L'idée de mariage véhicule une idée de partage : on partage les dépenses, on partage les dettes… On pense que le bien qu'on acquiert à deux est la propriété de chacun des époux. Ce n'est pas toujours le cas. Notamment lorsqu'il s'agit d'acquérir un certain type de bien, comme une officine de pharmacie. L'arrêt de la première chambre civile en date du 18 octobre 2005 en est une illustration.
En l'espèce, pour acheter une officine, un pharmacien a demandé deux prêts à sa banque.
La banque a accordé ces prêts au pharmacien ainsi qu'à son épouse, commune en biens et désignée co-emprunteur.
Le pharmacien a été mis en redressement judiciaire. Celui-ci a assigné sa banque au motif qu'elle lui aurait consenti un prêt abusif. Une décision, devenue définitive, rejette la demande du pharmacien.
L'épouse du pharmacien assigne la banque pour faire annuler les deux prêts consentis ainsi que les sûretés constituées par elle.
La Cour d'appel la déboute au motif que les articles du code de la santé publique ne régissent pas les régimes matrimoniaux, que de plus la propriété de l'officine est réservée au titulaire du diplôme de pharmacien, mais la valeur du fonds de commerce tombe en communauté.
Aussi l'épouse du pharmacien forme un pourvoi au motif que seul le titulaire du diplôme peut acheter une officine, aussi toute stipulation établissant une copropriété ou une propriété par un non titulaire du diplôme de pharmacien est nulle. Aussi, puisque sur l'acte de prêt, il était mentionné que le fonds de commerce appartenait aux époux, la déboutée met en avant le fait que l'acte est ainsi nul.
Le problème qui se pose ici est celui de savoir si les prêts consentis aux deux époux mariés sous la communauté, peuvent servir au financement d'une officine dont seul l'un des deux époux peut légalement être propriétaire ?
[...] Aussi, puisque sur l'acte de prêt, il était mentionné que le fonds de commerce appartenait aux époux, la déboutée met en avant le fait que l'acte est ainsi nul. Le problème qui se pose ici est celui de savoir si les prêts consentis aux deux époux mariés sous la communauté, peuvent servir au financement d'une officine dont seul l'un des deux époux peut légalement être propriétaire ? La Cour de Cassation précise que la Cour d'appel a bien décidé que la propriété de l'officine était réservée au seul titulaire du diplôme mais que la valeur du fonds de commerce était en communauté, aussi en a-t-elle bien déduit que les emprunts souscrits étaient valables puisque l'acte d'acquisition ne portait en rien atteinte à l'exploitation exclusive du mari. [...]
[...] Ainsi concernant un parc à huîtres qui ne peut être possédé que par le titulaire d'une autorisation administrative (Civ décembre 1987) ou encore au sujet d'un office notarial (TGI Paris novembre 1987), la Haute Juridiction a pu dire la valeur patrimoniale de l'office acquise pendant le mariage est un bien commun mais le droit de présentation reste personnel à son titulaire Cependant ce que dit le pourvoi c'est que le financement d'une officine personnelle ne peut être fait par les deux époux, puisque seul l'époux titulaire du diplôme peut en être propriétaire, en rien le pourvoi ne critique le fait que la valeur du fonds de commerce tombe en communauté. Ce que l'on peut comprendre, peut-être, c'est que puisque la valeur du fonds de commerce appartient aux deux époux, rien n'interdit que le financement soit fait par eux deux. La valeur du fonds de commerce tombe en communauté, mais cela veut-il dire que les époux peuvent disposer de ce fonds de commerce comme ils l'entendent ? Rien n'est moins sûr. II. [...]
[...] Il convient alors de préciser que l'acte de prêt n'est pas l'acte de propriété, et c'est le nom mentionné sur ce dernier qui doit correspondre au nom du titulaire du diplôme. De plus dès lors que l'officine ne sera exploitée que par le mari, en l'occurrence le titulaire du diplôme, et donc le réel propriétaire de celle- ci, peu importe d'où provient le financement. Il en aurait sans doute était autrement si l'acte de prêt n'avait été souscrit que par l'épouse, aux fins d'une exploitation par elle seule. [...]
[...] Malgré le fait que le conjoint ait le droit de financer, il ne devient pas titulaire de droits particuliers. B. Les conséquences à l'égard des pouvoirs : les pouvoirs du conjoint restreints On le sait le réel propriétaire du fonds de commerce qu'est l'officine de pharmacie est le titulaire du diplôme. Ceci a plusieurs conséquences : tout d'abord il n'y a que le possesseur du titre qui pourra faire des actes de disposition c'est-à-dire des actes d'aliénation par exemple comme la vente du fonds. [...]
[...] Autrement une telle acquisition ne peut être un acquêt, aussi l'acte de prêt ayant permis l'acquisition doit être regardé comme nul. Seulement le pourvoi est rejeté, en effet la Cour de Cassation précise que pour le type d'acquisition dont il est question en l'espèce, il faut distinguer le titre et la finance. B. Le principe de la distinction du titre et de la finance La propriété de l'officine était réservée aux personnes titulaires du diplôme de pharmacien, mais la valeur du fonds de commerce tombait en communauté : voilà comment la Cour de Cassation pose, ici, le principe de la distinction du titre (la propriété) et de la finance (l'achat). [...]
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