Le Code civil était très emprunt du droit romain, mais pas sur la question du consensualisme. Le droit romain était formaliste. Par exception, certains contrats pouvaient être conclus sans forme particulière. Ce formalisme a rayonné jusqu'au XVème mais il fut abandonné de manière à encourager le commerce. Dans l'ancien droit, le principe du consensualisme s'avérait acquis. Loysel disait même « on lie les bœufs par les cornes et les hommes par la parole ». Autrement dit, il préconise au sein des accords contractuels un simple échange des consentements.
Cependant, la question de la place du formaliste est largement revenue d'actualité. L'arrêt du 7 mars 2006 de la Cour de cassation réunie en première Chambre civile en est des plus démonstrateur. C'est ainsi qu'aujourd'hui, les éventuelles interventions de conditions de formation du contrat font l'objet de diverses et incessantes polémiques juridiques. En fait, la véritable clé du problème s'attacherait sur la notion de confiance ou d'autonomie qu'on doit ou qu'on ne doit pas accorder aux particuliers lorsqu'ils choisissent de conclure un contrat. En ce sens, il faut se demander si l'imposition d'une formation particulière des contrats irait ou non à l'encontre de la liberté contractuelle, elle-même fondatrice de la matière contractuelle ? Certains diront qu'il faut avant tout laisser une libre-administration aux particuliers, tandis que d'autres souhaiteraient véritablement voir encadrer toute cette liberté contractuelle dans un souci de protection des contractants, voire même dans l'objectif de simplifier le travail des juges. Ce débat est loin d'être clos.
En l'espèce, le litige portait sur une demande de paiement d'une somme qui aurait été préalablement prêtée. En effet, le demandeur (M. Laurre) a, en décembre 1998, assigné Mme G. en remboursement de sommes d'argent dont elle aurait été débitrice à titre de prêt pour des montants soit invoqués selon une reconnaissance de dette du 14 janvier 1994, soit payés en février 1997 au moyen de chèques. Le demandeur fut débouté de sa demande de remboursement par la Cour d'appel de Versailles le 12 septembre 2002. Ainsi, il forme un pourvoi en cassation.
Le demandeur invoque tout d'abord la violation par la Cour d'appel des articles 1132 et 1135 du Code civil. En effet, il avançait qu'un contrat restait valable même si la cause n'était pas exprimée. Par conséquent, il n'estimait pas être en devoir de prouver la cause de l'engagement du débiteur envers lui pour demander l'exécution de l'obligation. Au contraire, ce serait même le débiteur à qui incomberait la charge de la preuve de l'absence de cause, afin de se soustraire de son obligation. La Cour d'appel en a décidé autrement et l'a débouté au motif qu'il n'établissait pas la cause de l'obligation stipulée.
Ensuite, le demandeur conteste la décision de la Cour d'appel puisqu'elle a jugé que le demandeur ne prouverait pas le versement d'une somme correspondant au prêt allégué au motif que le prêt était un contrat réel et que pour exister il supposait la remise d'une chose.
C'est ainsi que les juges de cassation se sont interrogés si l'absence de la cause de l'obligation dans le contrat n'était pas à même de dénaturer ce dernier, provoquant de facto un inversement de la charge de la preuve ?
Le rejet du pourvoi par la Cour de cassation le 7 mars 2006 fut instantané. En effet, c'est en reprenant les différents motifs exposés par la Cour d'appel de Versailles que la Cour de cassation a décidé que « le prêt qui n'est pas consenti par un établissement de crédit est un contrat réel qui suppose la remise d'une chose ». Par conséquent, il incombait bien au demandeur de rapporter la preuve du versement de la somme litigieuse. De plus, la Cour de cassation refusa de reconnaître les chèques émis le demandeur comme moyen de preuve, et même comme commencement de preuve car ce moyen s'avérait être « surabondant ». Cependant, la Cour de cassation a fait connaître son désaccord avec la motivation de la Cour d'appel concernant l'éventuelle preuve qu'apportaient les chèques : « abstraction faite du motif erroné ». En définitive, la Cour de cassation a confirmé le jugement de la Cour d'appel de Versailles.
Toute la profondeur de cet arrêt reposerait donc sur la question de la liberté ou de la subordination de la libre-administration des particuliers contractants. Il en va ainsi d'apprécier de façon théorique la place du concept du consensualisme en matière contractuelle. C'est ainsi qu'en pratique, il sera nécessaire de déterminer l'étendue des conditions de formation d'un contrat pour qu'il soit valable et par conséquent d'en mesurer ses conséquences.
Il conviendra donc de se demander si le consentement des parties, en vue de leurs qualités et de leurs obligations respectives, entraîne-t-il une intervention de conditions de forme à leur contrat, et en quoi le respect par les parties de ces conditions est-il en mesure de conditionner les conséquences variables à la charge des parties qui en résulte ?
La démarche de la Cour de cassation fut des plus méthodiques. En effet, elle s'est tout d'abord penchée sur la forme que le contrat aurait du prendre lors de sa conclusion au regard de la qualité des parties et des stipulations inscrites dans l'accord originel (I). Et c'est après avoir apprécier la rigueur des parties pour respecter les conditions de formation du contrat que la Cour en a déduit des conséquences directes à la charge des parties (II).
[...] Deux interprétations peuvent être faites au regard du moyen. Premièrement, M. Laurre était intimement persuadé qu'il avait conclu avec sa co-contractante un contrat consensuel puisqu'il appuie l'intégralité de son moyen sur une disposition relative à la validation d'un contrat consensuel : une convention n'en est pas moins valable quoique la cause ne soit pas exprimée (article 1132 du Code civil). Dans ce cas-là, le demandeur ne pensait véritablement pas qu'il lui revenait d'apporter l'existence de la remise de la chose, contrairement aux conditions de formation d'un contrat réel qu'exige la Cour de cassation pour ce cas d'espèce. [...]
[...] Cependant, la Cour de cassation ne s'est pas arrêtée à définir la règle applicable (la charge de la preuve de l'existence du prêt incombe au prêteur). Elle en a de plus vérifié son respect (l'existence ou non du prêt au regard des moyens de preuves apportés). L'évolution jurisprudentielle relative au moyen de preuve La Cour d'appel a relevé une distinction quant au moyen de preuve apporté par M. Laurre. En effet, il faut souligner que les chèques du demandeur rapportaient la preuve du paiement. [...]
[...] Toute la portée de ce désaccord relève de l'évolution jurisprudentielle concernant le moyen de preuve. La Cour avait préalablement souligné que le chèque du prêteur ne pouvait démontrer l'existence d'un prêt à l'encontre du bénéficiaire (Civ 1re avril 1995). Cependant, cette jurisprudence ne s'enracina pas puisqu'un mois après, la Cour admit que l'endossement d'un chèque constituait un commencement de preuve par écrit rendant vraisemblables les prêts invoqués (Civ 1re mai 1995). Enfin, elle tempéra fortement cette dernière solution : l'endossement serait plus qu'alors constitutif de la réalité de la remise des fonds (Civ 1re juin 1998). [...]
[...] au motif qu'il n'établissait pas la cause de l'obligation stipulée, la cour d'appel a violé l'article 1132 du Code civil, ensemble l'article 1315 du même code ; 2 / qu'en infirmant le jugement entrepris au prétexte que M. X . ne prouverait pas le versement d'une somme correspondant au prêt allégué au motif que le prêt était un contrat réel et que pour exister il supposait la remise d'une chose, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1892 du Code civil ; Mais attendu que le prêt qui n'est pas consenti par un établissement de crédit est un contrat réel qui suppose la remise d'une chose ; que la cour d'appel qui constate que M. [...]
[...] En ce sens, il faut se demander si l'imposition d'une formation particulière des contrats irait ou non à l'encontre de la liberté contractuelle, elle-même fondatrice de la matière contractuelle ? Certains diront qu'il faut avant tout laisser une libre administration aux particuliers, tandis que d'autres souhaiteraient véritablement voir encadrer toute cette liberté contractuelle dans un souci de protection des contractants, voire même dans l'objectif de simplifier le travail des juges. Ce débat est loin d'être clos. En l'espèce, le litige portait sur une demande de paiement d'une somme qui aurait été préalablement prêtée. [...]
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