L'arrêt de rejet rendu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation en date du 6 octobre 2006 est relatif à la responsabilité du contractant envers les tiers en cas d'inexécution contractuelle.
En l'espèce, les consorts X ont donné à bail un immeuble commercial à la société Y. Celle-ci a ensuite, sans prévenir les bailleurs, confié en location-gérance son fonds de commerce à la société Z.
Cette dernière a ensuite imputé aux bailleurs un défaut d'entretien des locaux et les a assignés en référé pour obtenir la remise en état des lieux en sus du paiement d'une indemnité provisionnelle en réparation du préjudice d'exploitation. Le tiers peut en effet engager la responsabilité du contractant fautif selon la théorie de l'opposabilité du contrat.
[...] Selon lui, de nombreuses obligations contractuelles ne satisfont que le créancier et ne profitent pas aux tiers : il est donc excessif d'identifier le manquement à de telles obligations à la violation de devoirs généraux de conduite sociale dédiés à la protection de tous De fait, la violation des obligations dont la portée est limitée aux parties contractantes ne devrait pas constituer une faute au sens de l'article 1382, mais simplement une faute contractuelle. Une décision favorable aux tiers : une situation excessivement avantageuse En premier lieu, le principe de l'effet relatif des contrats (art du Code civil) fait obstacle à ce que les tiers puissent invoquer des manquements contractuels. [...]
[...] Une incohérence entre la nature de la faute et celle de l'action en responsabilité Comme nous venons de l'expliquer, si la faute en l'espèce est contractuelle, la responsabilité engagée à l'égard du locataire-gérant est de nature délictuelle. De plus, nous avons expliqué l'avantage injustifié que détenait le tiers comparé au débiteur défaillant. Patrice Jourdain et Nicolas Damas, entre autres, s'opposent ainsi au fait que la nature de la responsabilité devrait dépendre de la nature de la victime. Au contraire, il estime que cette première devrait dépendre de la nature de la faute (Patrice Jourdain : C'est la nature contractuelle de la faute dommageable qui justifie le caractère contractuel de la responsabilité mise en œuvre Cette doctrine se base notamment sur une volonté de cohérence et sur la jurisprudence consacrée en matière de chaines de contrats translatifs de propriété (théorie de l'accessoire) dans lesquelles elle considère la nature de la responsabilité engagée par le débiteur défaillant à l'égard du tiers comme contractuelle. [...]
[...] Quoi qu'il en soit, la grande majorité des auteurs rejette la position incohérente et bancale de l'Assemblée plénière. L'avant-projet Catala et Patrice Jourdain proposent d'attribuer au tiers un droit d'option. Celui-ci pourrait alors choisir entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle : dans le premier cas, il devra se conformer aux stipulations du contrat, même celles lui étant défavorables telles que les clauses limitatives de responsabilité pour le contractant défaillant. Dans le second cas, il devra prouver l'existence d'une faute délictuelle (cela correspond donc à la position de la chambre commerciale avant la réunion en Assemblée). [...]
[...] Entre autres, le tiers n'est pas soumis aux éventuelles clauses limitatives de responsabilité. Ainsi, cette décision rend directement créanciers les tiers eux-mêmes (Jacques Mestre et Bertrand Fages). Pour Nicolas Damas, le tiers se retrouve même dans une situation encore plus favorable que le créancier contractuel : les avantages sans les inconvénients en quelque sorte De surcroit, Jacques Mestre et Bertrand Fages voient dans cette situation un coup ( ) assez rude pour la prévisibilité des engagements souscrits et pourrait demain conduire à des réparations pour le moins inattendues et considérables L'Assemblée plénière de la Cour de cassation pose ainsi un régime qui assimile la faute délictuelle à la faute contractuelle et qui accorde au tiers une situation au moins aussi avantageuse que le créancier. [...]
[...] Ainsi, dans la continuité de l'arrêt rendu le 12 juillet 1991, la Cour de cassation a finalement retenu la responsabilité délictuelle du bailleur à l'égard du locataire-gérant (et donc fondée sur l'article 1382 du Code civil). Ainsi, pour la Cour, la faute contractuelle n'implique pas que la responsabilité soit contractuelle et admet qu'une telle faute puisse être le fondement d'une responsabilité délictuelle. C'est donc la qualité de la victime (un tiers) qui est prise en compte et non pas le caractère de la faute. [...]
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