« La croyance crée le droit » selon le juriste Emmanuel Lévy (1871-1944), dont la citation fut ensuite complétée par celle de Pierre Voirin (1923-1967), « la théorie de l'apparence n'est pas une planche de salut à l'usage des négligents et des étourdis, mais une protection réservée aux victimes d'une croyance légitime ».
Dès lors, nous verrons si cette théorie consacrée par cet arrêt éminemment important est toujours d'actualité.
En l'espèce, le PDG d'une banque souscrit un cautionnement au nom de celle-ci, mais avec sa seule signature.
Le créancier demande l'exécution du cautionnement, mais la banque s'y oppose en invoquant l'inopposabilité du cautionnement à son égard, les statuts de la banque exigeant pour la validité des cautionnements la signature par deux mandataires sociaux habilités.
La Cour d'appel de Poitiers le 6 mai 1957 condamne la banque en se fondant sur l'existence d'un mandat apparent : le créancier a pu légitimement croire que le mandataire agissait dans les limites de ses pouvoirs normaux.
[...] Les parties ne seraient pas de bonne foi si elles invoquaient l'existence d'un mandat apparent alors même qu'elles savent qu'elles ne sont pas liées par un tel contrat. C'est pour cette raison que le mandant aura un recours contre le mandataire apparent. En outre, le mandant ne peut pas non plus invoquer l'existence d'un mandat apparent à l'égard du tiers. Le mandat devient apparent, lors de la réunion d'un «critère de double détente» cher à G. Cornu, en plus de la croyance légitime énoncée ci- dessus, à une appréciation au cas d'espèce (II). II. [...]
[...] Afin de déterminer si le tiers a été négligent, cela implique d'examiner les éléments de faits et la Cour de cassation n'a pas le pouvoir de le faire. Dès lors, il convient d'étudier tout d'abord le principe de mandat apparent proclamé par cet arrêt puis les conditions de sa mise en œuvre et de sa généralisation dans les différentes branches juridiques I. Une proclamation pérenne de la théorie du mandat apparent : une responsabilité aisément admise du fait de l'apparence Le mandat apparent est conditionné à la commission d'une faute préalable du mandataire qui sera même présumée notamment par la notion de croyance légitime constitutive de l'apparence trompeuse A. [...]
[...] La question de droit soumise devant la Cour de cassation était la suivante : Un mandant, peut-il voir sa responsabilité engagée par les actes du mandataire dépassant les limites de ses pouvoirs sans avoir commis lui-même de faute, au regard de la théorie de l'apparence ? La Cour de cassation répond par la positive et rejette le pourvoi. La Haute Cour opte ainsi pour une application large de la théorie du mandat apparent en n'exigeant pas une faute du prétendu mandant. Il suffit que le tiers ait pu légitimement croire que le prétendu mandant avait les pouvoirs suffisants. Cette croyance doit être légitime et elle ne peut l'être que si les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs. [...]
[...] Cette solution a eu le mérite de privilégier, la sécurité des transactions en se rangeant du côté des tiers ayant contracté avec un représentant de la société plutôt que du côté du mandant floué par le dépassement des limites des pouvoirs du mandataire. Comme l'avait cité G. Viney, le principe de «protection des tiers» est resté essentiel depuis la publication de cet arrêt, à tel point qu'il s'est largement diffusé à travers les différentes branches du droit B. Une fluctuation de la notion de mandat apparent : un principe toujours d'actualité de protection des tierces victimes : La notion de mandat apparent initiée par l'arrêt de principe de l'Assemblée plénière fut ensuite généralisée, par une multitude d'arrêts et ce dans les diverses branches du droit : Nous pouvons citer notamment le droit des assurances (Civ 2e avril 2008, Civ 1er 8 avril 2010 en droit des sociétés (CA Versailles avril 2000, Com nov 2011) La jurisprudence administrative refuse quant à elle de faire application de la théorie civiliste du mandat apparent (CE 17 déc 2008). [...]
[...] Cependant, le tiers doit être de bonne foi c'est-à-dire qu'il a pu légitimement croire en l'existence de pouvoirs suffisants attribués au prétendu mandataire et que le tiers n'ait pas lui-même commis de faute B. L'apparence: élément éminemment constitutif de la croyance légitime du seul contractant fait de mandat, croyance légitime vaut titre» (Malaurie, Aynès, Gautier), la seule croyance de bonne foi du tiers engendre les effets juridiques du mandat. Or ceux-ci ne devaient se produire faute de la réunion des éléments nécessaires. Dans une parenthèse jurisprudentielle, la Cour de cassation a préféré retenir l'expression d'une «erreur commune et invincible» avant de revenir à la notion de «croyance légitime» (Civ. [...]
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