Conformément à la théorie générale des contrats, le bail se forme lorsque le bailleur et le preneur s'accordent sur les éléments essentiels.
Cependant, les parties peuvent décider de recourir à un processus plus complexe de formation du contrat. En effet, ils peuvent conclure un contrat préparatoire au bail, notamment une promesse synallagmatique de bail.
C'est sur ce point que la troisième chambre civile de la Cour de Cassation a statué au terme d'un arrêt rendu le 20 mai 1992.
En l'espèce, les époux Waymel, propriétaires de terres, ont cédé, dans un même acte signé le 30 juin 1981, les principaux éléments de leur exploitation et se sont engagés par une promesse de bail à donner en location dans le cadre d'un bail de 21 ans diverses parcelles à M. Melis.
Le bénéficiaire de la promesse est effectivement entré dans les lieux. Cependant, suite au décès des promettants, leurs héritiers (les consorts Waymel-Bajeux) lui ont délivré, le 25 mars 1988, congé aux fins de reprise pour le 30 septembre 1990.
Les héritiers invoquaient que les stipulations de l'acte de cession constituaient un commencement de preuve par écrit, ce qui permettait de déduire le caractère verbal du bail dont la durée était celle du droit commun, c'est-à-dire de 9 ans.
La Cour d'Appel de Douai, au terme d'un arrêt rendu le 28 septembre 1990, a jugé que M. Mélis est titulaire d'un bail de 21 ans à compter du 30 juin 1991, c'est-à-dire à compter de la signature de la promesse de bail. En effet, elle retient qu'il y a eu échange des volontés, donc formation du bail, dès la signature de l'acte de cession d'exploitation. Par conséquent, elle annule le congé pour reprise délivré au preneur.
Ainsi, la promesse synallagmatique de bail vaut-elle bail, par analogie avec les dispositions de l'article 1589 du Code Civil applicable en matière de vente ? La signature d'un acte authentique est-elle nécessaire à la formation du bail ?
Au terme d'un arrêt rendu le 20 mai 1992, la troisième chambre civile de la Cour de Cassation a jugé que les parties peuvent conclure une promesse synallagmatique de bail, qui vaut bail par analogie avec les dispositions de l'article 1589 du Code Civil applicable en matière de vente. Puisque la promesse de bail prévoyait l'ensemble des conditions du bail et la durée de 21 ans, qu'elle n'imposait pas l'établissement ultérieur d'un acte authentique et que les parties avaient effectivement effectué leur engagement de donner à bail les terres, le bail est formé.
L'article L.411-11 du Code Rural n'est pas applicable en l'espèce car les éléments essentiels du bail ont été portés dans un acte écrit. Par conséquent, le bail étant conclu pour une durée de 21 ans, le congé délivré par les héritiers n'est pas valable.
Tout d'abord, nous verrons que la Cour de Cassation affirme une équivalence empruntée au droit commun de la formation des contrats : la promesse de bail vaut bail (I).
Par ailleurs, il y a une interdépendance entre la force obligatoire et le consensualisme (II).
[...] La formation du bail rural est soumise, en principe, à aucune exigence de forme, ce qui est confirmé par l'article 1714 du Code Civil, lequel dispose qu'on peut louer par écrit ou verbalement. Ainsi, la Cour de Cassation rappelle donc, au terme de cet arrêt, le caractère consensuel du bail. Le seul échange des consentements entre le bailleur et le preneur sur l'objet du contrat (Cass., civ.I mai 1995), le loyer et la durée suffit à la formation du bail. Nécessaire, cet accord est donc suffisant. [...]
[...] En l'espèce, l'acte de cession signé par les parties comportait les éléments constitutifs du bail : les parcelles louées, objet du contrat, le montant du fermage et la durée de location. Par conséquent, les parties se sont engagées définitivement au bail pour une durée de 21 ans pour cet acte de cession. Il ne s'agit donc pas d'un commencement de preuve par écrit. On ne peut donc pas conclure qu'il s'agit, en l'espèce, d'un bail verbal dont la durée serait celle de 9 ans (durée de droit commun). Puisque l'acte de cession fixait des éléments essentiels du bail, il n'était pas nécessaire de prévoir l'établissement ultérieur d'un acte authentique. [...]
[...] Ainsi, elle juge donc que l'accord des parties sur les 3 éléments essentiels du bail est nécessaire mais surtout suffisant. C'est une conséquence du consensualisme. De ce fait, la rédaction d'un acte authentique n'est pas une condition d'existence du bail rural. La formation du contrat de bail n'est soumise à aucune condition de forme. Que les parties aient prévu la signature ultérieure d'un acte authentique, dans le but de réitérer leur accord, ne change rien quant à la formation du bail. [...]
[...] Par conséquent, le congé délivré par les héritiers n'est pas valable A - L'inapplicabilité de l'article L.411-4 du Code Rural, une conséquence de la formation du contrat de bail En l'espèce, les héritiers invoquaient que les stipulations de l'acte de cession constituaient un commencement de preuve par écrit, ce qui permettait de déduire l'existence d'un bail verbal dont la durée est celle du droit commun, c'est-à-dire 9 ans et non 21 ans. En effet, ils demandent l'application de l'article L. 411-4 du Code Rural, lequel dispose que les contrats de baux doivent être écrits et à défaut d'écrits les baux conclus verbalement sont censé fait pour 9 ans aux clauses et conditions fixées par le contrat-type établi par la commission consultative de baux ruraux. Par formalité, le bail rural peut donc être conclu verbalement. [...]
[...] Par ailleurs, il convient de préciser que l'obligation de rédiger un acte authentique pour les baux d'une durée supérieure à douze ans a pour seule vocation de procéder de formalité de publicité et de rendre le bail opposable au tiers. Enfin, cet arrêt a été confirmé au terme d'un arrêt rendu par la 3ème Chambre civile de la Cour de Cassation le 28 mai 1997, ce qui laisse présager que cet arrêt fasse l'objet d'une jurisprudence constante. [...]
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