La faculté de discernement comme élément constitutif de la faute délictuelle fut l'objet de virulents débats au sein de la doctrine, auxquels ont mis fin les arrêts rendus par l'Assemblée Plénière de la Cour de cassation le 9 mai 1984 ; en effet, ces arrêts mettent fin à l'irresponsabilité de l'enfant dépourvu de discernement. La décision rendue par la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation le 28 février 1996 s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence de 1984, car il admet la faute de l'enfant, en écartant la recherche de son éventuelle capacité de discernement. En effet, en l'espèce, une fillette de huit ans a été confiée pour une soirée à un adulte. En courant, elle a heurté le fils mineur de l'adulte gardant qui transportait une casserole d'eau bouillante, et a subi des brûlures. La mère de la fillette a donc assigné l'adulte qui avait la fillette à sa charge le soir de l'accident en réparation du préjudice subi, ainsi que son assureur. Le 27 janvier 1994, la Cour d'appel de Besançon déclare l'adulte chargé de la garde de la fillette comme responsable du préjudice subi par celle-ci. Il forme donc un pourvoi en cassation devant la 2e Chambre civile le 28 février 1996.
[...] L'application du modèle du bon père de famille Étant donné que la Cour de cassation a adopté une conception purement objective de la faute, celle-ci est logiquement appréciée in abstracto, afin d'écarter tout élément subjectif. En effet, la 2ème Chambre civile ne semble pas comparer le comportement de l'enfant à un modèle de comportement raisonnable et diligent d'un enfant du même âge. Au contraire, la solution adoptée par la Cour d'appel a été censurée, car elle prenait en compte le jeune âge de l'enfant et l'absence de ses facultés de discernement. [...]
[...] En 1996, la deuxième chambre civile a adopté le modèle traditionnel du bon père de famille sans l'adapter à l'âge du responsable, ce qui peut sembler très sévère, car la sévérité de 1984 est encore plus renforcée. En effet, la faute sera toujours retenue si le comportement d'un enfant est comparé à celui d'un adulte sensé être avisé, prudent, diligent ou raisonnable. Cela ne semble pas être totalement approprié, on devrait logiquement comparer l'enfant à un enfant du même âge, dans les mêmes circonstances pour en déduire s'il y a commission de la faute ou non. [...]
[...] Il forme donc un pourvoi en cassation devant la 2e Chambre civile le 28 février 1996. La Cour a en effet déclaré responsable l'adulte chargé de la garde de la fillette et n'a retenu aucune faute de la victime, qui a subi les brûlures, au motif que celle-ci, compte tenu de son jeune âge, ne peut être déclarée responsable de la faute qui a participé à son propre dommage, car il était prévisible et naturel au regard du contexte dans lequel il a eu lieu : l'effet exonératoire de la faute de la victime n'a donc pas été retenu par les juges du fond. [...]
[...] ( Nous relevons un certain paradoxe lorsque l'enfant responsable de sa faute est en même temps la victime de sa faute, car son indemnisation ne peut être totale : en effet, le tiers qui est victime de la faute de l'enfant responsable peut demander réparation aux parents de celui-ci, à leur assureur, mais lorsqu'il s'agit d'un enfant responsable et victime de sa propre faute, à qui demander l'indemnisation ? De plus, la Cour de cassation semble appliquer une appréciation abstraite de la faute de l'enfant. [...]
[...] L'admission de la responsabilité tout d'abord pour les aliénés mentaux et ensuite pour l'enfant répond à une volonté d'indemniser la victime, car celle-ci ne pouvait obtenir réparation si l'individu fautif n'avait pas la capacité de discernement. La Cour de cassation abandonne donc l'élément subjectif de la faute, et consacre une pure objectivité de la faute, et notamment de la faute de l'enfant, qui cause un dommage à autrui ou à lui-même. B. Une conception purement objective de la faute. L'arrêt rendu par la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation le 28 février 1996 s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence de 1984. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture