Dans un arrêt de rejet rendu au visa de l'article 1384 alinéa 5 du Code civil le 16 juin 2005 par la deuxième Chambre civile de la Cour de Cassation, la Cour a été amenée à se prononcer sur l'étendue de la notion d'exercice des fonctions du préposé susceptible d'engager la responsabilité de son commettant.
En l'espèce, une femme avait pris en location un appartement d'une résidence pour personnes âgées gérée par une association. Mais la gardienne de la résidence lui ayant fait croire qu'elle risquait d'être renvoyée de l'établissement en raison de son trop grand âge et de son incontinence nocturne, et affirmant qu'afin de lui éviter cela elle dissimulait son dossier administratif, elle obtint de la pensionnaire qu'elle lui signa plusieurs chèques d'un montant total de 434 900 francs.
La gardienne fut déclarée coupable d'abus de faiblesse par le tribunal correctionnel et fut condamnée à une peine d'emprisonnement ainsi qu'au versement d'une somme équivalente à la totalité de celle obtenue illicitement en réparation du préjudice subi par la partie civile.
Puis une personne morale, en sa qualité de curateur de la victime, assigna l'association gestionnaire sur le terrain civil en réparation du préjudice subi par la pensionnaire du fait de la préposée de ladite association. Et, à la suite du décès de la victime, ses héritiers reprirent l'instance.
[...] Effectivement, ce principe fut notamment posé dans un arrêt rendu par la deuxième Chambre 3 civile de la Cour de Cassation le 19 juin 2003, les juges du droit relevant que la préposée avait agi au temps et au lieu de son travail, à l'occasion des fonctions auxquelles elle était employée et avec le matériel mis à sa disposition, ce qui excluait qu'elle ait commis ses détournements en dehors de ses fonctions Or en 2005, les juges font un constat analogue en relevant la gardienne avait bel et bien commis une infraction intentionnelle, infraction pour laquelle elle fut par ailleurs condamnée au pénal. Mais l'ayant commis en fonctions, l'abus de ces mêmes fonctions devait être exclu et, de fait, une telle constatation était suffisante à engager la responsabilité civile de son commettant. Mais ce constat effectué par les juges permet également d'établir une autre réalité. En effet, en acceptant de retenir la responsabilité du commettant après que la responsabilité de sa préposée a été engagée, la Cour de Cassation souligne l'absence de subsidiarité de la responsabilité du premier à celle du second. [...]
[...] Et ce, peu importe quelles aient été les motivations de la préposée et indépendamment d'un rôle quelconque de son commettant. L'indifférence quant aux fins poursuivies par la préposée ainsi qu'à l'absence de faute du commettant En déclarant que le juge d'appel avait à raison écarté l'abus de fonctions de la gardienne alors même que l'association gestionnaire ne lui avait pas donné ordre d'agir ainsi la Cour de Cassation souligne l'importance du critère objectif de l'agissement hors fonction. En effet, elle refuse ainsi de prendre en compte les motivations de la préposée dès lors que celle-ci avait agi en ses temps et lieu de travail. [...]
[...] En effet, alors que l'article 1384 alinéa 5 du Code civil dispose que les maitres et les commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés les tentatives jurisprudentielles de délimitation de la frontière entre les agissements en et hors fonctions furent pendant longtemps l'objet de controverses dans le cas où l'employé abuse de ses fonctions, à savoir lorsqu'il utilise le cadre ou les moyens de ses fonctions pour agir dans son intérêt personnel hors des instructions reçues (Alain Bénabent). Car durant plusieurs décennies une division s'est opérée au sein de la Cour de Cassation, la Chambre criminelle consacrant la conception large selon laquelle la responsabilité du commettant est engagée à chaque fois que le préposé a agi a l'occasion de ses fonctions, et les Chambres civiles en retenant une conception étroite en 2 vertu de laquelle la responsabilité du commettant cesse d'être engagée dès lors que l'employé s'est soustrait à son autorité. [...]
[...] En outre, la Haute juridiction relève que le commettant ne se trouve pas pour autant lésé puisque les sommes versées par [la préposée] ont été déduites de la condamnation prononcée à l'encontre de l'association Par conséquent, cet aboutissement jurisprudentiel fait faux bond à une incertitude latente quant à la définition des critères de l'acte excédant les limites de la mission confiée au préposé, et balaye une conception étroite de la responsabilité du commettant du fait d'autrui. Effectivement, la résignation peut n'avoir qu'un temps (François Terré). [...]
[...] Ainsi, en vertu de la jurisprudence Costedoat, il aurait pu être légitime de croire que celle-ci, ayant agit dans le cadre de ses fonctions, n'aurait pu voir engagée sa responsabilité personnelle. Néanmoins en l'espèce, les juges soulignent adroitement la nuance entre abus de fonctions et limites de la mission, relevant de façon pertinente que l'infraction d'abus de faiblesse commise par la gardienne avait bien été réalisée dans le cadre de ses fonctions dont elle n'avait alors pu abuser, mais qu'elle avait pourtant excédé sa mission consistant, comme avait pu l'énoncer l'association défenderesse, en une activité de gardiennage dépourvue de tout pouvoir administratif ou de gestion des fonds des résidents De ce fait, elle parait se placer dans la lignée d'une position jurisprudentielle plus récente, selon laquelle la responsabilité civile du préposé à l'égard des tiers subsiste dès lors qu'il aura été condamné pénalement pour avoir intentionnellement commis une infraction ayant causé préjudice à un tiers, quand bien même ce fût sur ordre du commettant (Ass. [...]
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