Commentaire d'arrêt, chambres réunies, Cour de cassation, 2 décembre 1941, responsabilité du fait des choses, Code civil, chose volée
Selon l'article 1354-2 des propositions du rapport Catala sur la responsabilité « Le gardien est celui qui a la maîtrise de la chose au moment du fait dommageable », cette définition est conforme à la position de l'arrêt « Franck » des chambres réunies de la Cour de cassation du 2 décembre 1941 qu'il conviendra d'analyser.
En l'espèce, une voiture automobile appartenant à un homme a été confiée à son fils mineur. Or, un individu a volé la voiture laissée en stationnement et, sous la conduite du voleur, un homme a été renversé et mortellement blessé.
Les consorts de la victime ont demandé au propriétaire de la voiture une réparation du préjudice résultant de la mort de la victime en vertu de l'article 1384, alinéa 1 du Code civil devant la chambre civile de la Cour de cassation du 3 mars 1936 qui a accepté leur demande. Cette affaire fut renvoyée devant la Cour d'appel de Besançon après avoir rencontré de vives critiques. De plus, les requérants ont soutenu que l'abandon de la voiture sur la voie publique sans surveillance de celle-ci constituait une faute qui était la conséquence directe de la mort de la victime en vertu de l'article 1382 du Code civil.
La Cour d'appel a rejeté la demande des requérants au motif que le propriétaire de la voiture n'était pas soumis à la présomption de responsabilité de l'article 1384 du Code civil, celui-ci s'étant retrouvé dépossédé de sa voiture au moment du dommage, et ainsi privé de son usage, de sa direction et du contrôle du véhicule ; ces trois éléments étant constitutifs de la garde de la chose. Concernant le deuxième moyen des requérants, la Cour d'appel a considéré que la faute qui était imputée au propriétaire ne comportait aucun lien de cause à effet avec l'accident de la victime.
[...] Même s'il existe une garde juridique et un devoir de surveillance de la chose du propriétaire la dépossession involontaire du propriétaire sur la chose amène à définir une garde dite matérielle La garde juridique et la surveillance pesant sur le propriétaire de la chose L'article 1384, alinéa 1 du Code civil énonce que l'« on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. ainsi l'on est responsable des choses que l'on a sous sa garde. C'est cette notion de garde qui a posé problème dans l'arrêt Franck du 2 décembre 1941. [...]
[...] Concernant le deuxième moyen des requérants, la Cour d'appel a considéré que la faute qui était imputée au propriétaire ne comportait aucun lien de cause à effet avec l'accident de la victime. Alors, le propriétaire d'une chose volée causant un dommage en est-il toujours le gardien et donc le responsable en vertu de l'article 1384 du Code civil ? La Cour de cassation a rejeté le pourvoir considérant que le premier moyen soulevé par les requérants en vertu de l'article 1384, alinéa 1 du Code civil étaient mal fondé. [...]
[...] L'absence de précaution contre le vol, est-il constitutif d'une faute ? La décision de la chambre civile du 6 janvier 1943 répond qu'il ne pouvait être reproché au propriétaire, victime du vol, aucune négligence susceptible d'avoir eu des conséquences prévisibles en relation causale avec le préjudice à réparer. La garde matérielle de la chose définie par les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle de la chose. L'arrêt étudié fait donc peser la responsabilité du fait des choses sur le gardien matériel de la chose et non pas sur le propriétaire. [...]
[...] Cette thèse juridique a été consacrée par l'arrêt du 3 mars 1936 de la chambre civile de la Cour de cassation où celle-ci énonçait que la garde malgré le vol n'avait pas cessé d'appartenir au propriétaire et que le vol ne constituait pas un évènement de force majeure pouvant exonérer le gardien de la présomption de responsabilité du fait des choses. Ainsi, cette décision prononcée est considérablement vidée de tout sens moral. En effet, même s'il paraît juste que la victime soit indemnisée de son préjudice, faire peser la responsabilité sur le propriétaire de la chose alors même qu'il en avait été dépossédé par le vol ne paraît pas aussi légitime. [...]
[...] De même, cette décision n'a pas été retenue dans l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 28 février 1996 où une cliente d'un hypermarché avait fait chuter accidentellement une bouteille qui en éclatant au sol a blessé une autre cliente. En effet, la Cour de cassation a retenu que le fait qu'un client manipule un objet offert à la vente ne suffit pas à constituer un transfert de garde. Patrick Jourdain a ajouté que la responsabilité du propriétaire du magasin est la contrepartie naturelle des risques qu'il accepte de prendre, dans son propre intérêt, en laissant les clients évoluer dans son enceinte Cette thèse pourrait néanmoins être critiquée, notamment par la décision d'un arrêt de la deuxième chambre civile du 6 avril 1987 où il avait été jugé que dans un magasin en libre service, la garde d'un caddy était transférée au client et il en revenait toute la responsabilité de cet objet en cas de dommage par celui-ci. [...]
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