En l'espèce, en 1988, M. Oneryildiz, de nationalité turque, avait établi son habitation dans un bidonville d'Istanbul touchant un site de stockage de déchets ménagers. L'ensemble appartenait à l'État turc, lequel, en 1970, en avait concédé l'usage pour 99 ans à la mairie métropolitaine d'Istanbul. Le 28 avril 1993, une explosion de méthane s'est produite dans le site de stockage, provoquant ainsi le détachement d'ordures qui engloutirent une dizaine de taudis, dont celui de M. Oneryildiz, ce qui, par voie de conséquence, causa la mort de trente-neuf personnes, dont l'épouse, la concubine et sept des dix enfants de M. Oneryildiz.
Le 18 juin 1993, la mairie d'Istanbul a vendu à M. Oneryildiz un logement social pour un prix de 125 000 000 livres turques. Le 3 septembre 1993, M. Oneryildiz adressa à la mairie d'Umraniye, où se situait la décharge, à la mairie d'Istanbul et en même temps aux ministères de l'Intérieur et de l'Environnement une demande de réparation du préjudice matériel et moral qui lui avait causé l'explosion. Il sollicitait notamment l'allocation de la somme de 150 000 000 livres turques en réparation de la perte de son habitation et de ses biens ménagers.
[...] Par un jugement du 30 novembre 1995, le Tribunal a fait partiellement droit à la requête de M. Oneryildiz, mais le Tribunal a refusé de réparer le préjudice constitué par la perte de l'habitation. Selon la juridiction administrative, M. Oneryildiz s'était vu affecter un logement social depuis l'accident, et les autorités auraient pu détruire le logement à tout moment sans en être empêchées. M. Oneryildiz a décidé de faire appel de la décision devant le Conseil d'État, mais le 21 avril 1998, le Conseil d'État rejeta le recours formé contre le jugement du Tribunal. [...]
[...] Par conséquent le 30 novembre 2004, la grande chambre confirme la décision de la première section de la Cour du 18 juin 2002. La Cour juge que la Turquie a violé l'article 2 de la Convention pour n'avoir pas mis en place, face à une activité dangereuse, une protection adéquate propre à sauvegarder le droit à la vie et à prévenir, pour l'avenir, la réitération de tels événements. Ensuite, la Cour a établi la violation de l'article 1 du Protocole 1. [...]
[...] Mais ce n'est pas pour autant que la Cour a cessé de vouloir prouver l'existence d'un bien. Ainsi pour pouvoir établir l'existence du bien, la Cour a suivi plusieurs étapes. La Cour rappelle aussi qu'il y a bien lorsque les circonstances d'une affaire donnée, considérée dans leur ensemble, peuvent passer pour avoir rendu le requérant titulaire d'un intérêt substantiel '' ce qui est, bien sûr, protégé par l'article 1. Tout d'abord, elle a évoqué l'absence d'action des autorités publiques, ce qui de facto a laissé croire que M. [...]
[...] Cette application de la notion de bien est possible que grâce au principe d'autonomie par rapport aux systèmes des États membres. Le concept d'espérance légitime permet de savoir si nous sommes en présence ou non d'un bien. En l'espèce, la Cour en a fait une parfaite application en affirmant que l'espoir de M. Oneryildiz de se voir un jour céder le terrain sur lequel il avait érigé son habitation ne constituait en aucun cas une créance suffisante, donc il ne s'agit pas d'un bien''. [...]
[...] En adoptant toutes ces positions, la Cour tend à élargir la notion de bien. Mais voulant trop étendre cette notion, la Cour pourrait faire la substance même de la notion de bien. Une chose est sûre, c'est que désormais le droit des biens n'est plus uniquement matérialiste. Pour une chose soit qualifiée de bien, elle n'aura pas besoin d'être palpable, mais d'exister, et le bien pourra être caractérisé par le biais d'un intérêt substantiel ou du concept d'espérance légitime ; par exemple, une créance pourra être qualifiée de bien. [...]
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