Interprétant strictement la règle édictée par l'article L 131-4 du Code de la propriété intellectuelle selon laquelle la rémunération de l'auteur doit comporter à son profit « la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation » (prolongée par l'article L 132-5 relatif au contrat d'édition), la jurisprudence s'accorde à considérer que l'assiette de la rémunération de l'auteur ne peut être constituée que par le prix de vente au public. Elle a attaché à ce principe un caractère d'ordre public (Civ. 1ère octobre 1984) et rappelé à diverses occasions que ces dispositions sont impératives (CA Paris 7 juillet 1992). L'arrêt qui m'est soumis s'inscrit parfaitement dans cette lignée.
En l'espèce, un protocole attribuait à la société Dargaud les droits d'édition pour les vingt-cinq premières parutions des aventures d'Astérix le Gaulois en stipulant que les auteurs percevraient pour les traductions en langues étrangères, « 50% des sommes nettes revenant à l'éditeur, après déduction de la rémunération payée à un agent intermédiaire ».
Cependant, M. Uderzo conteste la répartition de la rémunération retenue par les juges du fond. Ceux-ci estiment que les 50% doivent s'entendre comme la part du chiffre d'affaires, tiré de la vente au public versée à la société Dargaud par l'utilisateur des droits à l'étranger.
Dès lors, une rémunération d'auteur fondée sur un pourcentage de sommes revenant à l'éditeur après déduction des sommes versées à un intermédiaire, ou alors basée sur un pourcentage de la part du chiffre d'affaire versée à l'éditeur par l'utilisateur des droits à l'étranger, peut-elle être considérée en vertu de l'article L 131-4 du CPI, comme « directement fonction du prix de vente au public » ?
Il s'agit donc de savoir si l'article L 131-4 doit dans toute sa dureté et sa pureté, telle que l'interprète la jurisprudence en droit interne, être ou non appliqué sans nuance, au titre des exploitations à l'étranger.
La Cour de cassation rappelle que le principe édicté par l'article L 131-4 (dont la Cour rappelle une nouvelle fois le caractère impératif) n'est pas respecté, ce qui justifie la cassation.
La question de l'assiette des rémunérations de l'auteur n'est pas nouvelle. On sait qu'au-delà de cette affaire visant les aventures des irréductibles gaulois, la pratique éditoriale « résiste encore et toujours », comme on le dit dans le village d'Astérix, à l'intransigeance jurisprudentielle, en persistant à choisir une assiette de rémunération de l'auteur différente du prix de vente au public.
[...] Elle a attaché à ce principe un caractère d'ordre public (Civ. 1ère octobre 1984) et rappelé à diverses occasions que ces dispositions sont impératives (CA Paris 7 juillet 1992). L'arrêt qui m'est soumis s'inscrit parfaitement dans cette lignée. En l'espèce, un protocole attribuait à la société Dargaud les droits d'édition pour les vingt-cinq premières parutions des aventures d'Astérix le Gaulois en stipulant que les auteurs percevraient pour les traductions en langues étrangères, 50% des sommes nettes revenant à l'éditeur, après déduction de la rémunération payée à un agent intermédiaire Cependant, M. [...]
[...] On ne peut pas s'étonner de l'arrêt, les frais de prospection et d'agent littéraire n'avaient pu faire admettre la réduction des droits de vente, solution qui sera d'ailleurs confirmée dans l'arrêt du 16 juillet 1998. En bref, les hauts magistrats se sont contentés d'appliquer à la lettre la solution retenue qu'ils ont dégagée pour les exploitations sur notre sol, tout comme ils ont repris la célèbre formule de Desbois, à l'appui de l'assiette prix public selon laquelle, »l'éditeur supporte seul les frais d'exploitation Cependant, cette application mécanique des principes énoncés à l'article L 131-4 pour des situations à l'étranger manque à l'évidence de nuances et ne tient pas véritablement compte de la situation d'espèce. [...]
[...] Donc, dans cette optique, et sans méconnaître totalement les principes en la matière, les juges du fond ont décidé que les sommes brutes s'entendaient comme la part du chiffre d'affaires tiré de la vente au public et qui est versé à Dargaud par l'utilisateur des droits à l'étranger Par conséquent, une telle jurisprudence si elle se confirmait sans admettre une marge raisonnable de liberté contractuelle, au moins dans la définition du prix public, risque de donner aux divers maillons de la chaine des contrats la tentation, soit de baisser les taux de rémunérations soit de recourir beaucoup plus franchement aux vertus libératrices de l'article L 132-6 sur le forfait à l'étranger qui était jusque-là utilisé avec discernement, par là elle pourrait s'avérer contraire à l'esprit même du droit d'auteur. B/Une décision non conforme à l'esprit du droit d'auteur ? [...]
[...] A tel point qu'il semble assez hardi de parler à ce propos de règle légale impérative pour faire croire à une véritable assiette légale. Justement, la complexité révélée des modalités de diffusion à l'étranger des aventures d'Astérix peut faire militer pour une référence au particularisme de l'exploitation de l'œuvre. En effet, en l'espèce de nombreux sous-contractants existent et s'ils acceptent volontiers le pourcentage, ils ne seront pas toujours d'accord pour payer sur le prix de base d'un prix public qu'il leur sera parfois malaisé de connaître ou tout simplement parce qu'ils ne veulent régler que sur ce qu'ils encaissent. [...]
[...] Le droit d'exploiter l'œuvre que l'auteur peut accorder par contrat à un exploitant justifie une liberté de fixer par contrat les modalités de rémunération (tout comme elle permet d'ailleurs d'accorder un droit d'usage exclusif ou non à son cocontractant), sauf à teinter d'inaliénabilité une prérogative fondamentale dans l'exercice de ces droits : la possibilité de choisir la base de rémunération du créateur.Cette conception n'a évidemment pas de chance d'être entendue : comme l'indiquait la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 14 février 1994, loi n'a réservé la liberté contractuelle que pour le taux Pour mettre fin à la divergence fondamentale qui persiste entre une jurisprudence imposant que l'assiette de la rémunération de l'auteur soit basée sur le prix de vente de l'ouvrage et la conception des éditeurs voulant que les seules sommes qu'ils perçoivent réellement servent de base à cette rémunération, il convient de choisir l'assiette imposée par les juges et d'adapter le taux en conséquence. Cette solution préconisée ne faisant que procéder à une adaptation technique, nécessite seulement pour le cessionnaire des droits un léger changement dans sa pratique comptable. [...]
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