Selon le Doyen Philippe Simler, « L'affirmation selon laquelle le cautionnement réel est une sûreté réelle mérite pleine approbation… dire qu'elle n'est pas un cautionnement personnel n'est qu'une autre manière d'exprimer la même chose. Franchir un pas de plus en affirmant qu'il n'est pas un cautionnement, c'est faire un pas de trop » (JCP, édit. G, n° 49, 5 décembre 2001, I, 367).
Ce pas a pourtant été franchi par l'arrêt objet de notre commentaire rendu par la Chambre mixte de la Cour de Cassation le 2 décembre 2005, qui décida que le cautionnement réel est une sûreté réelle qui ne contient aucun engagement personnel et rejeta ainsi son assimilation à un cautionnement.
En l'espèce, M. X, marié sous le régime de la communauté universelle, avait souscrit un nantissement sans le consentement de son épouse, sur des titres dématérialisés appartenant à la communauté en garantie d'une dette contractée par un tiers auprès d'une banque. Son épouse, Mme X, assigna alors la banque en mainlevée du nantissement.
La Cour d'appel de Limoges déboute le 23 juin 2003, Mme X de sa demande de mainlevée du nantissement. Cette dernière décide alors de se pourvoir en cassation devant la chambre mixte, le 2 décembre 2005 en réitérant sa demande.
Se pose alors devant la Cour de Cassation le problème de droit suivant :
Le cautionnement réel constitue –t-il une sûreté réelle ou un cautionnement auquel s'applique notamment l'article 1415 du Code civil ?
Mais cette question fait apparaître une interrogation sous-jacente : une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers implique-t-elle un engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui jusqu'au montant garanti et dans la limite du bien grevé ?
En un moyen unique pris en une seule branche, Mme X fait grief à l'arrêt d'appel d'avoir violé l'article 1415 du Code civil en considérant que le nantissement de valeurs boursières constitué par un tiers pour le débiteur principal n'est pas un cautionnement réel soumis à l'article 1415 du Code Civil.
La Haute Cour procède à un double revirement de jurisprudence en considérant que la sûreté réelle consentie pour la dette d'un tiers « n'implique aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui et n'étant pas dès lors un cautionnement, lequel ne se présume pas ». Elle rejette le pourvoi et conclu que « la cour d'appel a exactement retenu que l'article 1415 du Code civil n'était pas applicable au nantissement donné par M. X ».
Après avoir expliqué en quoi la Cour de Cassation décide de nier l'existence d'un engagement personnel au sein du cautionnement réel (I), nous tenterons d'expliciter le régime juridique du cautionnement réel exclu de la catégorie des cautionnements pour entrer exclusivement dans celle des sûretés réelles (II).
[...] Ainsi, le cautionnement se distingue des sûretés réelles en ce qu'il crée une obligation personnelle accessoire à l'obligation principale qui procure au créancier, un gage général sur tous les biens immobiliers, présents et à venir de la caution. Les débats doctrinaux et jurisprudentiels portaient alors sur le fait de savoir si le constituant d'une caution réelle n'entendait pas aussi se porter caution personnelle à hauteur de la valeur du bien affecté. Il s'agissait de mettre un nom sur la véritable nature de ce cautionnement réel : sûreté exclusivement réelle ? Sûreté hybride ? [...]
[...] Ce revirement de jurisprudence constitué par la chambre mixte sur la nature du cautionnement réel a été bien accueilli par la doctrine qui l'a considéré comme un normal retour à l'ordre, à la volonté des parties. Il a d'ailleurs été consacré par le législateur lors de la réforme des sûretés intervenue à la suite de l'ordonnance du 23 mars 2006. En effet, l'article 2334 du Code civil dispose désormais que Le gage peut être consenti par le débiteur ou par un tiers ; dans ce dernier cas, le créancier n'a d'action que sur le bien affecté en garantie. [...]
[...] Il résultait alors de ces divergences au sein même des différentes chambres de Haute Cour, une incertitude préjudiciable pour ce type de sûreté qui s'en trouvait par conséquent fragilisée. L'adoption d'une position unifiée s'imposait afin de déterminer clairement ce pour quoi les cautions réelles s'engageaient lorsqu'elles affectaient un bien en garantie de la dette d'un tiers. En outre, les conséquences juridiques de ces deux thèses étaient différentes et la garantie du créancier suite aux amoindrissements éventuels de la valeur bien ou à sa disparition, n'était pas la même si le constituant était tenu juste pour la chose et non pour la valeur de la chose. [...]
[...] Il est toutefois possible, contractuellement, d'aboutir au même niveau de garantie que si la conception mixte du cautionnement réel était en vigueur en constituant un cautionnement qui serait à la fois personnel et réel (Civ 1re février 2006 ; Com mars 2006). Enfin, cette décision rendue par la chambre mixte a mis fin au débat concernant la nature juridique du cautionnement réel, mais en refusant la qualification de cautionnement de la nouvelle sûreté réelle pour autrui, elle en a rendu plus difficile la construction du régime juridique. [...]
[...] Ainsi, la décision tant attendue par la doctrine arriva et la Cour de Cassation fut réunie en chambre mixte le 2 décembre 2005 afin de trancher définitivement les débats et se prononcer sur la véritable nature du cautionnement réel. B. Le cautionnement réel est une sûreté réelle et non un cautionnement Dans cet arrêt objet de notre commentaire, la Cour de Cassation procéda à un revirement de jurisprudence en contradiction avec l'arrêt rendu par la première chambre civile le 15 mai 2002. [...]
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