Le juriste est amené à opérer des distinctions, souvent binaires ; ainsi les biens sont meubles ou immeubles, les personnes sont physiques ou morales… Les choses deviennent cependant un peu plus complexes dès lors qu'on aborde des sujets comme l'obligation juridique où la qualification devient chose périlleuse même pour des juristes aguerris.
Envisageons tour à tour deux types d'obligations que sont les obligations alternatives (ou facultatives) et les obligations conditionnelles. Pour ce qui les concerne, les premières porteront sur plusieurs prestations définies par une convention, dès que le débiteur en aura exécuté une il sera libéré de son engagement. Le trait caractéristique de ce type d'obligation réside dans l'option, c'est-à-dire le choix conféré au débiteur de la prestation à exécuter.
En ce qui concerne l'obligation conditionnelle, l'exécution même de l'obligation est subordonnée à la réalisation d'un évènement déterminé. Ici la caractéristique de cette obligation repose sur l'incertitude de la réalisation de l'évènement lequel conditionne l'obligation elle-même.
Ainsi donc contrairement à l'obligation à objet multiple où le débiteur est tenu dans tous les cas de réaliser une prestation, dans la seconde hypothèse on constate qu'il peut être libéré de son engagement selon le sort de la condition. Cette distinction a une importance considérable dans un litige puisque dans la première hypothèse le débiteur est libéré de son obligation tandis que dans la seconde il sera condamné.
Si la présentation qui vient d'être faite peut paraître évidente, c'est l'examen de la jurisprudence qui témoigne de ce que la distinction de ces deux obligations n'est pas aisée en pratique. L'arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 mars 1989 va permettre d'illustrer notre propos, mettant en évidence les difficultés pour les deux juridictions successives de qualifier les diverses espèces d'obligations.
Dans les faits, une société consent à prêter de l'argent à un étudiant sans qu'il n'ait à rembourser ladite société dès lors qu'à la fin de ses deux ans de scolarité il accepte de travailler pour elle durant cinq ans. La société subi une procédure de redressement judiciaire et cède l'entité que devait intégrer l'étudiant à une nouvelle société. Un an après cette cession, l'étudiant fait savoir par courrier qu'il ne veut pas donner suite à la proposition d'embauche qu'avait maintenu le cessionnaire. Les deux sociétés agissent conjointement : la première demande le remboursement du prêt, tandis que l'autre n'intervient à l'instance qu'afin de faire constater qu'elle a abandonné le droit à remboursement théoriquement transmis lors de la liquidation. Postérieurement à la mise en demeure de l'étudiant elles soumettent leur litige auprès de la 9ème chambre du TGI de Paris.
[...] H.Capitant nous en donne la définition suivante : l'obligation qui ayant pour objet deux ou plusieurs prestations est éteinte lorsque le débiteur a exécuté l'une d'elles (Vocabulaire Juridique Obligation, PUF). Cette définition nous indique que l'exécution de l'obligation alternative est liée à l'option, autrement dit au choix de la prestation à fournir. Les articles 1189 et S. du C.Civ apportent un certain nombre d'éléments complémentaire à l'option puisqu'il faut en plus que celle-ci offre un choix entre plusieurs prestations différentes, qu'elle laisse le choix à l'une des parties (très généralement le débiteur nous l'avons vu) et qu'elle place les différentes prestations sur le même plan. [...]
[...] Le choix entre ces deux prestations différentes était laissé au débiteur. Le dernier critère qui est très important quant à l'issue de l'instance c'est-à-dire placer les deux prestations sur le même plan, ne peut que se supposer sans que l'on connaisse la volonté des parties. Si c'était le cas, il s'agit bien d'une obligation alternative, et si ce n'est pas cette hypothèse il s'agira dès lors d'une obligation facultative. Cette dernière obligation se caractérise par une prestation principale qui fait l'objet de la convention et d'une autre prestation à titre accessoire. [...]
[...] La condition mixte qui est celle qui dépend tout à la fois de la volonté d'une des parties contractantes, et de la volonté d'un tiers. La condition potestative enfin qui fait dépendre l'exécution de la convention de la seule volonté de l'une des parties et qui elle est sanctionnée de nullité par l'article 1174 du C.civ lorsque c'est le débiteur qui supporte l'obligation puisqu'il est normalement astreint à un réel devoir d'exécuter son obligation. La doctrine à partir du XIX e siècle a nuancé cette notion de potestativité en créant une distinction entre la condition purement potestative qui est sanctionnée par l'article 1174, et la condition simplement potestative laquelle dépend de la volonté non discrétionnaire du débiteur (Civ 1ère 16 Oct D pour illustration). [...]
[...] En l'espèce donc la cour d'appel doit se prononcer sur la qualification de l'acte établie par le TGI. La convention peut-elle retenir la qualification de contrat synallagmatique et exonérer l'étudiant du remboursement du prêt ou comme l'affirment les demandeurs, est-ce une promesse d'embauche relevant de l'article L122-12 du Code du travail, comparable à un contrat de travail transmissible lors d'une liquidation, auquel cas le cessionnaire est fondé à agir contre l'étudiant afin d'obtenir un règlement ? Le syllogisme de la cour d'appel s'articule de la manière suivante ; dans un premier temps, les juges expliquent que l'engagement qui lie l'étudiant et la société prêteuse n'est pas transmissible dans le cadre d'une cession au sens de L122-12 puisque ce n'est pas un contrat en cours au moment de la liquidation (liquidation appelée dans l'arrêt règlement judiciaire qui est son ancienne dénomination réf : loi 85-98 du 25 janvier 1985) Cette première constatation permet de mettre en évidence l'absence de lien contractuel entre le cessionnaire et l'intimé, lui ôtant son intérêt à agir. [...]
[...] L'obligation alternative s'attache à l'objet de l'obligation Le fondement de cette obligation réside dans le fait qu'elle constitue pour le créancier une garantie de paiement en cas d'impossibilité d'exécution ou de perte de la chose qui a fait l'objet de l'obligation (Voir V.M Planiol et G.Ripert, Traité de droit civil, t.II 1954). Il convient toutefois de pondérer cette explication puisque cette option appartient sauf stipulation contraire au débiteur. Une explication un peu plus actuelle concernant ce type d'obligation est qu'elle permet de réfléchir et de mieux s'informer. Certains auteurs ont même écrit que les obligations alternatives permettaient des opérations empreintes d'un certain caractère de spéculation Gebler, Les obligations alternatives : RTD civ.1969 p. 3). [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture