Issu d'une réglementation économique et étroitement encadré tant par des normes communautaires que des normes nationales, le droit de plantation (ou de replantation) a posé aux juristes un véritable problème de qualification comme le montre l'arrêt du 17 avril 1996 de la chambre civile 3 de la Cour de cassation.
En l'espèce, en 1961, M.Paul Dethune avait pris à bail des terres à vigne qu'il s'est obligé à planter et maintenir en vigne. Après avoir obtenu des droits de plantation, il a mis les terres en culture. Ses bailleurs, les époux Marcel Dethune, ont par la suite demandé l'insertion, au bail, d'une clause de reprise sexennale au profit de leurs descendants. Nait alors un litige entre les bailleurs et le preneur, celui-ci refusant cette clause, estimant qu'il est titulaire des droits de plantation.
La Cour d'appel de Reims, dans son arrêt du 9 février 1994, limite la clause de reprise à la terre à l'appellation nue. Les époux Dethune forment alors un pourvoi en cassation.
Pour limiter la clause de reprise, la Cour d'appel de Reims a retenu que les droits de plantation et de replantation après arrachage doivent être considérés comme ayant un caractère mobilier appartenant à l'exploitant en considération de la personne duquel ils ont été accordés, c'est-à-dire M.Paul Dethune.
Pour les demandeurs, la Cour d'appel a violé l'article L411-6 du Code rural et l'ensemble des articles L411-58 et suivants du même Code car les droits de plantation et de replantation seraient attachés à l'exploitation viticole.
La Cour de cassation est donc confrontée au problème de la qualification des droits de plantation. S'agit-il d'un droit attaché au fonds (intuitu terrae) ou d'un droit attaché à l'exploitant (intuitu personae) ?
Très concrètement, la question se pose surtout en fin de bail : les droits de plantation et de replantation appartiennent-ils au fermier ou au propriétaire des terres ?
La Cour de cassation, dans son arrêt du 17 avril 1996, casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel de Reims. Elle énonce que la Cour d'appel, en limitant la clause de reprise à la terre à l'appellation nue, a violé l'article L411-6 du Code rural et de l'ensemble des articles L411-58 et suivants du même code puisque les droits de plantation et de replantation sont attachés à l'exploitation viticole.
[...] Pour certaines cours d'appel, ces droits avaient un caractère mobilier et appartenaient à l'exploitant puisque le transfert des droits n'est qu'une possibilité laissée à l'appréciation du preneur qui peut soit les céder au bailleur s'il n'a pas arraché les plants, soit les transférer sur un autre fonds en procédant à l'arrachage avant la restitution. La première chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt du 1er décembre 1964 avait d'ailleurs énoncé que les plantations appartenaient au seul fermier jusqu'à l'expiration du bail. Pour d'autres cours d'appel, ces droits étaient attachés à l'exploitation foncière car ils ont été accordés en considération de celle-ci. [...]
[...] Ce faisant, la Cour de cassation écarte l'approche personnelle des droits de planter et impose une analyse foncière. Elle préfère l'intuitus fundi à l'intuitus personae et semble à contre-courant des tendances actuelles qui veulent qu'on préfère celui qui met en valeur au détenteur du capital. En l'espèce, la clause de reprise à la terre à appellation nue ne peut donc être limitée. La décision de la Cour est s'explique par le parallèle que mène M. l'avocat général Weber entre les droits de planter et les quotas qui gouvernent une partie du monde agricole. [...]
[...] L'accession immobilière artificielle provient d'un travail humain, c'est-à-dire d'une activité de construction ou de plantation ce qui est le cas en espèce. Il reste à savoir si l'accession en l'occurrence était différée jusqu'à la fin du bail ou si, au contraire, l'accession était immédiate. C'est-à-dire à quel moment le droit de plantation devient immeuble. On pouvait en effet hésiter. Deux thèses s'affrontent sur ce point. La thèse de l'accession différée, que certains auteurs et certaines décisions de justice avaient soutenue, permettait au fermier (le preneur) en place de rester propriétaire des plantations jusqu'à la fin du bail. [...]
[...] Enfin, on peut noter que l'arrêt rattache les droits de planter à la seule exploitation et laisse entendre de ce fait que c'est l'entité économique qui serait titulaire de ces droits. Cependant, ce terme pose des difficultés car il revient à postuler qu'un droit subjectif peut être attribué à un titulaire dépourvu de personnalité juridique. Or, la Cour de cassation dans son arrêt du 22 juillet 1987 a déduit de l'article 906 du Code civil : le principe fondamental suivant lequel il ne peut exister de droit sans sujet de droit Il est donc impossible de voir dans l'exploitation viticole le titulaire des droits de planter. [...]
[...] Cette autorisation a été obtenue en l'espèce par M.Paul Dethune. Il faut noter que cette autorisation de plantation est accordée cumulativement intuitu fundi et intuitu personae, c'est-à-dire que les instances compétentes tiennent compte à la fois du fonds destinataire (situation territoriale de la parcelle) et de la qualité de l'exploitant. Tout le problème consiste donc à déterminer à qui les droits de plantations ou de replantations appartiennent ce qui permet de fixer la nature juridique de ces droits. On peut remarquer qu'en ce qui concerne plus particulièrement le bail rural qui nous intéresse en l'espèce (le bail étant un contrat régissant les rapports entre la personne qui loue un bien, le bailleur, et le locataire, dénommé preneur), il y a lieu de se référer à l'article 35-2 du décret du 30 septembre 1953 qui précise que les droits de replantation peuvent être transférés, en fin de bail rural, du preneur au propriétaire de l'exploitation sur le fonds de laquelle ils ont été exercés si le preneur n'a pas procédé à l'arrachage de la vigne avant restitution du fonds Il est évident que, si les droits de planter peuvent être transférés . [...]
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