Dans le sillage de l'arrêt Commune des Béziers (CE, 28 décembre 2009), le souci de stabilité des relations contractuelles permet de déroger au principe général du droit de non rétroactivité des actes administratifs unilatéraux (CE, 25 juin 1948, Société du Journal l'Aurore).
Après consultation du service des domaines dont l'avis ne visait qu'une partie de l'objet de la vente, le Conseil municipal de la commune de Divonne-les-Bains autorise, par délibération du 16 septembre 2002, le maire à conclure avec une personne de droit privé ? la société ISIS à laquelle se substituera ensuite IPIMM ? un contrat de vente d'un ensemble immobilier relevant du domaine privé communal et jusqu'alors exploité par la société privée Touristique Thermale et Hôtelière de Divonne-les-Bains. Le 23 décembre 2003, la vente ? qui constitue donc un contrat privé de l'Administration ? est conclue par acte notarié. Un conseiller municipal ? M.A ? demande au TA de Lyon d'annuler, en tant qu'acte détachable du contrat de vente, la délibération du 16 septembre 2002 pour vice de la procédure de consultation. Le TA de Lyon fait droit à cette demande et annule en conséquence la délibération du 16 septembre 2002. Ce jugement devient définitif faute d'appel dans les délais impartis. C'est la raison pour laquelle la commune de Divonne-les-Bains décide de procéder à la régularisation de la procédure de passation du contrat de vente plutôt que de saisir le juge du contrat ? en l'occurrence le juge judiciaire ? pour qu'il tire les conséquences de l'annulation de l'acte détachable par le juge de l'excès de pouvoir. Le maire de la commune de Divonne-les-Bains convoque donc le conseil municipal pour procéder à la régularisation au moyen d'une délibération du 23 février 2005, qui est un acte administratif unilatéral rétroactif. Mais le conseiller municipal M.A ne se satisfait pas de cette solution. (...)
[...] En l'espèce, l'annulation de l'acte détachable ne devrait pas permettre le constat de la nullité du contrat par le juge du contrat saisi à cette fin par les parties. Pour le Conseil d'Etat, l'annulation de l'acte détachable apparaît comme une sanction excessive d'autant que, outre son caractère unique, ce vice n'est pas substantiel. B. La prise en compte traditionnelle de la nature du vice En l'occurrence, seul un vice de procédure affecte l'acte détachable et il ne s'agit, pour reprendre les termes de l'arrêt Commune de Béziers, ni du caractère illicite du contenu du contrat (même si cet aspect mérite discussion au vu de l'avant-dernier considérant de l'arrêt introduit par l'expression en troisième lieu ni à d'un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement Mais il faut souligner qu'ici, la nature du vice ne vient pas écarter le constat de nullité par le juge de la validité du contrat, ni même la mise à l'écart de l'application du contrat par le juge de l'exécution du contrat. [...]
[...] La même raison explique le choix opéré par le juge de l'excès de pouvoir en faveur de la régularisation rétroactive. II. Le choix de la régularisation rétroactive de l'acte détachable du contrat En validant la régularisation rétroactive de l'acte détachable par le truchement d'un nouvel acte administratif unilatéral, le Conseil d'Etat reconnaît une nouvelle exception au PGD de non rétroactivité des actes administratifs unilatéraux Surtout, il s'assure ainsi que le juge du contrat n'aura pas à se prononcer sur les conséquences de l'annulation de la délibération du 16 septembre 2002 A. [...]
[...] Le souci du juge administratif de garder la maîtrise du contentieux Admettre la régularisation rétroactive par voie d'acte administratif unilatéral de la personne publique contractante évite lourdeurs procédurales et frais de procédure. Mais cela assure surtout au juge de l'excès de pouvoir décider de l'issue du litige pour le contrat, notamment en se prononçant sur les conséquences d'une annulation contentieuse d'un acte détachable, sans que le juge du contrat n'intervienne, Le Conseil d'Etat est d'autant plus enclin à contourner le juge du contrat qu'en l'espèce, eu égard à la nature du contrat passé par la personne publique (contrat de droit privé car relatif à l'aliénation d'un bien du domaine privé communal), il s'agit du juge judiciaire. [...]
[...] En conséquence, la commune de Divonne-les-Bains interjette appel de ce jugement devant la CAA de Lyon. Le 03 mars 2009, le juge d'appel confirme le jugement du TA de Lyon au motif qu'il n'y aurait pas d'intérêt public justifiant de porter atteinte au principe de non rétroactivité des actes administratifs unilatéraux. La commune de Divonne-les-Bains se pourvoit alors en cassation devant le Conseil d'Etat et lui demande de se prononcer par la voie dévolutive de l'appel. Le Conseil d'Etat devait ainsi apprécier si l'annulation pour vice de procédure de l'acte détachable, par lequel une personne publique est autorisée à conclure un contrat de droit privé, permettait la régularisation rétroactive de l'acte détachable. [...]
[...] C'est en particulier les implications de cette régularisation par voie unilatérale, dont son éventuel effet rétroactif, qu'il convenait d'élucider. Pourquoi le Conseil d'Etat autorise-t-il une atteinte au principe général de droit de non rétroactivité des actes administratifs unilatéraux alors même que le maintien de la relation contractuelle n'était pas en jeu ? De fait, le Conseil d'Etat annule l'arrêt de la CAA de Lyon pour erreur de droit et, sur le fond, rejette la demande d'annulation de la délibération du 23 février 2005. [...]
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