Dans un arrêt de principe du 13 octobre 1998, la première Chambre civile de la Cour de cassation avait déjà admis « que la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls » à propos d'un contrat liant une clinique à un médecin. Cette remise en cause du caractère judiciaire de la résolution du contrat pour inexécution a été reprise le 20 février 2001, dans le présent arrêt, par la même Chambre qui ajouta que : « peu important que le contrat soit à durée déterminée ou indéterminée ».
La société Europe expertise avait confié, pour une durée de trois ans à compter du 25 septembre 1995, à un expert en automobiles, la réalisation d'expertises préalables à la reprise par le constructeur de tous les véhicules sur lesquels avaient été consentie une vente avec faculté de rachat à un loueur professionnel. Cette société avait « résilié » leur convention dès le 25 octobre 1995 en reprochant à l'expert de ne pas avoir exécuté personnellement le contrôle des opérations d'expertise et surtout de ne pas les avoir réalisées en respectant les règles de l'art.
En première instance, l'expert réclamait à la fois une indemnisation des conséquences de la rupture unilatérale et le paiement des prestations fournies avant celle-ci. Débouté de sa demande, il interjette appel et succombe au motif du manquement à ses obligations contractuelles qui, selon la cour d'appel, était de nature à entraîner la rupture prématurée et unilatérale du contrat qui l'unissait à la société Europe expertise. L'expert forma alors un pourvoi en cassation et obtint gain de cause.
Est-il possible de résilier unilatéralement un contrat à durée déterminée au motif d'une inexécution des obligations de la partie cocontractante ?
La Cour de cassation retint que la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, peu important que le contrat soit à durée déterminée ou non.
La consécration jurisprudentielle du principe de résiliation unilatérale des contrats à durée déterminée (I) nécessite un certain encadrement afin d'éviter les risques de ruptures abusives (II).
[...] Cette position jurisprudentielle contra legem attribue ainsi, à une partie, une faculté qui a été qualifiée de privilège du préalable voire de pouvoir exorbitant du droit commun par la doctrine. En effet, ce pouvoir a des conséquences importantes en ce qu'il renverse le rôle des parties. Il n'appartient plus à celui qui veut mettre fin au contrat de saisir préalablement le juge pour obtenir une résolution judiciaire. C'est à l'autre partie qu'il incombe de saisir le juge pour la contester. [...]
[...] L'article 1134 du Code civil exprime le principe de la force obligatoire du contrat : les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites L'accord des volontés est par lui-même créateur d'obligations. C'est l'application de l'adage pacta sunt servanda, qui impose le respect de la parole donnée. Deux possibilités sont alors envisageables pour annuler le contrat. La résolution judiciaire L'article 1184 du Code civil pose l'obligation selon laquelle la résolution doit être demandée en justice Le recours au juge a pour but d'éviter les abus dans la résolution de contrat synallagmatique. [...]
[...] Cette faculté est traditionnellement justifiée par le lien de confiance existant entre les parties contractantes. En ce qui concerne les contrats à durée indéterminés, la résiliation unilatérale est admise comme principe et repose sur la prohibition des engagements perpétuels. L'alignement de la position française sur les dispositions internationales et les droits étrangers Cependant, au-delà de ces hypothèses, le droit français refusait en principe la résiliation unilatérale des contrats à durée déterminée. Il est intéressant de constater que cette position française était pour le moins isolée. [...]
[...] Afin de protéger le débiteur contre un risque d'abus, il est assez tentant d'exiger du créancier qu'il démontre des manquements d'une particulière gravité, mettant directement en péril ses intérêts. Cependant, il s'agit théoriquement là d'une précaution inutile du fait de l'existence même du contrôle judiciaire a posteriori. Depuis l'arrêt du 13 octobre 1998, l'appréciation de la gravité du comportement revient aux tribunaux. Cependant, la question des pouvoirs respectifs de la Cour de cassation et des juges du fond n'était pas réglée. [...]
[...] Dans le même ordre d'idée, la résiliation unilatérale des contrats de distribution n'est pas soumise à motivation et un arrêt de la chambre commerciale du 25 avril 2001 va même plus loin en précisant que la rupture peut-être faite sur des motifs fallacieux ou non sérieux Une temporisation nécessaire à la rupture unilatérale L'imposition d'un délai de préavis Afin de protéger plus efficacement le cocontractant, il serait possible d'imposer le respect d'un délai de préavis à toute rupture unilatérale de contrat à durée déterminée. S'il paraît difficile d'imposer un délai de préavis uniforme pour tous les contrats du fait de leur diversité, le recours à la notion de délai raisonnable permettrait en revanche d'embrasser toutes les catégories de contrat. Ce préavis ne serait pas incompatible avec la gravité du manquement justifiant la résiliation unilatérale. En effet, la Cour de cassation ne l'a pas considéré comme un obstacle dans son arrêt du 13 octobre 1998. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture