Commentaire d'arrêt, Première Chambre civile, Cour de cassation, 19 décembre 2012, exception de connexité
« Se placer à la date à laquelle il statue » sur l'exception de connexité, constitue pour le juge saisi, plus qu'une précision de procédure, un véritable enjeu aux conséquences importantes. L'arrêt du 19 décembre 2012 de la Première Chambre civile de la Cour de cassation est à même de l'attester.
En l'espèce, le 28 septembre 1994 le ferry « Estonia » avait sombré entre Tallinn (Estonie) et Stockholm (Suède) alors qu'il naviguait dans des eaux internationales. Au total, 852 personnes sur les 989 embarquées trouveront la mort.
À la suite de l'incident, certains ayants droit des victimes avaient, le 13 septembre 1996, assigné en réparation de leur préjudice les armateurs et l'exploitant de ce ferry devant le Tribunal de première instance de Stockholm. Ces derniers avaient appelé en garantie la société de classification française Bureau Veritas qui avait accompli la certification du navire ainsi que son constructeur établi en Allemagne. En application de la loi maritime suédoise déterminant restrictivement les ayants droit pouvant être recevables à agir, ces derniers avaient été déclarés irrecevables par jugement dudit Tribunal du 22 février 2000, confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Svéa du 7 janvier 2001.
[...] Il s'en suit, fort logiquement, que la Cour confirme ici l'appréciation du juge d'appel qui examine la connexité proprement dite des demandes. Il paraît ainsi que le lien direct ou indirect ne pourrait aucunement être retenu entre la demande de quelques ayants droit devant le juge suédois avec celle de plus de mille trois cents ayants droit devant le juge français. Outre la différence quantitative de requérants, les personnes assignées étaient également différentes. En effet, devant le juge suédois ont été assignés les armateurs et l'exploitant du ferry qui ont attrait en garantie la société Bureau Veritas et le constructeur. [...]
[...] La connexité offre la possibilité au deuxième juge saisi de surseoir à statuer ou de se dessaisir non pas pour raison d'incompétence, mais par exception à la règle de compétence. Dans quelle mesure le cadre temporel d'évaluation de la connexité constitue- t-il le pivot de la solution, en matière de compétence, d'un contentieux éclaté comme celui de l'espèce ? L'importance du cadre temporel d'évaluation de la connexité est mise en exergue, tout d'abord, par l'interprétation pragmatique et constructive que la Cour de cassation entreprend et, indubitablement, par l'orthodoxie des motifs de la confirmation de l'arrêt attaqué, portant rejet à l'exception de connexité (II). [...]
[...] D'autant plus, que dans l'arrêt de cassation rendu sur la même affaire en 2004 la Cour avait retenu exactement la même formulation avant de développer son raisonnement. La méthode interprétative ainsi choisie par la Cour de cassation se montre respectueuse des finalités du texte d'origine européenne qu'elle est amenée à appliquer et, surtout, constitue le fondement indispensable pour l'analyse qui va suivre. En effet, comment assurer l'effet utile de ces dispositions et offrir une solution cohérente sans analyser la question qui se pose sous le spectre des objectifs desdites dispositions ? [...]
[...] In fine, l'approche parfaitement logique retenue par la Cour de cassation en l'espèce, accordant un rôle primordial au moment d'appréciation de la connexité, pourrait constituer un bel exemple de conciliation réussite entre les principes européens en matière de connexité et l'intérêt de bonne administration de la justice notamment en ce qui concerne les dénis de justice. Cependant, en dépit de l'apport de cette jurisprudence aux contentieux éclatés, il reste encore beaucoup à faire afin d'éviter notamment a priori cet éclatement. [...]
[...] L'arrêt du 19 décembre 2012 de la Première Chambre civile de la Cour de cassation est à même de l'attester. En l'espèce, le 28 septembre 1994 le ferry Estonia avait sombré entre Tallinn (Estonie) et Stockholm (Suède) alors qu'il naviguait dans des eaux internationales. Au total personnes sur les 989 embarquées trouveront la mort. À la suite de l'incident, certains ayants droit des victimes avaient, le 13 septembre 1996, assigné en réparation de leur préjudice les armateurs et l'exploitant de ce ferry devant le Tribunal de première instance de Stockholm. [...]
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