« Les SEL ou les SCP ne sont pas des ectoplasmes, des sujets de droit au rabais qui n'existeraient que par l'intermédiaire de leurs fondateurs » rappelait à juste titre Lucas François-Xavier, dans sa note sous l'arrêt du 9 février 2010 rendu par la Chambre commerciale de la haute juridiction de l'ordre judiciaire. De par cet arrêt soumis à la publication au bulletin ô combien révélatrice de l'importance des principes posés, les juges du quai de l'horloge ont eu l'opportunité de fixer leur position sur un point de droit qui levait de nombreuses interrogations, tant doctrinales que jurisprudentielles, depuis l'entrée en vigueur de loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 : celle de l'éligibilité aux procédures collectives d'un professionnel libéral exerçant au sein d'une société professionnelle pour un passif antérieur à cette association.
Un rappel chronologique des faits permet de cerner au mieux le problème posé. En l'espèce, une avocate avait contracté un passif à l'égard de l'administration fiscale pour divers impôts impayés pour des périodes allant de 1996 à 2006 alors qu'elle exerçait sa profession à titre individuel. Par suite, celle-ci décida de s'associer au sein d'une société civile professionnelle en s'immatriculant au RCS le 24 janvier 2005.
[...] Néanmoins, les juges du quai de l'horloge conditionnent l'assignation en redressement ou en liquidation judiciaire émanant du créancier au respect du délai d'un an édicté par l'article L. 631-5 du code de commerce. Ainsi, la Cour de cassation adopte à la fois un principe général : celui de fermer la porte des procédures collectives aux professionnels libéraux associés d'une société civile, tout en prenant le soin de le tempérer dans un souci de pragmatisme Cette solution, parfaitement justifiée juridiquement, n'en est pas moins contestable sous plusieurs angles (II). [...]
[...] Cette tardiveté se solde ici par l'absence de renvoi de l'affaire. Les procédures civiles d'exécution viendront néanmoins au secours de ce créancier public pour recouvré en toute ou parti le montant de ses créances. Notons que cette application distributive n'a en soi rien d'original, les juridictions du fond ayant déjà eu à connaitre et à faire application de ce principe antérieurement à cet arrêt. Ainsi, un arrêt rendu par la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence en date du 29 mai 2008 avait pu envisager l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre d'une infirmière libérale qui avait cessé d'exercer seule pour finalement rejoindre un groupement. [...]
[...] Cette question était tout à fait déterminante puisque de cette qualification dépend la possibilité d'ouvrir une procédure collective. La solution apportée est ici très claire : un professionnel qui viendrait à s'associer et organiser son activité par le biais d'une personne morale n'agirait pas en son nom propre mais exercerait ses fonctions au nom de la société Ce principe n'a rien d'étonnant au regard du visa des articles 43 à 45 du décret du 20 juillet 1992, qui disposent entre autres que chaque associé exerce les fonctions d'avocat au nom de la société ou encore que les associés doivent consacrer à la société toute leur activité professionnelle d'avocat d'où une certaine perte de marge de manœuvre. [...]
[...] En clair, cette solution pose une règle générale : celle consistant à dire que les procédures collectives ne sont pas applicables aux professionnels libéraux qui exercent leur activité au sein d'une société. La forme sociale absorbe ici l'indépendance requise et dénote un certain danger pour les jeunes professionnels libéraux tentés de débuter ab initio au sein d'une personne morale : tel est l'enseignement principal de cet arrêt, susceptible de décourager à l'avenir le recours à l'exercice au sein d'une société. [...]
[...] Au second degré, les juges d'appel confirment l'ouverture de ladite procédure, considérant que les changements de modalités d'exercice de sa profession, à savoir le passage de l'exercice individuel à l'exercice pour le compte d'une personne morale, ne pouvaient faire obstacle à l'ouverture d'une procédure collective pour des créances antérieures à son association. La Cour d'Appel précise dans son arrêt de manière implicite que cette mutation n'entraine pas cessation de l'activité et que dès lors, l'article L. 631-2 du code de commerce lui demeure applicable. L'avocate décide alors de se pourvoir en cassation. [...]
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