Obligation de ne pas faire, Cour de Cassation, Droit civil, sanction, dommages et intérêts
« Si l'obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages et intérêts par le seul fait de la contravention » est l'attendu de principe énoncé par la 1ère Chambre civile de la Cour de Cassation le 31 mai 2007.
En l'espèce, deux médecins avaient constitué une société civile immobilière pour acquérir et gérer des locaux ainsi qu'une société civile de moyens en vue de l'exercice de leur activité professionnelle. Dans le contrat d'exercice en commun de leur activité professionnelle, est stipulée une clause de non-concurrence, applicable en cas de retrait de l'un des associés dans un rayon de vingt kilomètres et pour une durée de trois ans. Suite à une situation de mésentente entre les deux associés ayant conduit à la cessation de toute collaboration entre eux, l'un d'entre eux ouvre son cabinet personnel situé à quatre cents mètres de l'ancien.
L'autre associé l'assigne devant la juridiction de première instance en paiement de dommages et intérêts en se prévalant de l'inexécution de la clause de non-concurrence. On ne peut dire au regard de la structure de l'arrêt qui est le demandeur en appel. Cependant la Cour d'appel de Douai, par un arrêt du 31 mai 2005, déboute M.X (l'associé ayant subi l'inexécution de la clause de non-concurrence) de sa demande au motif que, si la violation de la clause avait constitué une faute susceptible d'engager la responsabilité contractuelle de son auteur, aucun préjudice consécutif n'était établi et que la simple contravention à la clause ne saurait le constituer.
La question posée à la Cour de cassation est donc de savoir si le manquement à une obligation de ne pas faire pouvait donner lieu à des dommages et intérêts en dépit de l'absence de préjudice.
La première chambre civile casse et annule au visa de l'article 1145 et reprends dans un attendu le principe le texte de l'article 1145 : « Si l'obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages et intérêts par le seul fait de la contravention ». Elle renvoie les parties devant la Cour d'appel de Douai pour l'application aux faits et l'évaluation des dommages et intérêts
La solution paraît claire, motivée seulement par l'application littérale de la loi, la Cour ne nous explique pas ces motivations ni vers quelle responsabilité, elle veut tendre. La clause de non-concurrence représente une obligation de ne pas faire, son inexécution doit donc se résoudre en dommages et intérêts. La Cour de cassation fait une application littérale du texte, seulement à contrario celle-ci suscite de nombreux débats, elle confirme aussi un mouvement déjà amorcé par la Cour de Cassation dans l'application de cet article.
[...] L'interprétation littérale de l'article 1145 du Code civil L'article 1145 du Code civil est la seule base légale qu'utilise la Cour de Cassation pour justifier l'allocation de dommages et intérêts. A contrario, on pourrait alors penser que la preuve d'un préjudice n'est plus nécessaire pour engager la responsabilité contractuelle et dès lors la réparation d'un préjudice, par l'allocation de dommages et intérêts. La consécration de l'inexécution de l'obligation de ne pas faire sur la base de l'article 1145 du Code civil L'affirmation de ce principe ne sort pas du chapeau de la Cour de Cassation. [...]
[...] L'arrêt commenté est alors une application littérale du texte sans faire appel aux grands principes de la responsabilité contractuelle. Si l'inexécution de l'obligation de ne pas faire se traduit automatiquement en dommages et intérêts et si la Haute Cour casse l'arrêt d'une Cour d'appel qui demandait l'existence d'un préjudice pour allouer des dommages et intérêts alors on peut penser que l'existence d'un préjudice au sens de la responsabilité contractuelle n'est plus requis pour l'allocation de dommages et intérêts. L'existence d'un préjudice n'est donc pas requise sur le fondement de l'article 1145 du Code civil, on peut penser cependant que cette facilité ne sera admise seulement pour l'obligation de ne pas faire. [...]
[...] On peut donc voir une sanction de la volonté du débiteur de ne pas répondre de ces obligations contractuelles. Les dommages et intérêts seraient alors, non la réparation du préjudice subi par le créancier, mais la sanction du comportement du débiteur. L'interprétation littérale de l'article 1145 permet à la Cour de Cassation de demander l'octroi de dommages et intérêts par la simple contravention à une obligation de ne pas faire. La Cour n'exige donc pas l'existence ni la preuve d'un préjudice à priori pour l'octroi de dommages et intérêts. [...]
[...] La présomption du préjudice subi par le créancier permettrait alors de pallier à une preuve trop difficile à faire pour le créancier de la contravention à une obligation de ne pas faire. Cette présomption implique aussi une forfaitisation des dommages et intérêts ce qui en réduit le montant. La Cour tend alors à faire de ce moyen une fin pour les obligations de ne pas faire. Si la Cour applique cette interprétation littérale de l'article 1145 à tous les créanciers victimes d'une inexécution contractuelle, en présumant la survenance d'un préjudice, elle ne leur donne pas à contrario la possibilité de faire la preuve de leur existence. [...]
[...] L'exigence d'une mise en demeure à l'obligation de ne pas faire est absurde puisque le fait de ne pas faire résultera d'une action du débiteur qui pourra parfois être difficile à mettre en demeure. Or, l'inexécution d'une obligation de ne pas faire relève d'une action du débiteur. On peut alors se demander si ce n'est pas cette volonté qu'à eu le débiteur que la Cour de cassation sanctionne en elle-même. En effet, l'inexécution de cette obligation suppose une action du débiteur. [...]
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