L'arrêt de cassation, rendu le 5 novembre 1969 par la deuxième Chambre civile de la Cour de Cassation, montre les difficultés particulières entrainées par la supposée non consommation du mariage par le mari en rapport avec la faute.
En l'espèce, Madame Y, épouse de Monsieur X, avait demandé l'interruption de la vie commune six mois après la célébration du mariage en raison de l'inefficacité de son mari à remplir le « devoir conjugal ». Son mari l'avait laissée déçue par son non-empressement et son inefficacité. Elle était encore, six mois après la célébration du mariage, vierge.
Madame Y forma alors une demande en divorce. Sa demande fût accueillie ; les juges du fond relevèrent que « laissant sa jeune femme déçue, en possession de son plein état de fait de jeune fille, que la preuve de non-empressement de Monsieur X, ou pour le moins de son inefficacité, résultait indubitablement des constatations du médecin qui avait examiné Madame Y, un tel comportement du mari étant suprêmement injurieux pour la femme, et essentiellement de nature à rendre intolérable le maintien du lien conjugal ». Ils relevèrent aussi que Monsieur X avait seulement suggéré devant la cour, sans s'en expliquer, que son épouse n'était pas étrangère à ces résultats et qu'il n'estimait pas ces derniers décevants. Les juges du fond prononcèrent le divorce aux torts de Monsieur X. Ce dernier forma alors un pourvoi en cassation.
Monsieur X tente démontrer que les juges du fond ont violé la loi. Il estime qu'en statuant de la manière qu'ils l'ont fait, les juges du fond n'ont pas respecté l'article 232 du Code civil. Il estime que la « faute » qui lui a été reprochée, c'est-à-dire l'inexécution du « devoir conjugal », n'est peut être une cause de divorce qu'à la condition d'être fautive et imputable à l'époux contre lequel ils sont invoqués.
Est-ce que la non-consommation du mariage par l'un des époux, au détriment de l'autre, qui n'est pas imputable à la faute de l'époux inexécutant peut donner lieu à la prononciation du divorce aux torts de ce dernier ?
La Cour de Cassation casse et annule l'arrêt. Elle estime que les juges du fond n'ont pas donné de base légale à leur décision en ce qu'ils n'ont pas recherché si la non-consommation du mariage était imputable à la faute du mari. Dès lors, la cassation et le renvoi étaient justifiés.
Cet arrêt de cassation donne l'occasion d'évoquer les difficultés particulières que suscite le moyen tiré de la non-consommation du mariage, allégué lors d'une action en divorce. Son caractère spécifique implique que le devoir de relations sexuelles dans le mariage est double : abstention et action. À l'encontre du devoir de fidélité, qui est expressément énoncé à l'article 212, le « devoir conjugal » n'est pas énoncé de manière si évidente. Toutefois, on peut considérer que ce devoir est énoncé de manière obscure dans l'article 215. On peut en déduire que l'intention matrimoniale, et la cohabitation qui s'en déduit, implique une communauté de vie sous le même toit ainsi qu'une communauté de lit. Elle requiert donc aussi des relations d'ordre sexuelles. Toutefois, si la non-exécution de l'une ou de l'autre peut constituer une faute susceptible de mettre en jeu la responsabilité de son auteur en vue de l'article 1382 du Code civil et peut donner lieu à un divorce, il est indispensable de bien déterminer les différences qui séparent ces deux obligations. Notre raisonnement sera guidé par ces différences considérables. Nous verrons donc dans un premier point l'appréciation de la faute et puis, dans un deuxième point, les difficultés qui peuvent résulter pour l'établissement de la preuve.
[...] La Cour de Cassation casse et annule l'arrêt. Elle estime que les juges du fond n'ont pas donné de base légale à leur décision en ce qu'ils n'ont pas recherché si la non-consommation du mariage était imputable à la faute du mari. Dès lors, la cassation et le renvoi étaient justifiés. Cet arrêt de cassation donne l'occasion d'évoquer les difficultés particulières que suscite le moyen tiré de la non-consommation du mariage, allégué lors d'une action en divorce. Son caractère spécifique implique que le devoir de relations sexuelles dans le mariage est double : abstention et action. [...]
[...] Toutefois, si la non-exécution de l'une ou de l'autre peut constituer une faute susceptible de mettre en jeu la responsabilité de son auteur en vue de l'article 1382 du Code civil et peut donner lieu à un divorce, il est indispensable de bien déterminer les différences qui séparent ces deux obligations. Notre raisonnement sera guidé par ces différences considérables. Nous verrons donc dans un premier point l'appréciation de la faute et puis, dans un deuxième point, les difficultés qui peuvent résulter pour l'établissement de la preuve. I -L'interrogation sur la portée de la faute Le refus du devoir conjugal constitue-il une faute ? [...]
[...] Il en sera ainsi a fortiori pour le devoir conjugal L'article 242 C Civ permet-il de sanctionner le refus du devoir conjugal ? La différence entre le devoir de fidélité et le devoir conjugal est encore accentuée du fait que l'adultère constitue une cause péremptoire de divorce. Mais le refus du devoir conjugal ne constitue une faute au sens de l'article 242 du Code civil que s'il est constitutif d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendent intolérable le maintien de la vie commune. [...]
[...] On peut en effet déduire logiquement de la longue patience du demandeur que ce dernier, en réalité, avait consenti à l'absence de relations sexuelles. Mais ceci aussi est contestable car, s'il est vrai qu'un époux pouvait avoir consenti à un moment à l'absence de relations sexuelles par divers motifs, il ne faut pas perdre de vue qu'un tel renoncement n'engage pas l'avenir. L'obligation n'en est dès lors pas disparue. Mais on peut aussi imaginer l'hypothèse selon laquelle un époux ne se plaint après de longues années de l'inexécution du devoir conjugal que pour divorcer par le motif qu'il invoque, ce dernier lui servant de prétexte. [...]
[...] La continuité des relations sexuelles est donc aussi requise. Ensuite, il faut prouver que l'abstention de l'un des conjoints est la cause de l'inexécution du devoir conjugal. Toutefois, on observe qu'en pratique, il est très facile pour chaque époux d'imputer à l'autre l'absence de relations. Il est donc très difficile de prouver de prouver que l'abstention de l'un des conjoints est la cause de l'inexécution du devoir conjugal. Enfin, si ces deux éléments sont remplis, ce qui est loin d'être facile, il faut encore prouver en quoi l'attitude, du conjoint qui s'abstient du devoir conjugal, est fautive. [...]
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