Le contrat d'entreprise est un genre qui recouvre des espèces hétérogènes. Il renvoie à l'ancien « louage d'ouvrage » tel que le qualifie encore le Code civil en ses articles 1779 et suivants, dont il est la version moderne et diversifiée.
Pour certains auteurs, ce contrat est devenu la « bonne à tout faire » des contrats spéciaux ; toute activité ou presque tendrait à devenir entreprise.
En règle générale, l'entrepreneur exécutera lui-même la totalité de l'ouvrage qui lui a été confié. Il répondra alors des personnes qu'il emploie (1797), salariés ou collaborateurs indépendants. Cette situation ne soulève aucune difficulté particulière.
Les relations sont plus complexes lorsque l'entrepreneur recourt à la sous-traitance.
En l'espèce, la société Bilfinger chargée en sous-traitance de la réalisation de certains travaux de gros œuvre a confié, de par un bon de commande en date du 3 juin 2003 et un avenant du 23 octobre suivant, la préfabrication de divers éléments à une autre société, la société Remax.
Considérant la violation de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, cette dernière a fait assigner la société chargée des travaux de gros œuvre en nullité du contrat et se son avenant, ainsi qu'en paiement du coût des travaux réalisés.
La société Bilfinger conteste de son côté l'existence d'un lien de sous-traitance et demande le paiement de diverses sommes au titre de malfaçons affectant les ouvrages, et de préjudice commercial.
Dans un arrêt du 31 janvier 2008, la cour d'appel de Colmar accueille la demande du sous-traitant (société Remax) et écarte celle de l'entrepreneur principal (société Bilfinger).
Ce dernier va alors se pourvoir en cassation selon deux moyens ; le premier tient à la qualification du contrat, qui serait un contrat de vente, et le second relève des indemnisations consécutives à l'action en nullité.
Le pourvoi va être rejeté par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans l'arrêt d'espèce du 18 novembre 2009.
Dans un premier temps la Cour de cassation va en ce sens considérer que la multiplicité des données à prendre en compte, « le travail spécifique nécessitant une adaptation constante aux exigences des plans de fabrication conçus pour la seule exécution des éléments destinés au chantier » qu'avait constaté la cour d'appel, suffit à caractériser l'existence d'un contrat de sous-traitance, et donc un contrat d'entreprise, au détriment d'un contrat de vente, tel que l'invoquait la société Bilfinger.
Dans un second temps, la Cour de cassation va s'attacher à répondre à la question des préjudices subis et considérer que « la nullité rétroactive du sous-traité interdisait à l'entrepreneur principal de revendiquer un préjudice du fait de la rupture unilatérale du contrat et qu'en conséquence de cette nullité, le sous-traitant était en droit de solliciter le paiement de la contre valeur des travaux qu'il avait réalisés »
Comment le contrat d'entreprise se distingue-t-il du contrat de vente, et pour quels aboutissements ?
Quelles sont les conséquences de la nullité d'un sous-traité ?
[...] En particulier, comme le contrat de vente, le contrat d'entreprise peut emporter transfert de propriété d'un bien. Le critère de distinction relève du critère de l'existence d'un travail spécifique réalisé par le fournisseur ; ce qui permet en l'espèce à la Cour de cassation de conclure à l'existence d'un contrat de sous-traitance et ainsi d'en appliquer le droit commun A. La distinction entre le contrat d'entreprise et le contrat de vente : la spécificité du travail en tant que critère majeur Selon Pascal Puig, à l'inverse de la vente qui constitue un instrument de circulation des richesses, l'entreprise est un instrument de création de richesses nouvelles. [...]
[...] La chambre mixte de la Cour de cassation, par un arrêt du 9 juillet 2004 a arbitré la controverse en prononçant que la partie de bonne foi au contrat de vente annulé peut seule demander la condamnation de la partie fautive à réparer le préjudice qu'elle a subi en raison de la conclusion du contrat de vente annulé ; deux conditions doivent donc être réunies pour que l'auteur du dommage doive réparer ce dommage consécutif à l'action en nullité : sa faute et la bonne foi du cocontractant. En l'espèce, s'il est possible de révéler dans le comportement du sous- traitant une faute, par le fait d'avoir conclu un contrat non garanti par un cautionnement, la bonne foi de l'entrepreneur ne pouvait néanmoins pas être déterminée. [...]
[...] La possibilité ici octroyée au sous-traitant ne serait donc qu'une réponse apportée à la faute de l'entrepreneur principal. ( La Cour de cassation ne se contente pas de refuser à l'entrepreneur toute indemnisation ; elle accorde de plus au sous-traitant le droit de solliciter le paiement de la contre-valeur des travaux qu'il avait réalisés B. Le droit du sous-traitant d'obtenir le paiement des travaux : l'application de l'article 1382 du Code civil Selon le moyen soulevé par le demandeur au pourvu, la société sous- traitante n'était pas fondée à invoquer la nullité du contrat tout en s'en prévalant corrélativement pour demander le paiement des travaux effectués, sauf à exiger l'exécution d'un contrat nul. [...]
[...] Commentaire d'arrêt : Cass.civ. 3e novembre 2009 : Le contrat d'entreprise Le contrat d'entreprise est un genre qui recouvre des espèces hétérogènes. Il renvoie à l'ancien louage d'ouvrage tel que le qualifie encore le Code civil en ses articles 1779 et suivants, dont il est la version moderne et diversifiée. Pour certains auteurs, ce contrat est devenu la bonne à tout faire des contrats spéciaux ; toute activité ou presque tendrait à devenir entreprise. En règle générale, l'entrepreneur exécutera lui-même la totalité de l'ouvrage qui lui a été confié. [...]
[...] 442-6 du Code de commerce et de la notion de rupture abusive de relations commerciales établies, que la jurisprudence tend à se prononcer dans le sens du caractère délictuel et non pas contractuel de l'action en réparation du préjudice né d'une telle rupture, comme cela avait été envisagé dans un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation le 6 février 2007 ; cette jurisprudence n'est-elle pas transposable au présent cas d'espèce ? Références bibliographiques : Précisions sur les conséquences de la nullité du contrat de sous-traitance, A.-S. Choné. Responsabilité consécutive à la nullité du sous-traité, F. Rouvière Contrat d'entreprise, contrat de vente : quelle frontière ? [...]
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