L'extension des procédures collectives est en quelques années devenue le terrain de chasse de prédilection des mandataires de justice intervenant dans le cadre de liquidations judiciaires, mais aussi des représentants des créanciers qui y voient l'occasion rêvée d'intégrer dans le patrimoine réalisable de la société objet de la procédure collective des biens immeubles d'une valeur significative appartenant à une société civile immobilière ad hoc, tierce à la société mise en procédure. Ce réflexe viscéral se veut d'autant plus systématique lorsque les actifs de la société d'exploitation sont insuffisants pour désintéresser les différents créanciers inscrits à la procédure.
Cependant, force est de relever l'opacité et la mouvance de la jurisprudence sur ce point précis, comme le suggère un arrêt en date du 10 mai 2012 rendu par la Chambre commerciale relatif à deux espèces différentes, ayant pour dénominateur commun la confusion de patrimoines dans le cadre d'un montage devenu monnaie courante en pratique, lequel consistant en une individualisation de forme des patrimoines entre une société civile immobilière et une société exploitante.
[...] Au surplus, la Cour de cassation se contente d'une motivation plutôt lapidaire, sans préciser laquelle des composantes de la confusion des patrimoines prime l'autre. En cela, l'appréciation du juge est générale, et se détache du raisonnement distributif parfois adopté par les juges : la flexibilité, et la subjectivité semblent ici être les maîtres mots. Il semble que plus les angles d'attaque sont nombreux et variés, plus la confusion des patrimoines a de chances d'être reçue par le juge. On peut néanmoins regretter l'amalgame opéré par la Cour de cassation, faisant référence dans son attendu à des flux financiers anormaux notion supposant des transferts de valeurs ou biens entre les différentes personnes morales en présence, alors que les relations anormales invoquées par l'initiateur du pourvoi, semblaient quant à elles plus propices en ce qu'elles se veulent plus larges, et ne présupposent aucun mouvement entre les deux sociétés, ce qui semblait être le cas en l'espèce puisqu'aussi bien le paiement des loyers que la facturation des travaux était fictifs, et consistaient en des écritures comptables fictives, dépourvues de tout règlement concret. [...]
[...] De surcroît, elle tentait d'étayer son pourvoi en s'appuyant sur l'ambivalence de la motivation de l'arrêt de la Cour d'Appel qui avait d'une part retenu l'inexistence d'un bail écrit ou oral, tout en se fondant sur un bail précaire conclu ultérieurement pour en déduire une spoliation pour la période précédant celui-ci. La question posée par ces deux espèces semble celle de la caractérisation de la confusion de patrimoines : dans quelle mesure les relations financières anormales peuvent-elles être établies ? [...]
[...] La Cour de cassation se fonde ici sur la conjonction de ces éléments de faits pour en déduire l'existence de flux financiers anormaux : sont tout à la fois visées de manière distributive par les hauts juges à l'aune de leur attendu la fictivité, l'absence de contrepartie. Ce faisceau d'indices portant sur différents moyens d'aboutir à la confusion des patrimoines ne semble pas être un obstacle dirimant à sa caractérisation. L'apport principal de cet arrêt d'espèce réside dans l'approche globale entérinée par la chambre commerciale : plusieurs fondements viennent ici accréditer la confusion des patrimoines. [...]
[...] Tout d'abord, l'une des branches de l'alternative consisterait à limiter l'office du juge sur cette question précise qui pose tant de problèmes par le biais d'une intervention législative autoritaire. Cette piste n'est pas à écarter dans la mesure où cette solution pourrait avant tout s'interpréter en un arrêt de provocation Pour autant, force est d'admettre que l'article L. 621-2 du code de commerce, relatif à l'extension de la procédure collective reste inchangé, de sorte qu'il serait permis de dire que le législateur se satisfait de cette fluctuation. [...]
[...] A tout le moins, il serait préférable que la Cour de cassation unifie sa jurisprudence sur ce point afin de rendre ses lettres de noblesse à la lisibilité du droit, objectif à valeur constitutionnel, en profitant d'arrêts subséquents pour clarifier sa position en leur conférant une publicité au bulletin. [...]
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