L'arrêt rendu le 11 juin 1996 par la première chambre civile de la cour de cassation apporte, en faisant peser lors de l'exécution du contrat un devoir d'information et de conseil sur les contractants, un nouvel argument aux auteurs qui prônent une vision solidaire du contrat.
En l'espèce un syndicat de copropriétaires souscrit auprès d'une société le 30 mars 1982 un contrat de fourniture de chauffage et de maintenance des installations. La société n'ayant informé le syndicat de l'existence un nouveau tarif plus avantageux offert par Gaz de France que le 15 octobre 1987 alors qu'il existait depuis septembre 1985 et qu'elle-même l'avait souscrit à partir du 1er avril 1986, le syndicat engage une action en responsabilité contre la société et réclame une somme correspondant à l'économie qu'il aurait réalisée si ce nouveau tarif avait été appliqué. Le syndicat est débouté de sa demande par la cour d'appel au motif que ne pesait pas sur la société l'obligation d'informer son cocontractant de l'existence d'un nouveau tarif. La Cour de Cassation devait donc répondre à la question de savoir s'il existe, même en l'absence de toute indication expresse dans le contrat, un devoir d'informer et de conseiller son cocontractant. La Cour de Cassation censure, au visa de l'article 1134 alinéa 3, l'arrêt rendu par la cour d'appel en retenant que « la société chargée par ses clients d'exploiter leur installation de chauffage et de fourniture d'eau chaude était tenue de le faire au mieux de leurs intérêts et, en conséquence, de les informer de toute possibilité de modification favorable des tarifs de Gaz de France » et « qu'en manquant à cette obligation pendant plus d'un an et demi, la société n'a pas satisfait à son devoir d'information et de conseil ».
La Cour de Cassation interprète donc de façon extensive la notion de bonne foi (I), ce qui nous amène à replacer l'arrêt dans une perspective plus générale pour se demander si la Cour de Cassation ne se dirige pas vers une consécration de la théorie solidariste (II).
[...] II/ Vers un avènement du solidarisme contractuel ? La théorie du solidarisme contractuelle, qui se trouve illustrée dans cet arrêt, fait dans quelques arrêts une percée remarquée mais il convient de nuancer le phénomène, et surtout s'arrêter sur les incertitudes qu'elle engendre la percée jurisprudentielle de la théorie Dans cet arrêt le contrat est vu comme un instrument actif de collaboration pour que le syndicat puisse retirer du contrat toute l'utilité qu'il était en droit d'attendre. Cette vision du contrat est conforme à celle qu'appellent de leurs vœux les tenant de la vision solidariste. [...]
[...] La cour de cassation va même plus loin en faisant peser sur les contractants une obligation de conseil : il ne s'agit pas seulement de communiquer une information en laissant au cocontractant le soin d'en tirer les conséquences, mais d'en tirer les conséquences à sa place, en un mot de protéger ses intérêts. la nécessaire prise en compte des intérêt du cocontractant Le devoir de conseil, qui implique de protéger les intérêts de son cocontractant, implique dans les contrats synallagmatiques, du fait de l'interdépendance des obligations, que le contractant qui est tenu d'un devoir de conseil intègre les intérêts de son cocontractant dans l'exécution de son obligation. Selon la nature du contrat cette prise en compte des intérêts du cocontractant peut avoir une importance diverse. [...]
[...] Certes cette jurisprudence de la Cour de Cassation sur l'obligation d'information et de conseil, pour être relativement récente, n'est pas non plus une nouveauté, et nul n'est censé ignorer la loi. Mais le problème réside dans le fait que, bien que s'appuyant sur une loi, ces obligations relèvent d'une interprétation par le juge de cette loi, interprétation qui n'est ni absolue ni éternelle. Et l'on peut craindre qu'il en résulte pour le contractant une certaine insécurité juridique du fait qu'il puisse avoir des difficultés à discerner si, dans le contrat qu'il conclu, tel ou tel élément relèveront ou non d'une obligation d'information ou de conseil, ou de toute autre obligation que la bonne foi est susceptible, selon l'interprétation qu'en a le juge, d'engendrer. [...]
[...] une interprétation extensive de la notion de bonne foi L'article 1134 alinéa 3 du Code Civil dispose que les conventions doivent être exécutées de bonne foi. De cet article la Cour de Cassation tire un devoir d'information et de conseil qui implique une nécessaire prise en compte des intérêts du cocontractant l'existence d'un devoir d'information et de conseil La cour d'appel avait refusé de retenir la responsabilité de la société chargée d'exploiter les installations de chauffage et de fourniture d'eau chaude dans la mesure où il n'était fait nulle mention dans le contrat d'une obligation d'informer le syndicat au cours de l'exécution du contrat de l'existence d'un tarif plus avantageux. [...]
[...] C'est pourtant ce qu'a décidé la Cour de Cassation dans un arrêt du 27 juin 1995 en décidant qu'un prêteur doit mettre en garde l'emprunteur sur l'importance de l'endettement qui va résulter du prêt, cette solution revenant en fait à ce que le prêteur déconseille à l'emprunteur de souscrire le prêt, ce qui semble contraire à l'intérêt du prêteur. La différence mise en lumière par la doctrine entre les contrats- organisation et les contrats-échange trouve dans cette optique toute son intérêt : en effet s'il paraît souhaitable dans les contrats-organisation d'imposer aux contractants de prêter attention aux intérêts de leurs cocontractants puisque, par exemple dans les contrats de distribution, les parties aux contrats ont des intérêts convergents, une telle obligation peut difficilement trouver sa place sans les contrats-échange où les intérêts des contractants sont divergents. [...]
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