Comme beaucoup de notions aujourd'hui applicables en droit français, le dol est une invention romaine. Certes sa nature a quelque peu changé de nos jours, puisqu'à l'origine le dol était conçu comme un délit sanctionné pénalement dans la réparation du préjudice subi. L'action était considérée indépendamment du problème de savoir s'il entraînait ou non un vice du consentement et notamment une erreur. Le droit positif l'envisage toujours sous l'angle délictuel, bien que la responsabilité de l'auteur de la faute soit engagée civilement sur le fondement de l'article 1382. Cependant, un versant contractuel est né d'une déformation des textes antiques par les glossateurs lors de la redécouverte du Droit romain : le dol est devenu également un vice du consentement. Dès lors, la question de ces effets sur le contrat se pose. En effet, il faut alors se demander s'il peut entraîner la nullité du contrat et si oui dans quelles conditions. L'arrêt de rejet ici commenté, rendu le 22 juin 2005 par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation apporte des réponses à ces interrogations. En l'espèce, il s'agissait d'un acquéreur demandant la nullité pour réticence dolosive d'une promesse de vente portant sur un immeuble de grande hauteur au motif qu'il incombait au vendeur de fournir des éléments nécessaires à la juste appréciation par l'acquéreur de la rentabilité de l'opération. La cour d'appel accueille favorablement cette demande, le vendeur forme alors un pourvoi en cassation sur le moyen unique que le dol n'est une cause de nullité qu'à titre principal, c'est-à-dire selon l'article 1116 « lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ». Or elle reproche à la cour d'appel d'avoir seulement admis un dol incident, caractérisé par le fait que l'acquéreur « aurait à tout le moins, acquis à un prix inférieur si elle avait connu la situation exacte ». Il y aurait donc violation dudit article. La Cour de Cassation rejette le pourvoi en retenant la solution de la cour d'appel, considérant que « ces éléments étaient essentiels pour l'acquéreur qui devait être mis à même d'apprécier la rentabilité d'une opération et aurait à tout le moins acquis à un prix inférieur s'il avait connu la situation exacte », qu'il faut donc en conclure à des réticences dolosives de la part du vendeur entraînant la nullité du contrat. Il ressort de cette décision d'une part que la sanction de la nullité caractérisant le dol principal s'applique aussi au dol incident ce qui constitue un revirement par rapport à la jurisprudence antérieure, d'autre part que l'erreur sur la valeur est reconnue en matière de dol. Dès lors, la question de la nature de la sanction applicable au dol est à étudier. Nous verrons que si la tendance est à la nullité du contrat (I) des résistances persistent à travers des conditions au prononcé de la nullité pour dol (II).
[...] La Cour de Cassation n'opère pas de contrôle sur ce caractère de manière à ne pas effacer la distinction entre dol principal et incident. Un courant doctrinal pense a contrario de la doctrine classique qu'il faut reconnaître ce caractère déterminant de l'erreur provoquée par le dol incident du fait que la victime n'aurait pas souscrit le contrat proposé, sans ces manœuvres, elle n'aurait pas contracté mais un autre contrat à des conditions différentes. L'article 1116 s'appliquerait donc aussi au cas du dol incident. [...]
[...] Commentaire d'arrêt : Cour de Cassation 3ème civ juin 2005 Introduction Comme beaucoup de notions aujourd'hui applicables en droit français, le dol est une invention romaine. Certes sa nature a quelque peu changé de nos jours, puisqu'à l'origine le dol était conçu comme un délit sanctionné pénalement dans la réparation du préjudice subi. L'action était considérée indépendamment du problème de savoir s'il entraînait ou non un vice du consentement et notamment une erreur. Le droit positif l'envisage toujours sous l'angle délictuel, bien que la responsabilité de l'auteur de la faute soit engagée civilement sur le fondement de l'article 1382. [...]
[...] Les caractères propres à l'erreur sont partagés par le dol, dans le sens où ce dernier doit procéder d'une erreur intentionnelle déterminante du consentement de la victime et excusable pour cette dernière. Le critère de l'erreur déterminante fait l'objet d'un débat controversé au sein de la doctrine, dans lequel cet arrêt s'inscrit, puisqu'il s'agit en fait de déterminer s'il s'agit d'un dol à titre principal ou incident et le régime qui s'y attache. La différence entre les deux concepts résidait essentiellement dans la sanction qui s'y attachait. Il semble que la Cour de Cassation vienne la neutraliser dans cet arrêt. [...]
[...] En cas de réponse affirmative, on pourra alors de demander si la Cour de Cassation impose aux juges de consacrer ce caractère déterminant de l'erreur ou si elle leur laisse le choix. II) Conditions au prononcé de la nullité du contrat pour dol L'arrêt du 22 juin 2005 admet que la nullité puisse être prononcée lorsque le contrat a fait l'objet d'un dol incident. Toutefois, il semble que ce soit au prix d'une double condition : l'erreur doit avoir été déterminante du consentement et une restitution en nature doit être possible. [...]
[...] La nature de la sanction différait jusqu'à présent selon que le dol vicie complètement ou partiellement le consentement. Dans le cas du dol principal, la nullité du contrat était d'usage et dans le cas du dol incident, les juges du fond considérait que l'attribution de dommages et intérêts suffisaient pour pallier le différentiel financier résultant des conditions de vente excessives (CA Caen 3 nov CA Paris 23 mai 1995). En l'espèce, alors qu'il était démontrer que la victime aurait, à tout le moins, acquis à un prix inférieur si elle avait connu la situation exacte la Cour de Cassation opère un revirement de sa jurisprudence en considérant qu'une erreur (déterminante pour l'acquéreur) sur la rentabilité économique imputable, en tant que constituant une réticence dolosive, au demandeur au pourvoi confirme la nullité de la vente immobilière prononcée par la cour d'appel. [...]
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