L'arrêt rendu par la Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation, le 10 janvier 2013, a permis à la Haute Juridiction d'opérer un revirement quant à la recevabilité d'une demande reconventionnelle faite en appel par le demandeur originaire.
En l'espèce, la caution d'un prêt consenti par une banque avait agi en nullité de son engagement. Ayant été déboutée et condamnée en première instance à verser à la banque une somme en exécution du cautionnement, la caution avait interjeté appel de ce jugement puis réclamé à la banque des dommages et intérêts. La Cour d'appel l'ayant déboutée de cette demande, la caution avait alors formé un pourvoi contre cette décision. La Cour de cassation avait dès lors à se prononcer sur la question de la recevabilité d'une demande reconventionnelle formée en appel par le demandeur originaire. Plus précisément, il s'agissait de déterminer si une telle demande peut être admise alors même qu'elle n'est pas formée par le défendeur originaire, mais par le demandeur originaire. L'arrêt d'appel est cassé par la Haute Juridiction au visa conjoint des articles 64 et 567 du Code de procédure civile. Cette dernière énonce en effet dans un attendu de principe clair que « les demandes reconventionnelles, en première instance comme en appel, peuvent être formée tant par le défendeur sur la demande initiale que par le demandeur initial en défense aux prétentions reconventionnelles de son adversaire ».
[...] La recevabilité de la demande reconventionnelle du demandeur originaire en appel La Haute Juridiction admet non seulement que le demandeur originaire peut former des demandes reconventionnelles, mais encore qu'il peut le faire en appel, conformément à l'article 567 du Code de procédure civile, lequel dispose que "les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel". Ce faisant, la Cour de cassation admet qu'une demande, c'est-à-dire qu'une prétention nouvelle, puisse être formée en appel dès lors qu'elle tend à faire rejeter la prétention adverse du défendeur initial formée reconventionnellement à sa propre demande, et qu'elle s'y rattache par un lien suffisant. En effet, l'article 567 du Code de procédure civile apparait neutre sur le plan de l'auteur de la demande reconventionnelle, ne précisant pas si celle-ci doit émaner du défendeur originaire ou du demandeur originaire. [...]
[...] La solution révélée par la Cour de cassation permet donc de contourner l'interdiction de former des prétentions nouvelles en appel pour le demandeur originaire. La poursuite d'un objectif de cohérence du système La Cour de cassation admet expressément que le demandeur initial est recevable à former des demandes reconventionnelles, au visa de l'article 64 du Code de procédure civile, alors même que celui-ci ne vise que la recevabilité du "défendeur originaire" à former de telles demandes. Cette solution, contra legem, s'explique cependant par l'objectif de rationaliser le système et de le rendre plus efficace. [...]
[...] La solution s'inscrit en outre dans une tendance contemporaine d'exigences de concentration des moyens dans un même litige (Cass. Mixte juillet 2006, Césareo), et plus encore dans une tendance particulièrement sévère à l'égard de la caution (Cass. 1ère civ. 1er juillet 2010). [...]
[...] Ayant été déboutée et condamnée en première instance à verser à la banque une somme en exécution du cautionnement, la caution avait interjeté appel de ce jugement puis réclamé à la banque des dommages et intérêts. La Cour d'appel l'ayant déboutée de cette demande, la caution avait alors formé un pourvoi contre cette décision. La Cour de cassation avait dès lors à se prononcer sur la question de la recevabilité d'une demande reconventionnelle formée en appel par le demandeur originaire. Plus précisément, il s'agissait de déterminer si une telle demande peut être admise alors même qu'elle n'est pas formée par le défendeur originaire, mais par le demandeur originaire. [...]
[...] Si la demande additionnelle tend à modifier ses prétentions adverses, la demande reconventionnelle vise, elle, à l'obtention d'un avantage autre que le simple rejet des prétentions adverses. Cette solution nouvelle est dotée d'un intérêt certain, car elle semble établir que le demandeur initial est recevable à solliciter la condamnation du défendeur par une demande reconventionnelle. La présente solution n'en demeure pas moins critiquable au regard des principes du procès équitable. II) La condamnation inéluctable de l'adage "reconvention sur reconvention ne vaut" Si la solution semble porter atteinte au principe d'immutabilité du litige elle tend toutefois à un objectif de rationalité et d'efficacité du système L'atteinte au principe d'immutabilité du litige Admettre que le demandeur puisse former une demande reconventionnelle en appel semble porter atteinte aux droits de la défense, et partant, au droit au procès équitable, puisque les parties ne peuvent, dès lors, connaitre avec certitude l'objet du litige, principe pourtant révélé par l'article 4 du Code de procédure civile. [...]
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