Le droit de propriété dure aussi longtemps que dure la chose sur laquelle il porte. C'est ainsi que l'on peut résumer l'arrêt ancien, mais de principe, de la chambre des requêtes du 12 juillet 1905 qui porte sur le caractère perpétuel du droit de propriété.
En l'espèce, deux employeurs, anciennement copropriétaires par indivis de deux métairies voisines, revendiquent des parcelles de terre. Leurs fermiers respectifs avaient conclu entre eux des arrangements pour que les employés de l'un des propriétaires exploitent ces parcelles litigieuses, et cela contrairement au titre de leurs bailleurs. Le propriétaire de ces parcelles litigieuses revendique celles-ci, mais l'autre partie (demoiselle Le Cohu) estime que son droit de propriété s'est éteint par le non-usage, et que donc cette action en revendication est prescrite (trente ans s'étaient déjà écoulés).
La Cour d'appel accueille l'action en revendication au motif que l'usucapion de demoiselle Le Cohu n'est pas caractérisée, ni l'interversion de titre prévue par l'article 2239 du Code civil (ce motif ne sera pas analysé dans l'arrêt commenté), et enfin au motif que l'action en revendication ne se prescrit pas.
Ainsi la question principale posée aux magistrats de la Cour de cassation était la suivante : « l'action en revendication se prescrit-elle ? » Subsidiairement, il était demandé une réponse à la question de savoir comment faire obstacle à cette action si elle était imprescriptible ?
La Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve donc la Cour d'appel. L'action en revendication est imprescriptible et le seul moyen de la contrer, c'est d'invoquer la prescription acquisitive par le possesseur de l'immeuble.
Dans cet arrêt fondateur, la chambre des requêtes pose le principe « fondamental » de l'imprescriptibilité de la propriété, donc de l'action en revendication (I), et aussi celui de l'échec à cette action qu'est l'usucapion (II).
[...] Cette possibilité joue comme une sanction de la loi contre le propriétaire négligent. Celui qui exploite le bien devrait être mieux protégé que celui qui s'en désintéresse. L'usucapion joue à partir de trente ans (sauf prescription abrégée de dix à vingt ans) ; cela s'apparente en quelque sorte à une prescription extinctive de l'action en revendication. Si on ne fait rien et que quelqu'un d'autre non plus, il n'y a pas prescription. Mais s'il y a possession par un autre, là il y a une possibilité de prescription. [...]
[...] Mais cette perpétuité ne veut pas dire que le propriétaire ne peut pas perdre son droit comme l'indique la Chambre des requêtes dans l'arrêt commenté. L'usucapion peut intervenir comme un obstacle à cette action. II- L'échec à l'action en revendication, la prescription acquisitive Le droit de propriété peut ainsi être perdu au profit d'un autre propriétaire ; des exceptions qui sont là encore très classiques en la matière L'usucapion, ou la perte du droit de propriété au profit d'un autre Dans l'arrêt commenté, la demanderesse ne pouvait pas invoquer l'usucapion (l'acquisition d'un droit de propriété par la possession d'une chose pendant un temps déterminé par la loi, et qui est de trente ans). [...]
[...] Mais par exception, le propriétaire originaire peut revendiquer le bien pendant trois ans. C'est donc un cas de prescription extinctive de l'action en revendication qui joue comme un compromis entre deux droits absolus (celui du propriétaire et celui du possesseur de bonne foi). Enfin, il faut ajouter une autre limite d'ordre technique cette fois, à ce droit de propriété. En effet, ce droit dure aussi longtemps que dure la chose sur laquelle il porte. Si le bien disparaît, le droit aussi. [...]
[...] Il y a eu des critiques à la suite de cet arrêt, sur la valeur de cette affirmation du caractère perpétuel du droit de propriété. En effet, certains auteurs estimaient que le propriétaire qui se désintéresserait de son bien ne devrait pas être protégé. Mais, en l'espèce, était-ce vraiment le cas ? Peut-être que le propriétaire a été empêché d'utiliser la chose ? Ce sont les employés qui ont conclu l'arrangement sur l'exploitation. Et cela, en contrariété avec le titre des bailleurs. [...]
[...] Les héritiers du propriétaire revendiquent alors la propriété de cet étang qui avait été incorporé dans le domaine public. La question était de savoir s'il y avait prescription extinctive. La Cour de cassation répond par la négative et accueille la demande des héritiers. Dans cet exemple, on voit que même avec l'incorporation dans le domaine public à cause d'un phénomène naturel, l'action en revendication ne se prescrit pas. Mais la solution aurait-elle était la même s'il s'agissait d'une incorporation à un domaine privé ? Il s'agirait là d'un conflit entre deux droits absolus, plus difficile à trancher. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture