preuve, présomption, causalité alternative, maladies nosocomiales, réparation, victimes, multitude d'auteurs déterminés, identification impossible de l'auteur du dommage
En matière de preuve de l'obligation, la première chambre civile de la Haute juridiction a fait preuve d'audace dans l'affaire du Distibène, où elle a fait présumer la qualité d'auteur à la charge de plusieurs personnes, qui certes avaient toutes commis une faute génératrice de responsabilité, mais qui n'y étaient peut-être pour rien dans le dommage de la victime. Cette jurisprudence du 28 janvier 2010 a été appliquée quelques mois plus tard à une tout autre situation, où l'identité de l'établissement de santé à l'origine d'une infection nosocomiale n'a pu être déterminée.
[...] L'arrêt de la cour d'appel est cassé par la première chambre civile le 17 juin 2010, au visa des articles 1315 et 1147 du Code civil, au motif que la cour d'appel a inversé la charge de la preuve. Selon la première chambre civile, la preuve d'une infection nosocomiale suffit à elle seule pour engager la responsabilité de plusieurs établissements de santé susceptibles d'avoir été à l'origine de la contamination. Les ayants droit du patient décédé n'avaient pas à rapporter la preuve du lieu de contamination, de sorte qu'il incombe à chacune des cliniques mises en cause de prouver qu'elle n'était pas à l'origine de l'infection. [...]
[...] Cette solution peut sembler plus injuste que celle de condamner les différents auteurs potentiels du dommage. Une dimension morale se dégage de la décision de la première chambre civile : une victime ne doit pas avoir à supporter les conséquences d'une multitude d'intervenants lorsqu'il est presque impossible de déterminer l'unique auteur du préjudice subi. En l'espèce, et contrairement à l'affaire du Distilbène où les deux laboratoires avaient commis une faute de vigilance, un seul des établissements pouvait se voir reprocher un manquement à une obligation de sécurité, ce qui rend la présomption de causalité quelque peu illégitime, si c'est la dernière clinique ayant administré des soins à la victime qui a réellement été à l'origine de la contamination. [...]
[...] La haute juridiction se voit donc menacée par un risque d'engrenage pouvant l'amener à repousser de plus en plus les limites des présomptions causales au fur et à mesure des cas rencontrés. Cependant, ce risque est à relativiser, car la Cour de cassation semble avoir pris conscience du risque, puisqu'elle n'a pas encore énoncé un motif de principe, préférant sans doute statuer au cas par cas. Par ailleurs, montrer du doigt le libéralisme de la première chambre civile en matière de présomptions causales semble exagéré, compte tenu du droit positif en vigueur en dehors de l'hexagone. [...]
[...] En l'espèce, un homme avait succombé des suites d'une infection nosocomiale, contractée après avoir reçu des soins dans plusieurs établissements. Ses ayants cause du patient décédé avaient sollicité réparation auprès de deux cliniques. En se fondant sur un rapport d'expertise, une cour d'appel les débouta de leur demande, au motif que si l'infection à l'origine du décès du patient avait un caractère nosocomial, il était impossible de déterminer laquelle des deux cliniques mises en cause était à l'origine de cette infection. [...]
[...] L'extension de la présomption de causalité au cas d'espèce s'explique par un enjeu identique à toutes les affaires rencontrant la causalité alternative : rendre une décision au profit des victimes. II- Une présomption de causalité jouant contre la réalité et en faveur des victimes L'objectif de la causalité alternative de favoriser la réparation des victimes de dommages commis par un auteur non identifié se heurte à une critique doctrinale, selon laquelle la présomption causale relèverait davantage du domaine de la fiction que de la réalité C'est pourquoi la Cour de cassation fait preuve de prudence dans chacune de ses décisions relatives à ce type de présomption, afin d'éviter de pousser trop loin son champ d'application A L'usage de la fiction de la causalité alternative justifiée par une volonté de favoriser la réparation des victimes P. [...]
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