Problème de droit : Une partie peut-elle unilatéralement tripler le prix lors du renouvellement d'un contrat ?
La Cour de cassation répond en deux temps :
1er temps : oui elle peut le faire car elle est libre de fixer le prix qu'elle entend pratiquer.
2nd temps : oui elle peut le faire tant qu'il n'est pas démontré qu'elle a eu un comportement fautif, caractérisant un abus de son droit de fixer le prix.
D'où un plan en deux parties commentant chacun de ces deux aspects de la décision.
I) L'absence de contrôle du prix lors de la formation du contrat
A) L'abandon du prix comme condition de formation du contrat
La détermination de l'objet de l'obligation a posé des problèmes spécifiques pour les obligations de payer une somme d'argent. Cette question a en effet connu une évolution jurisprudentielle aussi importante que chaotique.
De prime abord, on pourrait penser que le prix doit nécessairement être déterminé, chiffré, dans tous les contrats qui supposent la fixation d'un prix (exemple : vente).
Imposer cette règle serait cependant trop rigide. Lorsque le contrat a une certaine importance et s'inscrit dans la durée, il est très difficile de fixer dès le départ un prix définitif. C'est par exemple le cas dans les contrats de distribution qui unissent un fournisseur à un distributeur pendant plusieurs années. Il est impossible dans ce type de contrat de fixer le prix une fois pour toutes.
C'est pourquoi la jurisprudence a décidé, dès le début des années 1970, qu'il suffisait, pour que le contrat soit valable, que le prix soit simplement déterminable au moment de sa conclusion. Cela signifiait que l'accord devait contenir tous les éléments permettant de calculer le prix au moment de l'exécution du contrat.
Puis la jurisprudence a exigé que le prix soit objectivement déterminable, c'est-à-dire grâce à des éléments ne dépendant pas de la volonté des parties.
Le but de la Cour de cassation était ainsi de protéger la partie placée dans une situation de dépendance, d'infériorité, en évitant que la partie dominante profite de sa position pour imposer sa volonté et notamment son prix (...)
[...] II) Le contrôle du prix lors de l'exécution du contrat grâce à la notion d'abus L'application d'une conception libérale de l'abus dans la fixation du prix Aucune définition de l'abus dans la fixation du prix n'a été posée par la jurisprudence. Selon la doctrine, trois critères envisageables : L'intention de nuire (il révèle sans aucun doute un abus, mais est trop restrictif : tout abus ne suppose pas nécessairement une intention de nuire). Le prix du marché (un prix abusif serait un prix supérieur à celui du marché). [...]
[...] Cette position a évidemment déçu les tenants du solidarisme contractuel qui pensaient que le contrôle de l'abus dans la fixation du prix aurait pu être l'occasion pour la Cour de cassation d'imprimer une juste dose de civisme dans l'élaboration des tarifs contractuels. Ce n'est pas la voie choisie par la Haute Juridiction qui a préféré faire prévaloir la liberté contractuelle de la partie à qui il revient de fixer le prix. [...]
[...] FACULTÉ DE DROIT Année universitaire 2010-2011 DROIT CIVIL DES OBLIGATIONS Commenter l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 30 juin 2004. Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches : Vu les articles 1134 et 1135 du Code civil ; Attendu que Mme X . a loué auprès de la BNP deux chambres fortes, selon contrats à durée indéterminée des 29 décembre 1987 et 3 février 1989, prévoyant que le prix du loyer serait fixé par la banque à chaque période de location et résiliables à tout moment, par chacune des parties, sous préavis minimum d'un mois ; que par lettre du 18 juin 1996, la banque a informé Mme X . [...]
[...] C'est là une conception très solidariste de l'abus. Toutefois, la portée de cet arrêt doit être analysée avec prudence, compte tenu de ces différentes circonstances de fait. On peut penser que cette conception solidariste de l'abus dans la fixation du prix ne peut en aucun cas être généralisée. C'est d'ailleurs ce que montre l'arrêt rendu par la première chambre civile le 30 juin 2004 qui, rendu à l'occasion d'un contrat plus banal, moins marqué que le contrat de concession automobile, retient une conception très étroite de l'abus. [...]
[...] Puis la jurisprudence a exigé que le prix soit objectivement déterminable, c'est-à-dire grâce à des éléments ne dépendant pas de la volonté des parties. Le but de la Cour de cassation était ainsi de protéger la partie placée dans une situation de dépendance, d'infériorité, en évitant que la partie dominante profite de sa position pour imposer sa volonté et notamment son prix. Cette jurisprudence imposant un prix objectivement déterminable est toutefois devenue extrêmement complexe au fil des années, les critères permettant de définir ce prix étant très flous et difficiles à mettre en œuvre de façon cohérente. [...]
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