Le don manuel est une donation de la main à la main ayant pour objet un meuble corporel ; il existe par la tradition de la chose. Il peut cependant y avoir don manuel par virement, c'est-à-dire par transfert d'une somme d'argent d'un compte sur un autre par un simple jeu de deux écritures comptables corrélatives, l'une au débit du premier compte, l'autre au crédit du second compte, à condition que la dépossession du donateur soit irrévocable. Mais l'existence de cette condition n'est pas toujours évidente comme dans l'arrêt à commenter de la première chambre civile de la Cour de cassation du 14 décembre 2004.
En l'espèce, M. Cellier, concubin de Mlle Person en 97, a viré de son compte bancaire personnel une certaine somme d'argent sur le compte de celle-ci sur lequel il avait procuration. Ils se séparent en 1999, Mlle Person annule la procuration et garde ladite somme. M. Cellier décide alors de l'assigner en remboursement de cette somme. La Cour d'appel de Paris déboute M. Cellier de sa demande le 28 février 2003 au motif que « si ce dernier bénéficiait d'une procuration sur le compte de Mlle Person, ce mandat dont il était investi n'était pas suffisant pour établir son absence de dépossession de la somme qu'il avait fait virer ». Elle explique cette solution en relevant « qu'il n'avait jamais prélevé de somme sur le compte en question pendant toute la durée de la vie commune, démontrant par là qu'il n'avait pas l'intention de se ménager le moyen de reprendre ce qu'il avait donné ».
Mais le virement fait à un compte sur lequel le solvens a procuration réalise-t-il une dépossession irrévocable permettant la qualification de don manuel ?
Si la dépossession est irrévocable, il y a bien don manuel et M. Cellier ne pourra récupérer la somme qu'il a versée à Mlle Person. En revanche, si l'on considère que l'existence d'une procuration antérieure au virement fait obstacle à ce que ce dernier constitue une dépossession irrévocable du donateur mandataire, il pourra être remboursé de cette somme.
L'arrêt de la première chambre civile de la Haute Cour du 12 juillet 1966 a consacré le don manuel par virement. La Cour d'appel de Paris, le 19 mars 1991, a rendu un arrêt à propos du virement de titres. Elle a estimé qu'il n'y avait pas tradition irrévocable donc pas de don manuel en l'espèce mais sa motivation n'est pas très claire.
La première chambre civile de la Cour de cassation casse l'arrêt de la Cour d'appel le 14 décembre 2004. Elle estime en effet que « le virement fait à un compte sur lequel le solvens avait procuration ne réalisait pas une dépossession irrévocable » au visa des articles 894 et 931 du Code civil.
Ainsi, il convient de voir tout d'abord l'influence que peut avoir une procuration sur un compte sur la qualification de don manuel (I), puis les conséquences qu'elle engendre (II).
[...] Il n'aurait donc pas pu retirer des sommes d'argent comme bon lui semblait dans son propre et unique intérêt, sinon, il aurait commis un abus de confiance. Il reste à souhaiter que la Cour de cassation garde bien en vue qu'il s'agit de protéger l'intérêt du donateur. Sinon, par exemple, les héritiers du donateur décédé pourraient alors eux aussi réclamer la restitution de la somme donnée si on estimait qu'il n'y a pas eu don manuel alors que les concubins auraient vécu ensemble jusqu'à la mort du donateur. Serait-ce bien logique ? [...]
[...] Ainsi, pour la Cour de cassation, l'existence d'une procuration antérieure à un virement fait obstacle au don manuel. Mais cette solution semble critiquable du point de vue du droit, même si elle présente un certain avantage. II Les conséquences d'une telle influence Si l'intérêt du donateur par virement est protégé la solution posée dans l'arrêt du 14 décembre 2004 remet en cause la sécurité juridique La protection de l'intérêt du donateur par virement Dans l'arrêt à commenter, la première chambre civile privilégie l'intérêt du donateur en le protégeant de son éventuelle erreur. [...]
[...] Cellier. Celui-ci avait une procuration sur le compte de Mlle Person antérieure au virement dont il est question dans l'arrêt et c'est pour cela que la Cour de cassation a refusé la qualification de don manuel. Il semble donc que ce soit uniquement l'antériorité de la procuration par rapport au virement qui fasse obstacle à l'existence d'un don manuel. A contrario, on peut en déduire que si le virement intervient avant l'existence d'une procuration, il y a bien don manuel. [...]
[...] La première chambre civile de la Cour de cassation casse l'arrêt de la Cour d'appel le 14 décembre 2004. Elle estime en effet que le virement fait à un compte sur lequel le solvens avait procuration ne réalisait pas une dépossession irrévocable au visa des articles 894 et 931 du Code civil. Ainsi, il convient de voir tout d'abord l'influence que peut avoir une procuration sur un compte sur la qualification de don manuel puis les conséquences qu'elle engendre (II). [...]
[...] En se basant sur le comportement du donateur mandataire, on peut penser qu'il y a bien eu dépossession définitive et irrévocable en l'espèce. Mais la Haute Cour n'en a pas décidé ainsi. La procuration antérieure au virement : un obstacle à la dépossession définitive et irrévocable selon l'arrêt du 14 décembre 2004 La Cour de cassation a rendu un arrêt de principe le 14 décembre 2004, cassant l'arrêt de la Cour d'appel de Paris. Elle décide qu'il n'y a pas don manuel en l'espèce car il n'y a pas eu de dépossession définitive et irrévocable de la part de M. [...]
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