Si le pacte de préférence, avant-contrat né de la pratique, ne détient pas encore de définition positive établie, il fait pourtant l'objet d'une demande économique croissante et d'un régime juridique spécifique qui doit en protéger la violation. C'est dans cette dernière optique qu'intervient l'arrêt du 25 mai 2006, rendu par une chambre mixte de la Cour de cassation, qui tente d'une part, d'uniformiser la jurisprudence des chambres civiles et commerciales (qui ne sont pas toujours très concordantes), et d'autre part de clôturer le débat, quant à la sanction de la violation d' un pacte de préférence, qui alimente la chronique depuis longtemps.
En l'espèce les faits sont simples ; le bénéficiaire et le promettant ont conclu un pacte de préférence pour un bien immobilier. Une parcelle de ce bien a été transmise par donation-partage vingt huit ans plus tard, rappelant de ce fait l'existence du pacte à l'acquéreur. Ce dernier revend peu de temps après cette parcelle à une société. Le bien immobilier, objet du pacte de préférence, ayant été vendu sans avoir été proposé ultérieurement au bénéficiaire, celui-ci demanda, à titre principal, sa substitution dans les droits de l'acquéreur et, subsidiairement, l'octroi de dommages et intérêts à son profit.
La demande tendant à obtenir la substitution fut rejetée par la cour d'appel, le bénéficiaire se pourvut en cassation. Il soutenait d'une part, que la Cour d'appel avait fait une mauvaise application de l'article 1142 du code civil dans le sens où l'obligation de faire ne se résout, en principe, par des dommages et intérêts que lorsque la réparation en nature est impossible, ce qui n'est pas le cas puisque le juge détient les pouvoirs pour l'ordonner ; d'autre part, afin de justifier la substitution, il a considéré que le pacte de préférence s'analyse comme un droit de préemption en se basant sur les articles 1134, 1138, et 1147 . Enfin, dans le dernier moyen, le demandeur au pourvoi défendit que le droit d'être subordonné à l'acquéreur ne soit pas subordonné à l'existence d'une faute commise par celui-ci (qui n'avait pas été démontrée devant les juges du fond) mais à la publication de la vente de la conservation des hypothèques. Cependant, suivant l'article 1165 du Code civil, il est acquis que l'opposabilité du transfert de propriété est un effet de la vente. Il est donc immédiat et n'est pas soumis à une condition, c'est pourquoi la Cour de cassation fait abstraction de cette branche du moyen
La Cour de cassation devait alors réfléchir sur l'épineux problème de la sanction de la violation d'un pacte de préférence, à travers la question suivante : sa violation n'ouvre-t-elle droit, pour le bénéficiaire du pacte, qu'au paiement de dommages-intérêts, ou lui permet-elle au contraire de se prévaloir de l'inefficacité de la vente conclue en violation de ses droits pour demander à être substitué à l'acquéreur ? En d'autres termes, outre la nullité de la vente conclue en fraude de ses droits, le bénéficiaire peut-il pour autant obtenir l'exécution forcée de l'avant-contrat ?
A ces questions, la Cour de cassation répond par la négative et rejette le pourvoi formé par le bénéficiaire du pacte, mais elle indique, dans un attendu de principe, que le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'obtenir sa substitution à l'acquéreur "à condition que le tiers acquéreur ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir». En l'espèce, pareille fraude n'était pas démontrée et la Cour de cassation ne pouvait donc ordonner la vente au profit de la bénéficiaire du pacte.
Il n'en reste pas moins que c'est la première fois que la Cour de cassation indique qu'au-delà des sanctions traditionnellement reconnues du pacte de préférence , que sont l'annulation de la vente et la condamnation à des dommages et intérêts, la violation peut désormais entrainer la substitution du bénéficiaire évincé dans les droits du tiers acquéreur qui connaissait l'existence du pacte de préférence et l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir (I) ; Néanmoins, dans cette solution qui a fait tant de bruit, la Cour n'expose pas clairement son raisonnement. Celui-ci anime la doctrine qui met en évidence ses faiblesses et critique son résultat (II).
[...] La substitution joue, plutôt, envers le promettant un rôle de sanction. La doctrine s'est accordée sur la solution qu'aurait pu rendre la chambre mixte, c'est-à-dire une solution, énoncée dans l'avant projet Catala plus favorable au bénéficiaire du pacte de préférence, à savoir l'inopposabilité de la vente. L'article 1106-1, alinéa du projet pose une présomption simple de la mauvaise foi de l'acquéreur, dont le bénéficiaire ne serait plus obligé de prouver. Au contraire l'acquéreur devrait attester qu'il ne connaissait ni l'existence du pacte, ni l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir. [...]
[...] On a vu précédemment que la substitution n'est possible que par la démonstration d'une preuve diabolique : comment la force obligatoire du pacte de préférence est-elle donc possible ? La Chambre mixte, pour résumer, a consacré une jurisprudence qui est très appréciable en théorie (qui donne l'impression de réjouir les bénéficiaires des pactes de préférence), mais qui ne sert pas à grand-chose en pratique. Quitte à être dure, et sauf erreur de ma part, je dirais que l'arrêt du 26 mai 2006 nous jette de la poudre aux yeux. [...]
[...] Ce flou juridique s'appuie d'abord sur une interprétation large de l'article 1142 mais la Chambre mixte ne le mentionne pas dans son attendu de principe et a cherché un autre fondement qui se révèle être la fraude Droits du bénéficiaire basés sur une interprétation élargie de l'article 1142 Le pacte de préférence est l'engagement d'une personne envers une autre de lui céder un bien, de préférence à un tiers, dans la mesure où elle s'est décidée à vendre le bien en question. Des auteurs comme Mr. Collard-Dutilleul et Mr. Delebecque affirment qu' il s'agirait plutôt d'une forme conventionnelle de droit de préemption En effet, la substitution intervient après la vente, comme le droit de préemption, mais la doctrine considère que le droit de préemption est mis en jeu avant la conclusion de la vente. Alors que dans la substitution du bénéficiaire au tiers acquéreur, la vente est conclue. [...]
[...] Or, elle rejette la mauvaise foi du tiers acquéreur basée sur la publicité foncière des biens qui témoigne de l'existence du pacte de préférence. En effet, depuis que la Cour de cassation considère que le pacte de préférence constitue une promesse unilatérale et conditionnelle n'apportant pas de restriction au droit de disposer, sa publication est facultative et n'a qu'une vocation informative : elle n'atteste pas, par elle-même de la connaissance de l'existence de l'acte par l'acquéreur et donc de sa mauvaise foi. [...]
[...] En d'autres termes, outre la nullité de la vente conclue en fraude de ses droits, le bénéficiaire peut-il pour autant obtenir l'exécution forcée de l'avant- contrat ? A ces questions, la Cour de cassation répond par la négative et rejette le pourvoi formé par le bénéficiaire du pacte, mais elle indique, dans un attendu de principe, que le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'obtenir sa substitution à l'acquéreur "à condition que le tiers acquéreur ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir». [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture