L'arrêt rendu par la Deuxième Chambre civile de la Cour de cassation le 9 juin 1993 est un arrêt d'espèce réaffirmant le principe de non cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle. En effet il n'est pas possible de se prévaloir d'une des deux responsabilités lorsque c'est l'autre qui s'applique, chaque responsabilité a son domaine d'application, il faut donc engager la bonne responsabilité civile pour obtenir gain de cause lors d'un procès.
Les époux H ont passé un contrat avec un entrepreneur pour la réalisation de travaux dans leur immeuble situé en zone protégée. Les travaux n'ayant pas été réalisés de façon conforme aux prescriptions de l'Architecte des Bâtiments de France, les époux H n'ont pas perçu de subvention et en ont demandé le montant à l'entrepreneur à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.
En première instance les époux H ont assigné en justice devant le Tribunal d'instance de Nancy l'entrepreneur à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Le 11 octobre 1991 le tribunal d'instance, en tant que juge de dernier ressort, accueille la demande des époux H, en retenant que l'entrepreneur n'a pas respecté le devis ni les prescriptions de l'Architecte des Bâtiments de France ce qui constitue une faute au regard de l'article 1382. L'entrepreneur se pourvoit en cassation.
Les époux H en qualité de défendeur au pourvoi affirment la faute de l'entrepreneur sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil.
La responsabilité civile délictuelle peut-elle être engagée lorsqu'il s'agit d'une faute dans le cadre d'un contrat entre les parties ?
La Cour de Cassation a cassé le jugement, en vertu du principe de non cumul des responsabilités, la faute se plaçant dans le cadre d'un contrat, il n'y a pas lieu d'appliquer l'article 1382, c'est l'article 1147 qui doit s'appliquer, il s'agit alors d'une responsabilité civile contractuelle.
L'étude de cette décision s'orientera premièrement sur la conformité au droit de cette solution (I), on montrera en quoi cette solution correspond tout à fait au droit en vigueur, puis on verra que cette décision est cohérente mais critiquable (II) car, bien que juste, cette solution aurait pu être toute autre (...)
[...] La Cour fait alors ici la distinction entre les deux régimes de responsabilité que sont la responsabilité civile délictuelle et la responsabilité civile contractuelle. En effet il convient d'opérer une différence. La responsabilité civile est l'obligation de réparer un dommage causé à autrui, cette responsabilité peut être délictuelle ou contractuelle. La responsabilité contractuelle s'applique quand le dommage causé est né du contrat par une obligation inexécutée ou mal exécutée de ce contrat. Le créancier de l'obligation inexécutée ou mal exécutée par le débiteur peut alors demander la réparation de son dommage sur le fondement des articles 1147 et suivants du Code civil. [...]
[...] Il y a une exception, si l'inexécution d'une obligation civile contractuelle constitue un délit pénal, on peut se prévaloir de la responsabilité civile délictuelle devant une juridiction pénale. Le principe peut être atténué car il peut arriver que la Cour de Cassation refuse de censurer une décision ou il y aurait une erreur de qualification concernant le type de responsabilité civile lorsque cela n'aurait aucune influence sur les conséquences en termes d'indemnisation. La Cour a donc appliqué ici très clairement le principe de non cumul en cassant le jugement qui avait accordé des indemnités aux époux H sur le fondement de l'article 1382 alors que le dommage causé était issu du contrat. [...]
[...] Ainsi si un bailleur ne respecte pas une clause du contrat de bail, le locataire pourra engager sa responsabilité civile contractuelle sur le fondement des articles 1147 et suivant du Code civil, alors que si ce même bailleur renverse accidentellement son locataire sur la voie publique, le locataire pourra engager la responsabilité civile délictuelle du bailleur car le dommage causé ne résulte pas du contrat. La Cour en ayant rappelé cette distinction, s'appuie sur le principe de non cumul des responsabilités pour statuer. B. Une application du principe de non cumul des responsabilités La Cour ne cite pas le principe de non cumul textuellement, mais sa solution en est l'image. [...]
[...] On peut d'ailleurs penser que si le demandeur avait fondé sa demande sur la responsabilité contractuelle il aurait obtenu des dommages et intérêts, les mêmes que ceux que lui avait octroyé le jugement de première instance sur le fondement erroné de la responsabilité délictuelle. La Cour s'est donné la possibilité d'opérer à une substitution des motifs, pour justement les décisions correctes sur le fond mais pas sur la forme. Elle l'a fait notamment pour substituer une responsabilité contractuelle à une responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle retenue à tort par les juges du fond comme dans l'arrêt de la deuxième Chambre civile de la Cour de Cassation du 9 janvier 1963. Cela est une atténuation du principe de non cumul. [...]
[...] Dans ces décisions et dans bien d'autres, le non cumul est affirmé. La décision du 9 Juin 1993 s'inscrit donc dans la continuité, ce qui lui donne toute sa cohérence. De plus on note que cela est toujours d'actualité aujourd'hui, avec par exemple l'arrêt de la première Chambre civile de la Cour de Cassation du 28 Juin 2012 expliquant que la responsabilité d'un restaurateur pour des blessures subies par un enfant accompagnant l'un de ses clients sur une aire de jeux dépendant de son établissement relève de la responsabilité civile contractuelle et non délictuelle. [...]
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