La question des dérives liées au mouvement générale d'objectivation de la responsabilité pour faute est récurrente en doctrine, particulièrement en ce qui concerne la responsabilité de l'infans. La 2ème chambre civile de la cour de cassation a rappelé sa position dans un arrêt en date du 28 Février 1996.
Confiée au demandeur pour la soirée, la victime, une petite fille de 8 ans, alors qu'elle jouait sous une table, s'est brusquement mise à courir dans la direction du fils du demandeur et l'a bousculé alors qu'il portait une casserole d'eau bouillante. Suite au préjudice corporel subit par la victime, sa mère, en son nom, assigne le demandeur et son assureur en réparation.
A l'arrêt confirmatif rendu le 27 Janvier 1994 par la CA de Besançon, il est fait grief d'avoir violé l'article 1382 CC. Le demandeur assigné en 1ère instance se pourvoir donc en cassation.
Le demandeur reproche aux juges d'avoir considéré que le comportement de l'enfant, compte tenu de son jeune âge, ne pouvait être considéré comme constituant une faute ayant concourue à la réalisation de son dommage, faute qui lui serait opposable afin de limiter son droit à réparation, sinon à le faire disparaître.
La responsabilité civile d'un enfant peut elle être engagée malgré son jeune âge ?
Selon la Cour de Cassation, dès lors que l'enfant, par son comportement, a concouru à la réalisation du dommage, sa responsabilité civile est engagée, et ce quel que soit son âge. Peu importe ici que ce comportement fut prévisible et naturel dans le contexte dans lequel s'est produit le dommage. L'enfant a objectivement concouru à la réalisation de son propre dommage. Dès lors que l'élément matériel de la responsabilité est effectivement présent, la responsabilité est engagée, sans considération de l'élément moral.
[...] Le cas de l'infans n'est pas isolé. En effet, depuis plusieurs années, on assiste à une objectivation de la responsabilité, dans la très grande majorité de ses composantes et cas spéciaux, répondant au pragmatique souci de garantir la réparation du préjudice dans tous les cas. II/ L'objectivation de la notion de faute Avant de se pencher sur le mouvement général d'objectivation de la responsabilité et ses conséquences sur le cas de l'infans nous étudierons la conséquence juridique de l'objectivation de la notion de faute : l'abandon de l'élément moral de la faute L'abandon de l'élément moral de la faute La faute est traditionnellement caractérisée par 3 éléments : l'élément matériel, la faute à proprement parler, le fait fautif ayant conduit à la réalisation du dommage ; l'élément légal, quasi inexistant en droit commun de la responsabilité civile, qui implique que le préjudice soit préalablement déterminé par la loi ; et l'élément moral, qui se traduit par l'intention ou la conscience que l'on a des conséquences de ses actes. [...]
[...] L'enfant a objectivement concouru à la réalisation de son propre dommage. Dès lors que l'élément matériel de la responsabilité est effectivement présent, la responsabilité est engagée, sans considération de l'élément moral. Afin de bien saisir la position de la Cour sur cet épineux problème, nous nous pencherons sur les considérations actuelles entourant l'imputabilité de la faute de l'infans avant de nous intéresser au mouvement général d'objectivation de la responsabilité (II). L'imputabilité de la faute de l'infans Avant de nous intéresser aux critiques pouvant être formulés à l'encontre de ce principe nous étudierons sa raison d'être : le souci de dédommager la victime Le souci de dédommager la victime L'imputabilité de la faute de l'infans répond à un désir de protéger la victime, quelle qu'elle soit, en lui assurant l'exercice de son droit à réparation. [...]
[...] Seule importe l'existence d'un fait cause du dommage subit. Par extrapolation, on peut se poser la question du cas du dément, par essence inconscient des conséquences de ses actes. Si l'infans peut voir sa responsabilité engagée, il n'y a pas de raison pour que ce principe ne s'applique pas également au cas du dément, le traitement de ces cas étant juridiquement similaire : il s'agit à chaque fois d'un auteur inconscient du dommage qu'il cause. On peut craindre dès lors que le droit, sous prétexte de garantir la réparation, s'éloigne de la réalité sociale qu'il est supposé traduire. [...]
[...] L'imputabilité de la faute de l'infans revêt alors un aspect aberrant : peu on reprocher un enfant d'avoir causé un dommage alors qu'il souhaiter jouer ou rendre service à un adulte ? Dans ses conditions, l'épanouissement de l'enfant semble compromis. Heureusement, de tels cas sont rares, étant donné que la quasi- totalité des parents sont assurés contre les dommages causés par leurs enfants. Mais ces situations existent cependant. Indépendamment des conséquences juridiques sur l'infans, le procès, suite logique de l'engagement de sa responsabilité civile, ne saurait constituer un élément neutre sans conséquence sur le psychisme d'un jeune enfant. [...]
[...] La jurisprudence garantit ainsi l'existence d'un débiteur principal contre lequel peut se retourner la victime du préjudice. Cette logique, quand bien même elle reviendrait à engager la responsabilité d'une jeune enfant, sans considération pour son âge et donc pour la conscience qu'il a des conséquences de ses actes, devient moins choquante lorsque l'on intègre comme élément de la réflexion le rôle important joué par les compagnies d'assurance, qui vont in fine supporter la responsabilité de l'infans en se chargeant d'assurer la réparation pécuniaire du préjudice subit du fait de l'infans. [...]
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