L'article 2004 du Code civil prévoit « Le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble et contraindre, s'il y a lieu, le mandataire à lui remettre soit l'écrit sous seing privé qui la contient, soit l'original de la procuration, si elle a été délivrée en brevet, soit l'expédition, s'il en a été gardé minute ». Il met ainsi en avant un des caractères propres au contrat, il s'agit de la libre révocabilité. Si le mandant perd confiance ou s'il estime que la mission n'a plus lieu d'être, il peut révoquer le mandataire ad nutum. Aujourd'hui, cette révocation tend à être limitée par la jurisprudence.
Elle a ainsi réagi face à ce principe en créant le mandat d'intérêt commun, qui est une atténuation à ce principe et non une exception. On ne peut pas écarter le principe de la révocation ad nutum, car il s'agit d'un principe essentiel. On va ainsi l'aménager dans le sens qu'il est possible de révoquer le mandataire, mais cela va entrainer des conséquences pécuniaires pour le mandant.
Face à ce principe, il existe des exceptions permettant de contourner le versement de l'indemnité dans trois hypothèses, notamment par le consentement mutuel des parties, ou pour une cause légitime ou par les clauses et conditions spécificités au contrat. La mise en exergue de l'une des exceptions va être l'enjeu notamment de l'arrêt du 18 janvier 2000 rendu par la chambre commerciale.
Dans cet arrêt de de la Haute juridiction soumis à notre commentaire, la société Sarda concessionnaire Renault conclu le 21 février 1986 un mandat d'intérêt commun à durée indéterminée avec M. X « agent local », mandaté pour commercialiser les véhicules neufs et d'occasion de marque Renault dans un secteur géographique déterminé. L'article cinq de ce présent mandat prévoit que la partie qui désirerait y mettre fin devra en prévenir l'autre par lettre recommandée en respectant un préavis d'un an. Le 30 décembre 1992, la société Sarda a résilié le contrat avec effet au 30 décembre 1993.
[...] Ce n'est plus au mandataire de caractériser l'abus du mandant dans la rupture d'un mandat pour être indemnisé, il faut désormais que le mandataire établisse la légitimité des motifs de la rupture s'il ne veut pas verser de dommages et intérêts. En l'espèce, M. X invoque dans cette troisième branche l'abus de droit de la part de la société Sarda. Elle aurait démarché un autre agent pour le remplacer tout en continuant à l'obliger d'effectuer des investissements importants. La société Sarda a ainsi trompé M. X et a abusé de celui-ci dans le sens que les investissements faits à ce moment-là, s'avèrent inutilisables et irrécupérables suite à la résiliation du mandat. [...]
[...] Par son activité, le mandataire va générer une clientèle qui lui appartiendra et sera aussi celle du mandant. Dans ce cas, on considère qu'il y a intérêt commun à l'exécution du mandat entre la société Sarda et M. X lors de la création d'une clientèle commune. Par exemple, la Cour d'appel de Versailles dans un arrêt du 7 juillet 1995 rappelle qu'il y mandat d'intérêt commun lorsque la clientèle est au moins partiellement commune. En outre, la qualité de mandataire d'intérêt commun peut provenir aussi du statut de M. d'agent commercial. [...]
[...] La chambre commerciale de la Cour de cassation s'était déjà prononcée sur l'enjeu d'une clause de libre révocation prévoyant un préavis. Le 6 juillet 1993, elle avait estimé qu'il faut que la clause apparaisse comme permettant réellement la révocation unilatérale et ne se limite pas à fixer des conditions de forme et de délai du préavis de résiliation. Et également sur la renonciation tacite dans un arrêt du 3 juin 1993 où elle avait prévu la recherche de la renonciation tacite. [...]
[...] Finalement, la théorie de l'abus de droit peut traduire une limitation du droit à la libre révocation. Mais la Cour de cassation répond par la négative. La théorie de l'abus de droit permet de contourner la clause de libre révocation. Ainsi, la libre révocabilité du mandat est soumise à l'abus de droit. Une telle clause peut être stipulée dans le contrat, peut prévoir un préavis et ainsi place le mandataire dans la situation de droit commun. Dès lors, il n'obtiendra pas le versement de dommages et intérêts. [...]
[...] De plus, nous pouvons mettre en avant le fait que ce droit à indemnisation n'est pas d'ordre public, il peut être alors écarté par deux types de clauses. Une première consacrerait expressément que la révocation se fera sans indemnité. Dans l'arrêt étudié, l'absence d'une telle clause est suspecte dans un domaine où elle semble être fréquente. La deuxième est celle qui fixe dans le mandat le non renouvellement du contrat. Mais il faut ajouter que le statut des agents commerciaux a consacré légalement ce régime d'indemnisation en lui conférant un caractère d'ordre public prohibant de ce fait ces clauses. [...]
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