Responsabilité collective, charge de la preuve, lien de causalité, présomption de faute, causalité alternative, détermination, condamnation in solidum
En l'espèce, une jeune femme a développé une tumeur du col utérin, tumeur qu'elle estime liée à la prise, par sa mère pendant la grossesse, de l'hormone de synthèse du diéthylstilbestrol. Cette molécule était fréquemment prescrite aux femmes à la grossesse difficile. Elle fut commercialisée, à l'époque, par deux laboratoires pharmaceutiques différents : par UCB Pharma qui nomma son produit le Distilbène ® et par Novartis qui nomma le sien Stilboestrone Borne ®.
La fille assigne en responsabilité les deux sociétés en réparation du préjudice subi. Après jugement en première instance, la cour d'appel est saisie. Celle-ci déboute la requérante. Elle estime que les laboratoires ayant tous deux commercialisé la molécule à l'origine du dommage (fait non contesté donc), il ne peut y avoir indemnisation au titre d'une action collective, qui condamnerait les deux sociétés in solidum. En effet pour elle, le dommage subi par la victime n'est d'une part pas en relation directe avec la mise sur le marché des produits, d'autre part aucune preuve n'est rapportée sur l'administration par l'une ou l'autre des sociétés de la molécule à la mère de la victime.
[...] Cour de cassation, 1re chambre civile septembre 2009, n° 08-16.305 - Peut-on indemniser une victime si l'auteur du dommage n'est pas déterminé, mais figure parmi une pluralité d'auteurs potentiels déterminés ? Qui a dit qu'un mélange entre responsabilité individuelle et responsabilité collective était impensable au visa de l'article 1315 du Code civil ? C'est pourtant ce que la première chambre civile de la Cour de cassation a reconnu dans l'arrêt du 24 septembre 2009. En l'espèce, une jeune femme a développé une tumeur du col utérin, tumeur qu'elle estime liée à la prise, par sa mère pendant la grossesse, de l'hormone de synthèse du diéthylstilbestrol. [...]
[...] Pour autant, il serait impossible de déterminer si, pour chacune des victimes, l'origine de leur dommage provient du même fait. Appliquer la causalité alternative viendrait donc à engager la responsabilité de l'auteur présumé, la victime n'ayant à prouver qu'elle souffre du même type de préjudice que celui créé par l'activité du défendeur sur une autre victime. La Cour de cassation refuse pour l'instant de reconnaître ce type de causalité alternative, qui reviendrait à reconnaître deux fictions ajoutées, et qu'il semble nécessaire d'encadrer dans des limites étroites. [...]
[...] Reconnaître l'application d'un tel mécanisme en l'espèce est difficile et parait assez inadapté. La situation est clairement différente de la responsabilité collective : dans ces cas, chacun des auteurs a clairement joué un rôle dans le déroulé du dommage à l'origine du préjudice de la victime. Or ici, les laboratoires exerçant de surcroit une activité concurrente et difficilement commune, ils n'ont pas pu collectivement conduire au préjudice de cette victime. Ici, le préjudice est imputable à une seule personne indéterminée, parmi plusieurs déterminées. On nomme cette situation « causalité alternative ». [...]
[...] La justification de cette fiction trouve sa source dans la situation inverse : en effet, si le juge décide de ne pas la reconnaître, la victime n'aura droit à aucune réparation pour un dommage qu'elle a effectivement subi. Pourquoi donc un tel choix et non l'inverse ? Cette jurisprudence inauguratrice a été appliquée à d'autres cas en santé. Ainsi, dans le cas d'une infection nosocomiale qui a pu être contractée dans plusieurs établissements, aucune certitude n'existant sur lequel de ces établissements, la cour a permis l'indemnisation de la victime d'être indemnisée au titre de la causalité alternative. [...]
[...] Il est difficile, d'un point de vue de la justice, de débouter totalement la victime de toute réparation, tout ceci établi. Il faut donc, pour la Cour de cassation, trouver un autre type de causalité sur lequel se baser. L'affirmation de la causalité alternative par la présomption Après avoir écarté l'application d'une causalité commune, la Cour choisit d'appliquer la causalité alternative. Une fois affirmé que la molécule est « la cause directe de la pathologie tumorale », « il appartenait alors à chacun des laboratoires de prouver que son produit n'était pas à l'origine du dommage ». [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture