Il n'est pas toujours aisé pour la jurisprudence de définir les limites de l'acceptation tacite, surtout en présence d'un acte de disposition accompli par les successibles sur un bien successoral : en témoignent ces deux arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation, respectivement les 7 juin 1995 et 5 mars 2002.
Dans les deux espèces, les successibles ont fait des actes de disposition sur les biens successoraux et ont ensuite contesté leur qualité d'héritier acceptant, estimant que la succession était vacante.
Plus précisément, dans la première espèce, les successibles ont passé un acte de transaction avec l'administration fiscale concernant le montant des dettes successorales et se sont à ce titre engagés à lui verser la somme de 1 000 000 de francs au fisc au nom de la succession. D'autre part, ils ont consenti des hypothèques sur l'ensemble des immeubles dépendant de la succession. Cependant, l'acte de transaction n'a pas été exécuté par la suite, et les successibles contestent l'existence d'une acceptation tacite en invoquant l'inexécution du-dit acte.
Dans la seconde espèce, les successibles ont vendu un immeuble dont une quote-part indivise dépendait de la succession. Assignés en paiement des charges de copropriété inhérentes à un appartement dont le de cujus était propriétaire, ceux-ci contestent avoir accepté tacitement la succession. Les successibles invoquent qu'ils n'avaient pas conscience des conséquences de leur participation à l'acte de vente de l'immeuble indivis. Ils reprochent cette ignorance au notaire qui a selon eux manqué à son devoir de conseil en ne les avertissant pas de ces conséquences.
Dans chacune de ces espèces, la Cour d'appel déclare qu'il y a bien eu acceptation tacite des héritiers, et que la succession n'est pas vacante. En effet, les successibles ont accompli des actes de disposition sur les biens successoraux, et de tels actes entraînent nécessairement l'acceptation tacite de la succession. Dès lors, peu importe que l'acte de transaction n'ait pas été exécuté, et le fait que les successibles auraient renoncé à la succession s'ils avaient eu conscience de leur acte est également indifférent, même si le notaire est responsable de cette ignorance.
Les successibles, tant dans la première espèce que dans la seconde, forment alors un pourvoi en cassation.
La question qui se pose aux juges du droit est ici de savoir si l'existence d'un acte de disposition accompli par les successibles sur les biens successoraux suffit à elle seule à caractériser une acceptation tacite de la succession par ces derniers ?
A cette question, la réponse de la Cour de cassation est différente dans chaque espèce.
Dans la première espèce, la Cour de cassation répond par l'affirmative. La Haute juridiction relève que la Cour d'appel a à bon droit estimé que les actes de disposition ne pouvaient être faits par les successibles qu'en qualité d'héritiers, et que ceux-ci « supposaient nécessairement leur volonté d'accepter la succession ». L'inexécution de l'acte est donc sans effet sur leur acceptation, et ils ne peuvent se rétracter, de telle sorte que la succession n'est pas vacante. La Cour de cassation rejette le pourvoi.
Dans la seconde espèce, la Cour de cassation répond à la question par la négative. La Cour d'appel ne pouvait déclarer l'acceptation tacite des héritiers « après avoir relevé que les successibles auraient renoncé à la succession de leur frère s'ils avaient connu les conséquences de leur participation à la vente de l'immeuble litigieux, ce dont il résultait que la présomption posée par l'article 778 du Code civil était détruite ». Les juges du droit estiment que la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi violé l'article 778 du Code civil. La Cour de cassation casse et annule l'arrêt rendu en appel, et renvoie les parties devant une Cour d'appel autrement composée.
Ainsi, bien que l'on soit en présence dans chaque espèce d'un acte de disposition, lequel fait présumer l'intention d'accepter des successibles, la Cour attribue à chaque fois une force différente à cette présomption (I). Cette différence s'explique par l'existence d'une divergence de jurisprudence quant à la conception même de l'acceptation tacite, au terme de laquelle la Cour de cassation a opté pour une appréciation de l'intention réelle d'accepter (II).
[...] Commentaire d'arrêt comparé: civ Juin 1995 et civ.15 mars 2002 Il n'est pas toujours aisé pour la jurisprudence de définir les limites de l'acceptation tacite, surtout en présence d'un acte de disposition accompli par les successibles sur un bien successoral : en témoignent ces deux arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation, respectivement les 7 juin 1995 et 5 mars 2002. Dans les deux espèces, les successibles ont fait des actes de disposition sur les biens successoraux et ont ensuite contesté leur qualité d'héritier acceptant, estimant que la succession était vacante. [...]
[...] La Cour de cassation rejette le pourvoi. Dans la seconde espèce, la Cour de cassation répond à la question par la négative. La Cour d'appel ne pouvait déclarer l'acceptation tacite des héritiers après avoir relevé que les successibles auraient renoncé à la succession de leur frère s'ils avaient connu les conséquences de leur participation à la vente de l'immeuble litigieux, ce dont il résultait que la présomption posée par l'article 778 du Code civil était détruite Les juges du droit estiment que la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a ainsi violé l'article 778 du Code civil. [...]
[...] D'une part, il est possible d'adopter une conception purement objective de l'acceptation tacite, qui consiste à déduire cette acceptation du seul élément matériel que constitue l'acte passé par le successible. Aucune place n'est laissée à l'appréciation de l'existence de l'intention d'accepter, puisqu'elle est intrinsèquement liée à l'existence de l'acte. D'autre part, il est également possible d'adopter une conception subjective de l'acceptation tacite. Dans ce cas, il est nécessaire de relever à la fois un acte supposant l'intention d'accepter, et cette intention : les deux conditions doivent ainsi être appréciées de façon autonome par les juges du fond, car celles-ci sont distinctes. [...]
[...] En effet, leur qualité d'héritier acceptant n'a été remise en cause que devant la Cour de cassation, dont la décision a été confirmée par la Cour d'appel de renvoi. Mais la remise en cause de cette qualité d'héritier acceptant a pour effet corrélatif de remettre en cause le droit de propriété de l'acceptant, car, rétroactivement, celui-ci a acquis l'immeuble d'un non propriétaire, du moins, en partie. Or, la vente de la chose d'autrui est nulle, et il y a donc un risque d'annulation de la vente. [...]
[...] Les successibles invoquent qu'ils n'avaient pas conscience des conséquences de leur participation à l'acte de vente de l'immeuble indivis. Ils reprochent cette ignorance au notaire qui a selon eux manqué à son devoir de conseil en ne les avertissant pas de ces conséquences. Dans chacune de ces espèces, la Cour d'appel déclare qu'il y a bien eu acceptation tacite des héritiers, et que la succession n'est pas vacante. En effet, les successibles ont accompli des actes de disposition sur les biens successoraux, et de tels actes entraînent nécessairement l'acceptation tacite de la succession. [...]
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