Jusqu'en 1994 le système pénal français n'admettait qu'une seule responsabilité, celle des personnes physiques, ce qui était la conséquence du principe de personnalité des peines. Il était donc impossible d'engager des poursuites à l'encontre des personnes morales. La responsabilité des dirigeants était devenue insuffisante face à l'importance croissante des personnes morales et de la criminalité d'affaire qui en découlait ; d'où l'admission de la responsabilité des personnes morales par le nouveau code pénal de 1994.
Il n'est pas douteux que l'Etat possède à l'encontre des personnes morales, des raisons légitimes d'intervenir, c'est ce qu'il fit en 1994 avec l'article 121-2 du code pénal. Ce dernier pose une limite contraignante concernant les collectivités territoriales et leurs groupements.
Il en a ainsi été question dans un arrêt en date du 6 avril 2004 de la chambre criminelle de la cour de cassation dans une affaire d'homicide involontaire suite à une mauvaise organisation des points de ramassage scolaire. Dans cette affaire, le président du conseil général du département de l'Orne avait décidé de maintenir un point de ramassage scolaire non signalé dépourvu d'abri, qui se trouvait à proximité d'un carrefour dangereux alors qu'à 400 mètres de ce point de ramassage, un autre point pouvait présenter toutes les garanties nécessaires au ramassage scolaire. Le président du conseil général s'était vu confier l'exécution du service public de transport scolaire par convention de la part du département. La conséquence de ce choix a été la provocation d'un accident mortel.
La cour d'appel de Caen dans un arrêt en date du 26 février 2003 a condamné le département de l'Orne à une amende de 5000 euros pour homicide involontaire. Un pourvoi a été formé par la collectivité territoriale.
La question réside ici dans le fait de savoir si l'organisation des transports scolaires est susceptible de faire l'objet d'une délégation de service publique ce qui implique dans ce cas envisager la responsabilité pénale de la personne morale ?
La chambre criminelle de la cour de cassation a répondu à cette question en affirmant que ce n'était pas possible. Pour motif, elle invoque le fait que les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet d'une délégation de service publique. Or ici, l'organisation du service des transports scolaires n'est pas susceptible d'une délégation car elle relève du département, et ce, même i l'exploitation du service est quant à elle susceptible de faire l'objet d'une délégation de service public. C'est pourquoi le département de l'Orne ne pourra pas être poursuivi pénalement.
Le champ d'application de la responsabilité pénale des personnes morales (I) n'étant pas uniforme, il convient de le préciser car il existe certaines limites à ce principe (II).
[...] La délégation de service public comprend plusieurs critères constitutifs. Pour savoir si l'activité qui a fait l'objet d'une délégation de service public était bien une activité de service public, on se réfère a deux critères : le monopole (celui ci constitue une prérogative de puissance publique) ainsi que la notion d'intérêt général. Ensuite, le lien de délégation doit être démontré. Les activités susceptibles de faire l'objet d'une délégation de service public sont donc celles qui ne mettent pas en œuvre des prérogatives de puissance publique mais relèvent du pouvoir de gestion des collectivités : transport public, distribution d'eau, gestion d'un musée, exploitation d'un théâtre ces activités peuvent être gérées directement par la collectivité territoriale en régie ou déléguées à une entreprise privée. [...]
[...] Il faut que les agissements aient été commis dans l'intérêt de la personne morale. Cet intérêt peut être économique, ou dans le but de réaliser une économie. La responsabilité pénale des personnes morales peut être engagée dès lors que l'infraction est commise par un organe ou un représentant de celle-ci agissant dans le cadre de ses fonctions, au nom de la personne morale, dans la direction ou l'administration de celle-ci. Par contre la responsabilité pénale de la personne morale ne saurait être engagée pour les infractions commises par son représentant si celui-ci agit, même dans le cadre de ses attributions, dans son intérêt personnel ou dans celui d'un tiers. [...]
[...] Or ici, l'article L213-11 du code de l'éducation énonce que le département a la responsabilité de l'organisation et du fonctionnement des transports scolaires En conséquence, d'après cet article, l'organisation des transports scolaires ne peut pas faire l'objet d'une délégation de service publique. Ainsi la responsabilité du département pourra être exclue même si on peut retenir à son encontre de nombreuses fautes précédemment citées (imprudence, négligence, et manquement à une obligation de sécurité). Il est intéressant de noter que la cour de cassation, dans notre arrêt du 6 avril 2004, établie une distinction entre l'organisation et l'exploitation du service des transports. [...]
[...] Il existe certains cas spécifiques : ainsi, les collectivités territoriales et leurs groupements sont irresponsables pénalement lorsqu'ils commettent des infractions à l'occasion d'activité mettant en œuvre des prérogatives de puissance publique. En effet, ces activités ne sauraient faire l'objet d'une délégation à une personne privée. C'est le cas par exemple du maintient de l'ordre et de la sécurité publique, ou encore du service de l'enseignement public (crim décembre 2001) qui ne sont pas susceptibles de conventions de délégation de service public. Par conséquent, en cas d'accidents, seuls les personnels et dirigeants de la collectivité publique pourront faire l'objet de poursuites le cas échéant. [...]
[...] Il était donc impossible d'engager des poursuites à l'encontre des personnes morales. La responsabilité des dirigeants était devenue insuffisante face à l'importance croissante des personnes morales et de la criminalité d'affaire qui en découlait ; d'où l'admission de la responsabilité des personnes morales par le nouveau code pénal de 1994. Il n'est pas douteux que l'Etat possède à l'encontre des personnes morales, des raisons légitimes d'intervenir, c'est ce qu'il fit en 1994 avec l'article 121-2 du code pénal. Ce dernier pose une limite contraignante concernant les collectivités territoriales et leurs groupements. [...]
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