Commentaire d'arrêt, Première Chambre civile, Cour de cassation, 16 septembre 2010, respect du corps humain
La dignité humaine a été consacrée comme un droit fondamental de l'homme à la suite de la Seconde Guerre mondiale en réponse aux atteintes graves au corps humain qui avaient été commises lors de celle-ci. Ce principe a été reconnu internationalement par la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 ainsi que par la Constitution et la question de la dignité humaine en tant que composante de l'ordre public s'est également posée à de nombreuses reprises.
Cette question continue encore à se poser aujourd'hui, car au fil des années le champ de la dignité humaine n'a cessé de s'étendre, c'est le cas dans cette affaire récente de l'exposition « Our Body, à corps ouvert », qui a fait dès le début l'objet d'un débat médiatique important. En effet, deux intérêts s'opposaient : d'une part, le but scientifique, éducatif et culturel de l'exposition et d'autre part, le fait que les cadavres utilisés soient des cadavres humains et donc susceptibles d'une atteinte à la dignité humaine. De plus, le fait que les cadavres exposés soient des cadavres chinois dont l'origine semblait douteuse et que celle-ci ainsi que le consentement des personnes n'avaient pas été prouvés clairement rajoutait des éléments de discorde et de doute.
[...] En effet, si on ne prévoit pas les applications et les limites d'un principe, il sera difficile de faire respecter celui-ci. C'est pour cette raison que le Code civil précise les principales caractéristiques du corps humain qui permettent donc son respect, en effet, dans l'article 16-1 du Code civil qui prévoit le droit de chacun au respect de son corps, on trouve également le principe d'inviolabilité du corps humain à l'alinéa 2 et le principe de non-patrimonialité à l'alinéa 3. [...]
[...] On retrouve ce caractère d'ordre public principalement dans un arrêt en référé de la cour d'appel de Paris en date du 30 avril 2009 qui explique que l'article 16-1-1 du Code civil accorde une protection d'ordre public aux dépouilles mortelles, qui leur confère un caractère inviolable et un droit au respect absolu, qui n'exclut cependant pas l'utilisation des cadavres à des fins scientifiques ou pédagogiques Il ressort de cet arrêt que la protection du corps humain étendu au cadavre est une protection d'ordre public, il n'est donc pas possible d'y déroger à part dans les conditions prévues par l'arrêt à savoir une utilisation scientifique ou pédagogique. L'utilisation des cadavres pour un but commercial est donc totalement interdite, c'est une règle à laquelle il est impossible de déroger, c'est pour cela que la Cour de cassation dans sa décision ne s'est pas interrogée sur la provenance des cadavres et sur le consentement donné ou non par les personnes de leur vivant. [...]
[...] Deux associations de défense des droits de l'homme Ensemble contre la peine de mort et Solidarité Chine ont saisi le juge des référés afin d'obtenir la cessation de l'exposition, la constitution en séquestre des corps et pièces anatomiques exposés ainsi que la justification de la provenance des corps exposés par divers documents. Le juge des référés rend un jugement interdisant cette exposition, la société fait donc appel de cette décision. La cour d'appel de Paris dans un arrêt du 30 avril 2009 confirme l'interdiction de l'exposition au motif que la société ne rapporte la preuve de l'origine licite et de l'existence du consentement donné par les personnes de leur vivant. [...]
[...] Si l'inverse avait été fait, c'est- à-dire que la cour d'appel avait eu la preuve du consentement des personnes et avait alors autorisé l'exposition, il y a de fortes chances pour que la Cour de cassation par la suite ait cassé cet arrêt. En effet, un tel consentement bien que valablement donné ne saurait autoriser une atteinte faite à la personne humaine et à son corps. On peut comparer cette situation avec celle de l'affaire du lancer de nains, dans celle-ci, le maire était intervenu pour interdire le spectacle de lancer de nains dans sa commune par le biais d'un arrêté municipal, et les sociétés productrices du spectacle ainsi que l'artiste, avaient attaqué cet arrêté. [...]
[...] La Cour de cassation, dans cet arrêt, a donc dû se demander si le fait d'exposer des cadavres à des fins commerciales violait ou non l'exigence de l'article 16-1-1 du Code civil alinéa 2 à savoir le traitement avec respect, dignité et décence des restes des personnes décédées. La première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 16 septembre 2010 rejette le pourvoi formé par la société Encore Event au motif que l'exposition à des fins commerciales de cadavres ne respecte pas la dignité et la décence reconnue aux restes des personnes décédées par l'article précité. [...]
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