« Tout fait quelconque de l'homme oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » dispose l'article 1382 du Code civil, fondement de la responsabilité civile. L'idée prégnante de cette dernière est que la personne qui est à l'origine d'un préjudice par son comportement, en étant consciente de ses actes, va voir sa responsabilité mise en oeuvre. Mais qu'en est-il de la faute des mineurs, des enfants, dont le jeune âge est un obstacle à la conscience de ses actes, à leur imputabilité ?
La Cour de cassation a posé le principe suivant lequel l'imputabilité ne se confond pas avec la capacité lors de l'Assemblée plénière du 9 mai 1984. C'est dans cette perspective que s'inscrit l'arrêt rendu par la Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation rendu le 28 février 1996.
En l'espèce, une fillette de huit ans est gardée par un adulte. Cette dernière joue sous la table, se relève brusquement, court vers le fils mineur de l'adulte, qui portait une casserole d'eau bouillante, et le heurte, se brûlant.
La mère de la fillette demande réparation pour ce préjudice et assigne l'adulte chargé de la garde ainsi que son assureur. Un appel est formé après une décision au fond, et la Cour d'appel fait droit à la demande de la mère de la victime. La Cour d'appel estime en effet que compte tenu du jeune âgé de l'enfant, son comportement ne peut être considéré comme une faute ayant concouru à la réalisation de son préjudice. La responsabilité entière de l'adulte en charge de la garde est donc retenue par l'arrêt d'appel. Un pourvoi en cassation est alors formé.
[...] Par conséquent, la faute provient bien de la victime et le droit à réparation est partagé par les défendeurs et les demandeurs. La jurisprudence de la Cour de cassation a d'ailleurs consacré cette position dans différents arrêts tels que ceux rendus le 7 mai 2002 et surtout ceux de l'assemblée plénière du 9 mai 1984. L'arrêt Lemaire de 1984 disposes que la victime avait commis une faute qui avait concouru avec celle de M.Lemaire, à la réalisation du dommage dans une proportion souverainement appréciée et l'arrêt Derguini du même jour reprend cette formule en ces termes : la victime avait commis une faute qui avait concouru, avec celle de M.Tidu, à la réalisation du dommage dans une proportion souverainement appréciée Le partage du droit à réparation se fait dans ces arrêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. [...]
[...] Justement, pour tenter d'assouplir la rigueur inhérente à l'appréciation objective de la faute in abstracto, les juges de la Cour de cassation ont conclu que dans certains cas il était possible d'apprécier le discernement de l'enfant comme étant une particularité concrète de l'individu ayant participé à la commission d'une faute non intentionnelle. Dans l'arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 4 juillet 1990, le défaut de mise en garde de la personne qui était chargé de surveiller un enfant est pris en compte comme ayant influencé sa capacité de discernement. [...]
[...] Pour remédier à cette situation, il suffit d'admettre que l'imputabilité ne se confond pas avec la capacité et d'entendre l'article 489-2 du Code civil de façon large. Par extension, si la responsabilité des majeurs aliénés est reconnue, la responsabilité des mineurs l'est aussi. Reste à préciser ce que sous-tend le terme même de mineurs. A cet effet, l'article 1310 du Code civil ne précise pas l'âge pour désigner les mineurs ; par conséquent, les enfants en bas âge dits infans sont compris dans cette catégorie. [...]
[...] C'est pourquoi la jurisprudence assouplit ses positions en prenant en compte des facteurs extérieurs aux dommages qui ont contribué à influencer le degré de discernement de l'enfant. L'application de l'appréciation de l'élément objective de la faute s'explique bien théoriquement, mais se heurte à des difficultés pratiques sensibles. Il en va de même pour les conséquences qui découlent de cette conception. II. Les conséquences de cette conception à l'égard des enfants mineurs La conception de la faute objective à l'égard des mineurs contribue corrélativement à l'engagement de la responsabilité civile des mineurs en cas de dommage. [...]
[...] Mais la Cour de cassation casse la décision de la cour d'appel. Il n'empêche que la solution retenue revient à prendre le contre-pied du consensus doctrinal d'indemnisation des victimes. C'est pourquoi la conception retenue est à nuancer sur certains points. B. Une conception adoptée, mais à nuancer Sous l'article 1341 de l'avant-projet de réforme Catala, la note 16 précise que la responsabilité civile de l'aliéné (et éventuellement de l'infans) a une portée générale valant pour tous les faits générateurs de responsabilités extracontractuelle et même pour la responsabilité contractuelle L'article 1351-1 qui dispose que les exonérations prévues aux deux articles précédents ne sont pas applicables aux personnes privées de discernement renvoie d'une part à l'article 1350, la victime est privée de toute réparation lorsqu'elle a recherché volontairement le dommage et d'autre part à l'article 1351, l'exonération partielle ne peut résulter que d'une faute de la victime ayant concouru à la production du dommage. [...]
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