À l'heure où le divorce se vulgarise et voit sa place au sein de la société se préciser comme l'issue la plus probable de presque un mariage sur deux, la question de la responsabilité de la séparation et donc la question de savoir quel conjoint devra en assumer les conséquences est loin de connaître une réponse claire et applicable à l'infinie peu importe le problème en présence.
C'est précisément ce problème qui oppose Carole G à son mari Jean-François. Carole G reproche à son mari, d'avoir mis fin à leur vie commune pour élire domicile chez Madame DP. La constatation de l'adultère par un huissier est rapidement fournie le 22 novembre 2004 alors même que le mari a quitté le domicile conjugal courant octobre de la même année.
Pour sa part, Jean-François reproche à son épouse d'avoir, suite à son départ, entamé une grossesse contre sa volonté et sans l'en avertir alors même que le couple avait déjà enduré le décès précoce de deux de leurs enfants.
Jean-François demande à ce que le divorce pour faute soit prononcé.
Le tribunal saisit de l'affaire en première instance prononce le divorce pour faute à l'encontre de Carole G, accédant donc aux prétentions du demandeur. L'épouse interjette appel car elle estime que le divorce ne résulte pas de sa seule faute. En effet, pour l'appelante, la conception de l'enfant, qui est l'acte que la cour qualifie de faute, n'est pas à apprécier comme une trahison de son époux mais comme un acte désespéré répondant à l'adultère de ce dernier. Pour elle la conception d'un enfant était la seule chance dont elle disposait pour motiver le retour du mari au domicile conjugal.
De son côté, Jean-François estime qu'il a été trahi en tant que mari et père et que le traumatisme dont il se dit victime du fait du décès plus que prématuré de ses deux enfants suffit à causer le divorce pour faute à l'encontre de son épouse.
Le problème qui se pose donc aux juges est de savoir si le divorce pour faute peut-être prononcé à l'encontre de l'épouse alors même que le manquement de celle-ci à ses obligations trouve son origine en ce qu'elle a été motivée par une faute antérieure du mari lequel agi en qualité de demandeur ?
L'arrêt rendu le 21 mars 2007 par la cour d'appel de Nîmes infirme la décision des juges du premier degré.
Pour les juges d'appel, la faute de Jean-François, en plus d'avoir été attesté par une expertise d'huissier, constitue un véritable manquement aux obligations du mariage, plus précisément à l'obligation de fidélité à laquelle on peut appliquer l'article 242 du code civil. Cette faute ne saurait être ignoré dans la recherche des causes ayant conduit à la demande de divorce.
Par ailleurs, les juges du second degré qualifient juridiquement la faute imputée à Carole G comme un manquement à ses obligations d'épouse et plus particulièrement à son obligation de loyauté. En effet, non seulement Jean-François ne souhaitait pas d'enfant, mais encore il en avait clairement affiché la volonté. Ainsi, l'article 242 du code civil est visé par les juges d'appel dans le cadre de la faute de l'épouse, mais un principe est dégagé selon lequel la conception d'un enfant ne saurait être un projet dont l'initiative et la réalisation ne déprendraient que de la seule mère. De cette façon, la faute de l'appelante ne peut être niée. De ce fait, le traumatisme dont allègue l'intimé ne saurait être écarté dans la recherche des causes ayant conduit à la demande de divorce de ce dernier.
Considérant cela, les juges du second degré prononcent le divorce aux torts partagés des époux (article 245 alinéa 3 du code civil), le préjudice du mari n'étant pas plus profond que celui de son épouse, la faute de l'épouse n'étant pas excusé par celle, antérieure, du mari.
La réponse donnée par la cour d'appel au problème qui lui est posé repose sur deux points de droits : les fautes des époux et leurs responsabilités en découlant.
Pour déterminer les fautes de chacun, la cour fait une application stricte de la loi qui peut sembler regrettable car parfois la norme imposée par la loi n'est que le gant de soi d'un bras de fer (1), et, une fois ces fautes qualifiées, le partage des responsabilités peut s'avérer injuste car au-delà des faits il y a un comportement, une psychologie qui parfois peut justifier si ce n'est excuser les fautes de chacun (2).
[...] La décision rendue par la Cour d'Appel de Nîmes prononce le divorce aux torts partagés des époux. Ainsi, l'issue de l'affaire, telle qu'elle est donnée en seconde instance, ne répond ni aux souhaits de l'un ni aux souhaits de l'autre puisque Carole ne veut pas divorcer. Si le pourvoi était formé par Jean-François, les griefs qu'il formulerait à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel porteraient logiquement sur l'appréciation de sa faute. Il devrait essayer de pousser la cour à faire un saut en avant dans sa définition de l'adultère en tolérant celui-ci ou du moins en étant moins catégorique dans sa qualification de faute au sens de l'article 242 du Code civil. [...]
[...] En prononçant le divorce aux torts partagés des époux, le juge d'appel ne blesse personne en qualifiant de fautif le mari qui quitte sa femme, mais également de fautive la femme qui enfante pour forcer son époux à lui revenir. L'ordre public est préservé et grand gagnant dans cette affaire puisque tous les manquements aux devoirs et obligations du mariage sont punis avec la même rigidité, montrant bien que la justice n'est pas encore prête à revoir son sens du mariage puisque la femme quittée à toujours un devoir de loyauté envers son époux qui a lui déjà violé son devoir de fidélité. [...]
[...] De cette façon, la faute de l'appelante ne peut être niée. De ce fait, le traumatisme dont allègue l'intimé ne saurait être écarté dans la recherche des causes ayant conduit à la demande de divorce de ce dernier. Considérant cela, les juges du second degré prononcent le divorce aux torts partagés des époux (article 245 alinéa 3 du Code civil), le préjudice du mari n'étant pas plus profond que celui de son épouse, la faute de l'épouse n'étant pas excusé par celle, antérieure, du mari. [...]
[...] Toutefois, il faut avoir à l'esprit que Carole commet son acte fautif en réponse à la faute de son mari. Il semble donc que la décision de la cour d'appel de Nîmes ait été prise sous l'empire de la quête d'un équilibre des fautes et responsabilité si on considère que l'adultère est voué à sortir de ce que la loi définit comme un comportement civilement fautif. Les torts mutuels ayant été établis au regard de l'article 242 du Code civil, la cour d'appel de Nîmes statue également sur les responsabilités de chacun Divorce aux torts partagés et fautes des époux : Un équilibre fragile, car discutable Le divorce pour faute sous-entend que celui qui demande ledit divorce impute une faute, telle que la définit l'article 242 du Code civil, à son conjoint. [...]
[...] Finalement, on peut dire que cet arrêt donne l'alerte et rappelle que le mariage oblige ceux qui s'y engagent jusqu'à ce que la mort ou le juge ne les séparent. [...]
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