En matière contractuelle, la volonté commune des parties a traditionnellement force de loi entre elles. Tel est l'un des grands principes du droit. Mais la volonté des parties ne doit-elle pas connaître des limites lorsque l'appréciation du choix d'une qualification contractuelle aussi incertaine implique de telles divergences de régime juridique ?
Afin de convaincre la société UGC de ne pas fermer les salles de cinéma qu'elle exploitait dans un centre commercial de Sarcelles, une compagnie immobilière aux droits de laquelle se trouve la CICF s'est engagée, le 13 mars 1981, à en supporter les charges d'exploitation en ses lieux et places, et ce tant que le nombre d'entrées annuelles resterait inférieur ou égal à 380000. Pour débouter UGC de son appel en garantie visant à condamner la CICF à exécuter l'engagement de son auteur, la Cour d'appel de Versailles a énoncé que la loi des parties devait l'emporter : celles-ci ayant considéré l'événement érigé en modalité comme de réalisation certaine, la qualification de terme devait alors être retenue.
Ce raisonnement n'a cependant pas échappé à la censure de la Cour de cassation qui cassa et annula l'arrêt d'appel. Après avoir rappelé la définition du terme, la haute juridiction retint que « l'événement étant incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation, il s'agissait d'une condition ».
La volonté contractuelle des parties peut-elle librement qualifier une modalité de l'obligation ?
La réponse est affirmative si, et seulement si, l'événement retenu est un acte juridique qu'une des parties à l'obligation s'engage à conclure ou à exécuter. En revanche, la volonté des parties est dépourvue de toute influence sur l'identification de la modalité lorsque l'événement juridique est, soit un acte juridique à la conclusion duquel ne participe aucun des cocontractants, soit un fait juridique.
Les incertitudes de la qualification (I) s'expliquent par les enjeux que fait naître cette dernière (II).
[...] Cela pouvait poser un problème pour la CICF dans le cas où elle se serait rendue compte que, chaque année, le nombre d'entrées étaient systématiquement inférieur à La qualification de condition, retenue par la Cour de cassation est compatible avec celle de contrat à durée déterminée, ce qui est fort favorable à la CICF. Ainsi, en adoptant cette dernière qualification, la CICF pourra dénoncer unilatéralement cet accord, à durée déterminée, qu'elle avait sans doute toujours songé temporaire. Les conséquences de la qualification de condition sur la question de la rétroactivité de l'anéantissement potentiel du contrat Le contrat passé entre la CICF et l'UGC est un contrat à exécution successive. [...]
[...] Les incertitudes de la qualification Si la définition théorique du terme et de la condition est claire et sans ambiguïté la pratique révèle toute la complexité de ces notions Une définition théorique claire des notions de terme et de condition Le terme et la condition sont des notions a priori parfaitement distinctes. Le terme est un événement futur et d'accomplissement certain qui suspend, soit l'exigibilité, soit l'extinction des obligations. La condition est un événement futur et d'accomplissement incertain qui suspend soit la naissance, soit la résolution des obligations. [...]
[...] Ainsi, des événements dont la certitude n'existait que dans le seul esprit des parties contractantes ont déjà été qualifiés de terme à échéance incertaine. Tel fut le cas pour le remboursement d'un prêt lors de la vente d'un local (Cass. 1ère civ juillet 1971), de l'achat d'un immeuble dès la vente d'appartements (Cass. 3ème civ novembre 1969), de la promesse de vente d'un terrain à une société en contrepartie de la construction d'une maison (Cass. 3ème civ décembre 1985) ou encore du remboursement d'un prêt dès le retour à meilleur fortune (Cass. [...]
[...] Toutefois, les parties l'avait considéré comme certaine en étant convaincues que ce seuil était en quelque sorte infranchissable De ce fait, il s'agissait, selon elles, d'un événement futur et d'accomplissement certain. La qualification de terme pouvait donc être légitimement retenue. Cependant, la Cour de cassation a retenu que la réalisation des entrées annuelles était une chose incertaine. Cette incertitude concernait non seulement la réalisation des entrées annuelles mais également la date. C'est pourquoi la haute juridiction a préféré qualifier la modalité de condition. Mais si la qualification théorique peut paraître claire et aisée, l'application pratique de ces notions s'avère plus complexe. [...]
[...] 1ère civ novembre 1990). La modalité du contrat passé entre la CICF et l'UGC pouvait donc bien être qualifiée de terme au regard de toute cette jurisprudence antérieure. De plus, il semble que la volonté des parties contractantes puisse influencer la qualification de la modalité. Néanmoins, rien n'est moins sûr avec l'arrêt du 13 avril 1999 qui remet ouvertement en cause la volonté de ces dernières. Il semblerait que les contractants ne soient susceptibles d'exercer une influence sur la qualification litigieuse que dans la seule hypothèse où l'événement dépend au moins en partie de leur volonté. [...]
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