Ce document est un arrêt de rejet rendu le 16 septembre 2010 par la Première Chambre civile de la Cour de cassation qui s'est prononcée au sujet d'une exposition mettant en scène des restes de personnes décédées.
En l'espèce, une société d'évènementiel organise une exposition mettant en scène des cadavres humains plastinés, technique consistant à préserver des tissus biologiques en remplaçant les différents liquides organiques par du silicone.
Au regard des articles 16 et suivant du Code civil, deux associations de défense des droits de l'homme assignent l'entreprise pour atteinte à la dignité et au respect de l'être humain. En outre, les demandeurs ont des doutes sur l'origine des cadavres exposés et soupçonnent un trafic d'êtres humains. Enfin, ces associations mettent en exergue le fait que les morts n'ont pas donné leur accord pour que leur dépouille soit utilisée à de telles fins.
Après que les juges des référés aient ordonné l'interdiction de poursuivre l'exposition le 30 avril 2009, la société organisatrice de l'exposition fait appel avant d'être déboutée de sa demande notamment au motif que les conditions de l'article 16-1-1 du Code civil n'étaient pas respectées puisque l'exposition portait atteinte au respect, à la dignité et à la décence des personnes décédées, mais aussi que la société n'était pas capable de prouver qu'elle avait eu le consentement ante mortem des intéressés et qu'elle pouvait prouver la traçabilité des corps exposés. C'est la raison pour laquelle l'appelant débouté de sa demande se pourvoit en cassation.
[...] Son deuxième alinéa ajoute que les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traitées avec respect, dignité et décence Cette dernière trilogie constitue le cœur de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 septembre 2010 : le cadavre doit donc être traité avec respect, dignité et décence. Il revient au juge d'interpréter ces termes devenus parfois incantatoires dans le droit positif français. Pour autant il ne faut pas reconnaître au cadavre un quelconque droit à la personnalité. [...]
[...] Il faut souligner que ce fait juridique qu'est la mort modifie le statut de l'individu dans la mesure où il passe de personnes physiques, à chose et perd par conséquent la quasi-totalité de ses droits. Plagnol indique à ce sujet que les morts ne sont plus rien, ils ne sont plus des personnes Il faut nuancer ce propos, car les morts préservent certains droits. En effet, le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort c'est l'article 16-1-1 qui met en exergue la notion de respect du corps humain après la mort afin qu'il ne soit pas considéré comme un bien matériel ordinaire. [...]
[...] Une exposition de restes de personnes décédées méconnait-elle, par sa finalité commerciale, le principe de respect, de dignité et de décence consacrée dans l'article 16-1-1 du Code civil ? La Cour de cassation rejette les pourvois principal et incident, mais s'écarte des motifs soutenus par la Cour d'appel de Paris. Contrairement au jugement d'appel, la Cour ne fonde pas son arrêt sur le fait que la mise en scène de dépouilles de personnes décédées qui n'avaient pas donné d'autorisation ante morte pour que leur cadavre soit utilisé à de telles fins et dont l'origine était méconnue, violait l'article 16-1-1. [...]
[...] Cet arrêt permet aux juges de cassation d'écarter, dans le cas de l'affaire Our body, l'hypothèse où les personnes décédées auraient donné leur accord pour que leurs restes soient plasties et exposés puisqu'il n'est pas possible de se prévaloir du droit de décider librement de ce qu'il adviendra de leur cadavre. De ce fait, les juges rejettent les motifs de la Cour d'appel de Paris, puisque, la traçabilité des cadavres ainsi que le consentement potentiel des personnes ante mortem n'est qu'un élément secondaire au vu des dispositions fixées par le droit positif. [...]
[...] Tout le cheminement juridique de la Cour de cassation tient dans cette interprétation. C'est le caractère lucratif de l'événement et la promotion de celui-ci fondé sur l'exposition anatomique de vrais corps humains qui met en évidence la volonté que cette manifestation revêt un succès commercial. En effet, ainsi, les visiteurs vont s'y rendre pour observer de vrais cadavres. La Cour se prononce dans la continuité de l'avis rendu par le Comité consultatif national d'éthique le 7 janvier 2010 qui dénonçait la forme d'exploitation du corps de morts à visée commerciale en disant que cela contrevenait à l'esprit de la loi française De plus, le CCNE a été suivi par le législateur lors de la révision de la loi sur la bioéthique qui devait définir ce que les vivants doivent s'interdire de faire avec les corps des morts, ces dépouilles qui portent la mémoire du défunt car le corps n'est pas une chose ordinaire. [...]
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