L'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 14 février 2006 est relatif au pouvoir souverain dont disposent les juges pour apprécier le caractère précis des questions posées par un actionnaire afin de demander la nomination d'un expert de gestion.
En l'espèce, un associé détenteur de plus de 5% des actions composant le capital d'une société a assigné ladite société ainsi que le président de son conseil d'administration devant le président du Tribunal de commerce afin d'obtenir la désignation d'un expert comptable chargé d'établir un rapport sur diverses opérations de gestion. La Cour d'appel le déboute de ses demandes. Une tierce société, qui s'est associée à la demande, forme alors un pourvoi en cassation.
La société énonce que peuvent faire l'objet d'une expertise de gestion les conditions du recouvrement de créances d'une société. C'est d'ailleurs ce que demandait l'actionnaire dans sa lettre en dénonçant les retards dans le suivi des factures clients qui mettait la société dans une position d'inquiétude et d'inconfort. Ici, comme dans les deux attendus suivants, la société reproche à la Cour d'appel d'avoir considéré que ces dénonciations n'équivalaient pas à une question suffisamment précise sur une question de gestion.
[...] Afin de réussir à aboutir à ce résultat, la Cour de cassation pose ici un principe de précision afin de rendre plus difficile l'usage de l'expertise de gestion à des fins impures. Autrement dit, la solution de l'arrêt du 14 février 2006 est clairement protecteur des dirigeants sociaux et, plus largement, de la société. II- Une solution expression de la protection des dirigeants sociaux L'arrêt du 14 février 2006 met en place une procédure des questions préalables joue un rôle de filtre non négligeable empêchant les minoritaires d'utiliser l'expertise de gestion comme arme, solution sévère, mais justifiée La procédure des questions préalables, un rôle de filtre Afin d'endiguer une utilisation abusive de l'expertise de gestion, la Cour de cassation a décidé de donner aux questions préalables un rôle de filtre. [...]
[...] Cependant il convient de noter que l'arrêt du 14 février 2006 n'est pas qu'une simple continuation de la jurisprudence antérieure. En effet, c'est la première fois que la Cour de cassation exprime aussi clairement que l'acte de gestion critiqué doit être précisément identifié. La Cour de cassation l'avait certes laissée entendre dans ses arrêts antérieurs, mais ici, la Chambre commerciale énonce clairement que l'expertise de gestion n'a pas pour vocation de remettre en cause l'ensemble de la gestion de la société. [...]
[...] De plus, il faut noter que la Cour de cassation ne s'arrête pas à son exigence de précision dans les questions posées. En effet, même si le minoritaire parvient à passer ce premier stade de contrôle, la demande d'expertise pourra encore lui être refusée s'il n'est pas en mesure de justifier une réponse insatisfaisante de la part du conseil d'administration ou du directoire et s'il ne peut pas justifier le sérieux de sa demande. Il convient de rappeler ici que l'objectif premier du législateur était d'offrir à un plus grand nombre la faculté de demander une expertise de gestion. [...]
[...] Ainsi, la Cour de cassation se montre très stricte d'autant plus que ces exigences ne résultent pas directement du texte de loi qui parle seulement de questions sur une ou plusieurs opérations de gestion Ici, la Cour de cassation se donne un pouvoir d'appréciation large : dans l'arrêt commenté, la Chambre commerciale ne met aucun frein à son pouvoir d'appréciation en ce dont elle regarde minutieusement si chaque question posée revêt un caractère général ou précis. Ainsi, tant les juges du fond que la Cour de cassation se présentent comme juges de l'opportunité de savoir s'il est nécessaire, ou non, de faire appel à une expertise de gestion. Cette position sévère de la Chambre commerciale semble s'expliquer par sa volonté d'endiguer le phénomène d'abus qu'a vu naitre l'expertise de gestion. [...]
[...] Ainsi, c'est à bon droit que la Cour d'appel a pu en déduire que la demande d'expertise de gestion ne pouvait être accueillie. Il conviendra de voir, dans une première partie, que l'arrêt du 14 février 2006 exprime clairement un principe de précision dans la manière dont l'actionnaire minoritaire pose ses questions au président du conseil d'administration ou au directoire avant de s'attarder sur l'étude, dans une seconde partie, du caractère protecteur des dirigeants sociaux de cet arrêt (II). Une solution expression d'un principe de précision L'arrêt commenté s'inscrit dans un courant jurisprudentiel constant ce qui justifie le large pouvoir d'appréciation donné au juge en la matière Une exigence de précision s'inscrivant dans une jurisprudence constante L'expertise de gestion, instaurée par la grande réforme de 1966, avait été demandée par une grande majorité de la doctrine. [...]
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