commentaire d'arrêt, Assemblée, Conseil d'État, 22 octobre 2010, responsabilité sans faute de l'État, préjudice grave et spécial
L'accessibilité physique des lieux de travail est loin d'être assurée, même si le législateur a fixé des objectifs et déterminé des obligations. Tel est notamment le cas pour l'aménagement des lieux publics dans lesquels une personne handicapée est appelée à intervenir dans le cadre de son emploi. De l'adaptation de ces lieux a été exigée des constructions futures (art.49 de la loi du 30 juin 1975 et loi du 13 juillet 1991). Puis le législateur est allé plus loin, puisque, par l'article 41 de la loi du 11 février 2005 introduisant au Code de la construction et de l'habitation un article L.111-7-3, il a requis l'aménagement des établissements existants pour que « toute personne handicapée puisse y accéder, y circuler et y recevoir les informations qui y sont diffusées dans les parties ouvertes au public ». Cet aménagement n'était pas, cependant, exigé immédiatement, un délai pouvait être légalement ménagé. Le décret du 17 mai 2006 l'a fixé à 10 ans, en imposant un aménagement effectif des lieux recevant du public au 1er janvier 2015.
C'est ce délai qu'est venue critiquer une personne exerçant la profession d'avocat, atteinte d'un handicap moteur qui s'est aggravé à la suite d'un accident.
[...] C'est, entre autre, la question à laquelle le Conseil d'Etat doit répondre. L'article 5 de la directive impose seulement à l'employeur des aménagements raisonnables pour les personnes handicapées. Toutefois, en reliant l'article 2 et tout laisse à penser que l'employeur peut être toute personne ou organisation auquel s'applique la directive En y ajoutant l'article on remarque que la directive s'intéresse de la même manière aux emplois non salariés. En combinant donc ces 3 articles, la déduction est faite de l'applicabilité de la directive au litige. [...]
[...] Il n'en résulte pas moins que la question ne concernait pas le fait de savoir si l'avocate était victime d'une quelconque discrimination indirecte, mais si l'aménagement des conditions de travail pouvait être prévu au sein d'un délai par le législateur français. A propos des autres aspects de la décision, la question de la discrimination ne se pose même pas tout comme de savoir si l'égalité est assurée dans les faits, et non seulement par la règle. En conclusion, l'arrêt du 22 octobre 2010 Mme A n'a aucune raison de s'inscrire dans la continuité de la jurisprudence Perreux (CE Ass octobre 2009) posant le cadre du contrôle des discriminations par le juge. [...]
[...] Toutefois, la Haute juridiction déclara la responsabilité sans faute de l'Etat au titre du préjudice grave et spécial dont se prévalait la requérante et qui était caractérisé par la rupture de l'égalité devant les charges publiques. Il en résulte que lorsque la faute est visée, la responsabilité de l'Etat n'est pas retenue Seule la responsabilité sans faute de ce dernier sera reconnu au titre du préjudice grave et spécial subie par la requérante I La reconnaissance de l'absence de faute de l'Etat : une responsabilité dissipée Si la requérante se prévalait de la non-conformité des actions de l'Etat tant d'une part, sur le plan interne, que d'autre part sur le plan européen, l'assemblée du contentieux du Conseil d'Etat lui, affirme que l'Etat français n'a pas commis de fautes en ne garantissant pas l'accès effectif des bâtiments judiciaires aux personnes handicapées ni en méconnaissant l'engagement européen inhérent à la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 L'agencement de l'accessibilité des bâtiments judiciaires aux personnes handicapées : l'Etat nonfautif La requérante se prévalait de la mise en œuvre déplorable quant à l'accessibilité des bâtiments judiciaires aux personnes handicapées. [...]
[...] Il n'en n'est rien puisque le Conseil d'Etat reconnaît une responsabilité sans faute. Est-ce donc un nouveau cas d'engagement de la responsabilité pour rupture d'égalité ? Avant d'y répondre, il est intéressant de remarquer que la situation est certes, différente des conséquences d'un refus d'agir de l'administration fondé sur un motif d'intérêt général (CE 30 novembre 1923 Couitéas), mais déjà moins visible avec la responsabilité du fait des lois (CE Ass janvier 1938 SA La Fleurette ou du fait des actes administratifs légaux (CE 22 février 1963 Commune de Gavarnie ; CE 13 juin 2001 Verdure). [...]
[...] Finalement, la Cour d'Appel écarte la responsabilité pour faute et la responsabilité sans faute de l'Etat estimant que le préjudice allégué par la requérante ne présentait pas un caractère anormal. C'est sur ces points qu'est formé le pourvoi devant le Conseil d'Etat par la requérante. Ainsi, le Conseil d'Etat réunit en assemblée était amené à se demander si le choix du législateur de permettre la pleine réalisation du dispositif d'aménagement spécial des bâtiments publics pour les personnes handicapées dans un délai de 10 ans posait une difficulté au regard de la directive européenne du 27 novembre 2000, et dans une certaine mesure, si ce choix créait pour l'avocate handicapée une charge disproportionnée. [...]
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