Si le législateur combat souvent la jurisprudence, il arrive parfois qu'il la consacre. En effet les conditions de validité des clauses d'inaliénabilité étaient au commencement les fruits de la jurisprudence. Le législateur a codifié cette jurisprudence par la loi du 3 juillet 1971.
L'arrêt à commenter, première chambre de la cour de cassation, du 16 février 1953 est relatif aux clauses d'inaliénabilité notamment à la validité de ces clauses et à leurs effets.
Le 1er septembre 1928 un acte est signé entre François Fengas et M. Ladonsse.
François Feugas est propriétaire d'un domaine nommé le « domaine de l'enfant » et désire le vendre à M. Ladonsse. Ce dernier veut acquérir un domicile électoral dans cette commune compris dans le domaine de François Fengas. Un contrat de vente va être conclu entre M. Feugas et M. Ladonsse.
L'acte de vente porte une clause d'inaliénabilité à l'acquéreur, M. Ladonsse de ne pas édifier une construction, de le louer à une autre personne qu'au vendeur (François Fengas). L'acquéreur peut le vendre si ce n'est au vendeur ou à ses héritiers au même prix.
Mme Feugas assigne les époux M. Lample pour récupérer le terrain du domaine de l'enfant et la démolition de la construction. Les époux Feugas considèrent que l'acte de vente du 1er septembre 1948 est valable, car la clause d'inaliénabilité est valable, car les deux conditions de la clause sont remplies. Pour les défendeurs, les époux Lampe, le contrat de vente du 1er septembre 1948 est nul car une des conditions de la clause d'inaliénabilité n'est pas remplie.
La Cour d'Appel a relevé que François Feugas à été déclaré en faillite le 23 janvier 1935. Cette même année, il y a séparation des biens entre M. et Mme Feugas. Leur patrimoine est séparé.
Les époux Lample se sont rendus adjudicataire du domaine dans un jugement du 17 mars 1936, suite à la liquidation judiciaire de M. Fengas un an auparavant.
Le cahier des charges ne fit mention d'aucune réserve du domaine.
Le 23 juin 1944, Mme Feugas s'est fait consentir personnellement par M. Ladonsse la vente du terrain. M. Ladonsse se croit propriétaire du domaine, mais en réalité le domaine est la propriété des époux Lample. Ces derniers ont construits sur le terrain immobilier.
Les époux Feugas, et plus précisément Mme Feugas, revendiquent ce terrain et veulent la démolition de la construction. Ils vont en justice.
La Cour d'Appel de Pau, le 20 janvier 1948 a déclaré que l'acte du 1er septembre 1928 est d'une nullité absolue, car l'acte contient une clause d'inaliénabilité litigieuse. De ce fait ce domaine est resté dans le patrimoine de Fengas. Il n'y a pas eu de transfert de propriété le 1er septembre 1928. Lors de la faillite de M. Fengas, la théorie de la confusion du patrimoine, a transféré le bien immobilier de ce dernier aux adjudicataires, les époux Lample.
La Cour d'Appel déboute les époux Feugas de sa prétention de récupérer le domaine car la vente du 1er septembre est nulle. Les deux conditions de validité de la clause d'inaliénabilité ne sont pas remplies.
La Cour de Cassation, le 16 février 1953, confirme l'arrêt de Cour d'Appel, en précisant que Mme Feugas, la demanderesse au pourvoi n'a aucun intérêt à faire cette demande, vu qu'elle est séparée judiciairement de M. Feugas. De plus en ce qui concerne la validité de la clause d'inaliénabilité, la Cour précise que si une des conditions n'est pas remplie l'autre est automatiquement dépourvue de conséquences.
Le problème juridique est de savoir quels sont les effets de la non validité d'une clause d'inaliénabilité sur un contrat de vente ?
Une clause d'inaliénabilité a pour objet de limiter la circulation des richesses pendant un temps déterminé et pour une juste cause. Cette clause pour être valide est soumise à des conditions (I). Cette clause a également des effets importants concernant le transfert de propriété (II).
[...] En droit public le droit de propriété a aussi été reconnu comme une valeur constitutionnelle le 16 janvier 1982. Le principe est la libre circulation des biens. L'adoption d'une clause d'inaliénabilité relève a priori de la liberté contractuelle. Cependant cette dernière a toujours été limitée par les impératifs de l'ordre public (Article 6 du code civil) et l'inaliénabilité conventionnelle heurte les principes essentiels. Elle est contraire à la libre disposition des biens qui constitue une prérogative essentielle du propriétaire (Article 544 du code civil) Elle méconnaît la règle selon laquelle les restrictions à cette liberté de disposer ne peuvent être établies que par la loi (Article 537 du code civil). [...]
[...] Cette période est définie et réglementée par le code de commerce. Pendant cette période suspecte qui s'étend de la date de la cessation de paiement à la date du jugement de liquidation judiciaire, tout acte est déclaré suspect. C'est-à-dire qu'on présume l'intéressé coupable de cacher des biens, de les faire disparaître de son patrimoine pour qu'il ne puisse pas être liquidés lors de la liquidation judiciaire. Si la clause était valable, le bien aurait été transféré au patrimoine de M. [...]
[...] Ayant inséré une clause illicite dans son contrat de vente, Mr Feugas doit être sanctionné. Cet article, à ses débuts ne concerne que les contrats à titre gratuit, tels que les donations. Le domaine de cet article a été agrandi au domaine de des contrats à titre onéreux comme la vente. La sanction d'une telle clause est la nullité absolue de la convention. C'est une nullité d'ordre publique. Dans cet arrêt, les juges de la Cour de Cassation ont loupé une étape En effet, ils n'ont pas précisé que pour annuler un contrat en totalité, il faut que la clause soit impulsive et déterminante. [...]
[...] Les juges du fonds considèrent que la première condition n'est pas remplie. Et c'est à juste titre que les juges de la Cour de Cassation confirme la position de la Cour d'Appel : l'immeuble est frappé d'une indisponibilité dans le temps Cette indisponibilité signifie que l'acquéreur de cet immeuble ne pourra jamais le vendre ou construire sur ce terrain. Ce qui est contraire au principe de circulation des richesses. Le régime de la propriété serait alors trop gravement altéré. La prohibition se prolongerait toute la durée de la vie du propriétaire. [...]
[...] La Cour de Cassation précise que M. Feugas a été condamné. La nullité de la vente est bien sa sanction de l'irrégularité de sa clause. La clause rend nulle l'aliénation qui l'a méconnue. Au moment de la liquidation judiciaire rendu par le jugement du 23 janvier 1935, le domaine de l'enfant est toujours dans le patrimoine de M. Feugas. Un jugement du 17 mars 1936 ordonnera la vente de son patrimoine pour recouvrir son passif. Le domaine de l'enfant va par conséquent être vendu lors de ce jugement d'adjudication aux époux Lample. [...]
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