L'existence des propriétés peut dépendre de l'activité de l'homme : elles sont appelées propriétés intellectuelles. C'est le cas notamment des clientèles civiles (c'est-à-dire des clientèles en dehors des professions commerciales). Elles peuvent faire l'objet d'un contrat de cession à l'occasion de la constitution ou de la cession d'un fonds libéral. La décision de la première chambre civile de la cour de cassation, le 7 novembre 2000, établit ce principe en opérant un revirement de jurisprudence. En l'espèce, il s'agit de deux chirurgiens, M. Worcester et M. Sigrand, qui créent ensemble une société civile de moyen. Puis, le 15 mai 1991, ils concluent une convention par laquelle M. Woessner cède la moitié de sa clientèle à M. Sigrand contre une indemnité de 500 000 francs. Ils ont en outre conclu une convention de garantie d'honoraires où M. Woessner s'engage à lui assurer un chiffre d'affaire annuel minimum. M. Sigrand a versé une partie du montant convenu mais estimant que M. Woessner ne respecte pas ces obligations contractuelles, il l'assigne en annulation de leur convention en se fondant sur la non licéité de la cession d'une clientèle civile comme objet du contrat. De son côté, M. Woessner demande le paiement de la somme qui reste à payer. L'affaire passe devant la Cour d'appel de Colmar le 2 avril 1998. Elle prononce la nullité du contrat litigieux et condamne M. Woessner à rembourser les sommes déjà versées. M. Woessner se pourvoi alors en cassation car il estime que ses clients ont le libre choix de leur praticien et qu'une partie au moins du contrat est licite, notamment en ce qui concerne le matériel médical, bureautique ou de communication.
Depuis le XIXe siècle, en application des articles 1128 du code civil: "Il n'y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l'objet de convention" et 1598 du même code: "Tout ce qui est dans le commerce peut être vendu lorsque des lois particulières n'en ont pas prohibé l'aliénation", la jurisprudence considérait que le contrat était nul lorsqu'il avait pour objet la cession de clientèle civile car elle n'avait pas un caractère patrimonial.
Mais la cession de clientèle médicale peut-elle constituer un bien patrimonial susceptible d'être objet licite de contrat ?
La cour de cassation rejette le pourvoi le 7 novembre 2000, en se basant sur le pouvoir souverain des juges du fond qui ont estimé que la liberté du choix des patients n'était pas sauvegardée. Cependant, elle opère un revirement de jurisprudence en affirmant que "la cession de clientèle médicale, à l'occasion de la constitution ou de la cession d'un fonds libéral d'exercice de la profession, n'est pas illicite".
Ainsi, elle pose un nouveau critère de validité de la clientèle civile comme objet de contrat (I) d'où il résulte la patrimonialisation de la clientèle civile (II).
[...] En effet, le caractère intuitu personae et le principe du libre choix du praticien par son client interdisait toute patrimonialisation de la clientèle civile: les clients choisissaient leur praticien, lui faisaient confiance et ne pouvaient donc être l'objet d'un contrat de cession de clientèle comme s'il s'agissait de la clientèle d'un simple commerce. En revanche, la présentation de clientèle à un successeur était considérée comme licite. Le droit de présentation est ainsi un droit patrimonial selon la première chambre civile de la cour de cassation le 7 juin 1995. [...]
[...] Commentaire d'arrêt: Cour de cassation, 1re Chambre civile novembre 2000 L'existence des propriétés peut dépendre de l'activité de l'homme : elles sont appelées propriétés intellectuelles. C'est le cas notamment des clientèles civiles (c'est-à-dire des clientèles en dehors des professions commerciales). Elles peuvent faire l'objet d'un contrat de cession à l'occasion de la constitution ou de la cession d'un fonds libéral. La décision de la première chambre civile de la cour de cassation, le 7 novembre 2000, établit ce principe en opérant un revirement de jurisprudence. [...]
[...] Woessner cède la moitié de sa clientèle à M. Sigrand contre une indemnité de francs. Ils ont en outre conclu une convention de garantie d'honoraires où M. Woessner s'engage à lui assurer un chiffre d'affaires annuel minimum. M. Sigrand a versé une partie du montant convenu mais estimant que M. Woessner ne respecte pas ces obligations contractuelles, il l'assigne en annulation de leur convention en se fondant sur la non licéité de la cession d'une clientèle civile comme objet du contrat. [...]
[...] Mais la solution de la cour est toute autre. En effet, si la cession de clientèle civile ne remplit pas les nouvelles conditions jurisprudentielles, c'est-à-dire le respect de la liberté de choix du patient, le contrat est entièrement nul. Ainsi, si la convention de cession de clientèle est annulée, le contrat de prêt conclu afin de le financer devrait être aussi annulé mais pour cause illicite, comme dans l'arrêt de la première chambre civile de la cour de cassation le 1er octobre 1996. [...]
[...] L'affaire passe devant la Cour d'appel de Colmar le 2 avril 1998. Elle prononce la nullité du contrat litigieux et condamne M. Woessner à rembourser les sommes déjà versées. M. Woessner se pourvoi alors en cassation car il estime que ses clients ont le libre choix de leur praticien et qu'une partie au moins du contrat est licite, notamment en ce qui concerne le matériel médical, bureautique ou de communication. Depuis le XIXe siècle, en application des articles 1128 du code civil: "Il n'y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l'objet de convention" et 1598 du même code: "Tout ce qui est dans le commerce peut être vendu lorsque des lois particulières n'en ont pas prohibé l'aliénation", la jurisprudence considérait que le contrat était nul lorsqu'il avait pour objet la cession de clientèle civile car elle n'avait pas un caractère patrimonial. [...]
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