Il s'agit d'un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 3 mai 2000. Il relève de la question du dol, la malhonnêteté de celle des parties qui souhaite induire l'autre en erreur. Plus précisément, il a trait à l'élément matériel constitutif du dol, puisqu'il nous place sur le terrain de la réticence dolosive : la manœuvre passive par laquelle une partie cache à l'autre une qualité essentielle de l'objet du contrat. Le silence porté sur un élément d'information relatif au contrat est déterminant dans la mesure où celui-ci n'eût peut-être pas vu le jour sans cette méconnaissance, le terrain juridique du dol permettant de faire admettre l'erreur sur la valeur. Cet arrêt relança les clivages doctrinaux relatifs au respect de la liberté contractuelle et de l'obligation d'information, et son analyse implique nécessairement un tour d'horizon des diverses positions sur le cas de l'espèce :
En l'occurrence, Mme Boucher avait vendu en 1986 aux enchères publiques cinquante photographies de Baldus au prix de 1 000 francs chacune. En 1989, après avoir retrouvé l'acquéreur, M. Clin, elle lui en vendit encore 85 au même prix. L'acquéreur des photos n'avait cependant rien dit de la grande valeur des photographies qu'il lui achetait.
[...] Les juristes naturalistes encensèrent donc l'arrêt du 3 mai 2000. Nous pouvons expliquer cet éloge pour deux raisons. D'abord au regard de l'interprétation que fait la juridiction suprême du seul l'article 1116 qu'elle vise Ensuite pour deux aspects de la solution elle-même Au regard de la loi L'unique visa de l'arrêt du 3 mai 2000 porte sur l'article 1116 du Code civil, dont l'alinéa premier dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté La formulation même de la loi énonce donc clairement une restriction intrinsèque : le dol est une cause de nullité que si Le deuxième alinéa [Le dol] ne se présume, il doit être prouvé achève quant à lui de limiter la porté du dol, et sous-entend que c'est sur une appréciation factuelle que le juge doit considérer, le cas échéant, qu'il y a dol pour réticence. [...]
[...] On peut même remarquer en l'espèce que si la différence entre le prix de vente et la valeur réelle est significative (vingt fois plus importante), le vendeur s'était préalablement rendu dans un point de vente aux enchères, ce qui laisse entendre qu'il avait au moins connaissance de la renommée du photographe. On ne propose pas à la vente publique des photographies familiales, fussent-elles anciennes. D'une part, cette appréciation tout a fait arbitraire quant à l'évaluation de la valeur de l'objet conduit naturellement à une critique de la même nature. D'autre part, elle amène plus rigoureusement à la contestation pure et simple de l'arrêt du 3 mai 2000. [...]
[...] Clin, elle lui en vendit encore 85 au même prix. L'acquéreur des photos n'avait cependant rien dit de la grande valeur des photographies qu'il lui achetait. La venderesse porta par la suite plainte devant une juridiction pénale pour escroquerie, contre l'acquéreur des photographies. Une ordonnance de non- lieu fut rendue. La demanderesse assigna alors l'acquéreur devant la juridiction civile de première instance, en invoquant le dol dont elle estimait avoir été victime. Un appel fut interjeté en révision de ce jugement. [...]
[...] La chambre commerciale, le 24 septembre 2003, affirma qu' aucun texte n'oblige une entreprise à informer son cocontractant du fait qu'elle fait l'objet d'un redressement judiciaire De la même manière, n'était pas considéré comme dolosive la non révélation aux actionnaires, lors d'une assemblée générale, de la signature d'un contrat de vente couvert par le secret défense On voit les implications sécuritaires qu'implique la nécessité de parfois se taire au moment de la formation d'un contrat. Ainsi, les affaires sont les affaires et le silence est d'or. Dalloz somm Defrénois 2001 p En ce sens, on peut citer F. [...]
[...] Bien que les jugent du fond soient, dans l'arrêt du 3 mai 2000, censurés, ils n'y demeurent pas moins les premiers appréciateurs des circonstances particulières dans lesquelles l'erreur s'est produite. L'erreur sur la valeur : une casuistique factuelle au secours de la sécurité contractuelle Il faut parler ici de casuistique factuelle car la solution de la Cour l'a fait user complaisamment d'une subtilité morale (l'erreur sur la valeur) en la tirant d'un fait d'espèce : le cas tout particulier de Madame Boucher. [...]
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