le demandeur. Ainsi, selon l'article 1585 de la vente à la mesure, l'acheteur rappelle que les risques incombent au vendeur. Ainsi, l'arrêt de la Cour d'appel aurait manqué de base légale en statuant sur le fondement de l'article 1586 sur la vente en bloc, et aurait de plus entaché sa décision d'un défaut de motifs en statuant sur simple affirmation.
[...] L'article 1586 permet en effet de déclarer la vente parfaite avant même qu'un quelconque mesurage soit effectué. Nous venons de voir que la vente adoptait deux facettes différentes à travers le critère déterminant de l'individualisation. Or le transfert du droit sur une chose est insuffisant à caractériser la vente, le prix comme contrepartie numérique est essentiel pour distinguer la vente d'une libéralité. Par conséquent, un mesurage avait été effectué en l'espèce afin de pouvoir fixer un niveau de prix, de façon contradictoire entre les deux parties au contrat de vente. [...]
[...] En l'espèce, il s'agissait de choses de genre c'est-à-dire une marchandise qui se détermine par son espèce. Ainsi, la détermination des animaux se fera par l'espèce et la quotité. L'individualisation est l'opération par laquelle les parties identifient ces choses de genre faisant partie du contrat de vente via des mécanismes de marquage par exemple. L'article 1586 dispose la vente en bloc est la vente d'un ensemble de choses, individualisé : il s'agit donc d'un groupe, se rapprochant de la notion d'universalité. [...]
[...] Cependant, il n'est pas inutile de constater ici que c'est le juge de la Cour de cassation qui qualifie cette vente et qui en déduit le régime applicable. Alors que les parties ne sont pas d'accord, il appartient donc aux juges du fond, appréciant les circonstances des espèces, de déterminer la nature de la vente. Par conséquent, chaque partie tente de faire appliquer le régime le plus favorable. L'intervention du juge permet de déterminer la modalité de vente qui aurait été entendue par les parties lors de la conclusion du contrat de vente. [...]
[...] Or ce transfert a pour conséquence d'entraîner une charge des risques. En effet, la vente étant parfaite, l'ensemble est déjà entre les mains de l'acheteur fictivement, c'est donc lui qui va en supporter les risques. La règle de principe en droit civil est res perit domino résultant de l'article 1138 qui dispose dans son alinéa 2 qu'« Elle rend le créancier propriétaire et met la chose à ses risques Ainsi, le propriétaire supporte les risques liés à la chose. Par conséquent, il s'agit de savoir si en l'espèce il s'agissait plutôt d'une vente à la mesure (où le risque pèse encore sur le vendeur propriétaire) ou d'une vente en bloc (où le risque a déjà été transféré comme la propriété à l'acheteur). [...]
[...] Par conséquent, selon l'article 1586 du Code civil, la Cour de cassation a statué que dans le contrat de vente en bloc, les marchandises vendues sont aux risques de l'acheteur Si les critères de définition d'une vente en bloc étaient au cœur de la décision, l'enjeu de cette affaire concernait en réalité la charge des risques. II Les effets induits par la qualification judiciaire de la vente en bloc Dans cette partie, nous verrons qu'à la suite de la qualification, la charge des risques est imputée à l'une des deux parties selon le Code civil Or cette qualification se fait a posteriori, par le juge, et selon les circonstances appréciées A. [...]
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