Cet important arrêt rendu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 14 avril 2006 porte sur les conditions d'exonération de la responsabilité du gardien en cas de force majeure.
La Cour répond par cet arrêt et par un second arrêt rendu le même jour en matière de responsabilité contractuelle à certains flottements jurisprudentiels et de nouvelles analyses doctrinales qui suggéraient une évolution de la définition de la force majeure.
En l'espèce, le corps d'une femme sans vie avait été découvert entre le quai et la voie dans une gare de métro parisien. Les circonstances de l'accident n'ont jamais été élucidées mais il résulte des circonstances de fait qu'il s'agissait d'un acte suicidaire de la part de la victime.
Le mari de la victime, agissant en son nom propre et au nom de ses enfants mineurs a demandé que la RATP soit condamnée à réparer le préjudice causé par cet accident.
La Cour d'appel de Paris a rejeté cette demande dans un arrêt du 29 juin 2004 au motif que la chute ne pouvait s'explique que par l'action volontaire de la victime qui caractérisait une faute qui était la cause exclusive du dommage, exonérant la RATP de toute responsabilité sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil. Le pourvoi conteste la solution au motif que le comportement de la victime ne présenterait pas les caractères de la force majeure.
L'Assemblée plénière rejette le pourvoi en affirmant que la faute de la victime présentait bien ici les caractères d'un événement de force majeure.
Ce faisant, la Cour de cassation opère un strict contrôle sur la notion de force majeure, rappelant ainsi qu'il s'agit d'une notion de droit.
Cet arrêt, ainsi que celui rendu le même jour en matière contractuelle conduit indiscutablement à lever certaines des ambiguïtés résultant de la jurisprudence des dix dernières années en la matière (I). Il semble pourtant que l'Assemblée plénière n'est pas levée toutes les interrogations concernant la définition de la force majeure qui demeure entourée de certaines zones d'ombres (II).
[...] La réunion de la formation la plus solennelle de la Cour de cassation aurait toutefois pu être aussi l'occasion d'éclaircir ce point débattu en doctrine. De fait, malgré toute la solennité qui entoure cet arrêt, on peut s'interroger sur la capacité de ce dernier à lever les flottements jurisprudentiels antérieurs dans la mesure où la Cour n'a pas fourni sous forme d'obiter dictum de définition claire de la notion de force majeure. B. L'absence de définition tranchée de la force majeure Plutôt que de fournir une définition tranchée de la force majeure, la Haute juridiction énonce que si la faute de la victime n'exonère totalement le gardien qu'à la condition de présenter les caractères d'un événement de force majeure, cette exigence est satisfaite lorsque cette faute présente ( . [...]
[...] Ce faisant, la Cour de cassation opère un strict contrôle sur la notion de force majeure, rappelant ainsi qu'il s'agit d'une notion de droit. Cet arrêt, ainsi que celui rendu le même jour en matière contractuelle conduit indiscutablement à lever certaines des ambiguïtés résultant de la jurisprudence des dix dernières années en la matière Il semble pourtant que l'Assemblée plénière n'est pas levée toutes les interrogations concernant la définition de la force majeure qui demeure entourée de certaines zones d'ombres (II). [...]
[...] L'exonération de la RATP sur le fondement de la force majeure n'était guère contestable en l'espèce, sauf à penser que les sociétés de transport ferroviaire devraient pouvoir anticiper toute forme de suicide sur leur réseau. Cet arrêt se situe ainsi dans la ligne de la définition classique de la force majeure et marque une certaine faveur pour le maintien de la solution traditionnelle maintenue par la deuxième Chambre civile. En effet, la Cour de cassation, alors même qu'elle rejette le pourvoi, prend soin de préciser qu'il y a bien force majeure lorsque la faute présente, lors de l'accident, un caractère imprévisible et irrésistible On peut dès lors espérer que cette décision ait pour effet de mettre fin aux appréciations divergentes d'une notion de droit importante par les différentes Chambres de la Cour de cassation. [...]
[...] En principe, l'événement invoqué par le défendeur doit lui être étranger, extérieur. En l'espèce, l'événement est bien extérieur puisque c'est le comportement de la victime qui provoquer le dommage. Il est dès lors difficile de se prononcer sur l'exclusion possible de cette condition puisqu'elle ne fait pas débat. Deux interprétations sont envisageables. L'on peut considérer que l'Assemblée plénière, en se référant aux seuls critères de l'imprévisibilité et de l'irrésistibilité a entendu exclure l'extériorité. Implicitement, la réunion de ces deux critères suffirait à caractériser la force majeure. [...]
[...] En l'espèce, le caractère imprévisible est apprécié avant la survenance de l'événement : le comportement de la victime n'était pas prévisible avant son passage à l'acte. Ce faisant, la Cour de cassation rappelle aussi que l'imprévisibilité de l'événement s'apprécie au moment du fait dommageable ou dans le temps qui précède immédiatement l'action. Le caractère irrésistible s'apprécie lui aussi pendant la réalisation de l'événement, le comportement de la victime ne pouvant laisser penser qu'elle allait se précipiter sur les voies. La force majeure est caractérisée lorsque lors de l'accident les critères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité sont réunies. [...]
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