La responsabilité civile, fait l'objet de mutations très profondes impulsées par la Cour de cassation depuis plusieurs années, et continues de susciter de vives controverses doctrinales dans de nombreux domaines, dans la mesure ou une perte de cohérence et d'équilibre entre les intérêts des victimes de dommages et les responsables est souvent constatée. Une proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile a été présentée au Sénat, le 9 juillet 2010, par M. Laurent Béteille, ce qui révèle, sans doute, la nécessité de rédiger de nouveaux textes pour encadre la matière de manière plus précise, tantôt pour consacrer, tantôt pour infirmer la jurisprudence actuelle, et indique, évidemment, que de nouvelles orientations sont encore à prévoir. Plus précisément, la responsabilité du fait d'autrui donne fréquemment lieu à des contentieux qui soulignent, la grande importance de la problématique en pratique, et permettent de relever quelques orientations caractéristiques, voire quelques « dérives » dénoncées par certains auteurs. L'un des domaines les plus révélateurs des évolutions contemporaines est celui de la responsabilité des parents du fait des enfants mineurs fondée sur les dispositions des alinéas 4 et 7 de l'article 1384 du Code civil. La matière apporte, en effet, un éclairage intéressant sur le regard même que la société porte sur le rôle de la famille en général, et la place des enfants en particulier, dont quelques commentateurs relèvent qu'ils ont été, de facto, « réifiés ». Dès lors, le comportement de l'enfant mineur, est quelquefois assimilé à un « risque » dont il convient de mutualiser les conséquences. La rigueur extrême de la jurisprudence avec laquelle la Cour de cassation applique les textes précités, pour retenir solidairement la responsabilité du père et de la mère d'un enfant mineur ayant par son comportement causé un dommage à autrui, est périodiquement critiquée. La responsabilité des parents exerçant l'autorité parentale, quelle que soit la nature de la filiation, est, d'une part, devenue une responsabilité « de plein droit », objective, et d'autre part, les conditions dans lesquelles une exonération pourrait bénéficier aux parents sont particulièrement difficiles à réunir. Dès lors, d'une certaine manière, l'analyse des problématiques de la responsabilité parentale par la jurisprudence est parfois perçue comme un laboratoire privilégié de la « victimophilie », à tel point que la responsabilité des parents est quelquefois qualifiée de « responsabilité déresponsabilisant » pour citer la formule du professeur Lécuyer.
[...] En revanche, pour que la responsabilité de père et mère soit engagée sur le fondement de l'alinéa 4 de l'article 1384 du Code civil, il suffit que le dommage ait été causé par l'enfant, d'une manière fautive, ou non fautive, sans qu'il soit nécessaire que le comportement de l'enfant, d'une manière fautive, ou non fautive, sans qu'il soit nécessaire que le comportement de l'enfant soit susceptible d'engager sa responsabilité personnelle. L'arrêt Levert, rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 10 mai 2001 (Cass. [...]
[...] Crim mars 1997), la preuve de l'absence de faute ne permet pas aux personnes morales ou physiques déclarées responsables du fait d'autrui sur le fondement de l'alinéa 1e de l'article 1384 du Code civil de s'exonérer de leur responsabilité présumée. Dès lors, il est légitime de s'interroger sur les conséquences de la référence au texte précité, dans le visa de l'arrêt commenté, du point de vue des conditions dans lesquelles les personnes auxquelles la jurisprudence Blieck est appliquée peuvent bénéficier d'une exonération. [...]
[...] En réalité, c'est la référence à l'alinéa 1er de l'article 1384 du Code civil qui peut susciter un certain trouble. Il ne s'agit pas, à notre sens, d'une référence à la responsabilité du fait des choses, mais à la responsabilité du fait d'autrui dans la conception qui résulte de la jurisprudence Blieck (Cass. Ass. Plén mars 1991). En effet, dans cette décision très célèbre, l'assemblée plénière de la Cour de cassation avait, le 29 mars 1991, sur le fondement de l'alinéa 1er de l'article 1384 du Code civil, admis en substance: qu'un centre d'aide par le travail administré et géré par une association qui avait accepté la charge d'organiser et de contrôler, à titre permanent, le mode de vie d'une personne handicapée mentale dans un milieu protégé et dans un régime de grande liberté de circulation de pensionnaires, devait répondre des conséquences dommageables de l'incendie de forêt que celui-ci avait allumé dans le jardin jouxtant l'établissement d'accueil. [...]
[...] On rappellera que l'assemblée plénière de la Cour de cassation est précisément intervenue dans deux arrêts du 14 avril 2006, l'un rendu en matière de responsabilité contractuelle l'autre rendu en matière de responsabilité délictuelle lato sensu, pour mettre un terme à la divergence relative à la définition de la force majeure créée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans l'arrêt Clio voyages (Cass. 1ère civ novembre 2002). Les deux arrêts d'assemblée plénière précités n'avaient pas mentionné la condition d'extériorité qui était pour le moins sous entendue, voire assez souvent présumée; en revanche, ils avaient mis l'accent sur les conditions cumulatives d'imprévisibilité et d'irrésistibilité pour qu'un véritable cas de force majeure puisse être caractérisé. De ce point de vue, l'arrêt étudié n'apporte pas d'élément réellement significatif ayant des conséquences pratiques notables. [...]
[...] L'essentiel est de relever que la responsabilité civile personnelle du mineur peut être engagée quel que soit son âge, sa maturité intellectuelle, son discernement, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, par la preuve d'une faute (entendue de manière objective), à la condition que le comportement soit illicite, ou sur le fondement de l'alinéa 1er de l'article 1384 du Code civil, au titre de la responsabilité du fait des choses, lorsque le mineur a la qualité de gardien de la chose; ces règles expliquent évidemment le succès des polices d'assurance ayant pour objet de couvrir les différents types d'activités exercées par les enfants. On constate que, dans l'arrêt étudié, la victime n'avait pas engagé la responsabilité civile personnelle du mineur, mais uniquement la responsabilité de son père. Il faut maintenant s'interroger sur la responsabilité des père et mère dans cet environnement jurisprudentiel, dans la mesure où l'hypothèse de responsabilité civile du mineur n'exclut évidemment par celle de ses parents. L'assemblée plénière de la Cour de cassation a affirmé dans l'arrêt Fullenwarth du 9 mai 1984 (Cass. Ass. [...]
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